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la prééminence & l'autorité fur fes frères (1).

Il y avoit, par rapport aux mariages, une coutume auffi généralement répandue que l'étoit celle qui laiffoit aux pères de famille toute liberté fur le partage des biens qui devoient entrer dans leur fucceffion. Lorfqu'on cherchoit une fille en mariage, bien loin d'en exiger une dot, comme c'eft l'ufage parmi nous, on étoit en quelque forte obligé de l'acheter, foit par des fervices rendus à fon père, comme Jacob en rendit à Laban pour obtenir Rachel; foit par des dons faits à fa famille, tel qu'en offrit Sichem aux enfans de Jacob, quand il voulut épouser leur fœur; foit par des préfens faits à la fille elle-même, comme Eliézer en porta à Rébecca, à sa mère, & à fes frères, lorfqu'au nom d'Abraham il fut la demander en mariage pour Ifaac. Cette coutume fubfifta long-tems: elle étoit celle de la plupart des anciens peuples, & elle fe

(1) Hérod. 1.7, c. 2; & voyez Goguet, 1. 1, c. 1, art. I

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retrouve encore chez bien des Nations (1). On pense que c'eft par une fuite de cet ancien usage, que les Affyriens en avoient établi un très-fingulier, cité par Hérodote (2), qui en fait l'éloge, quoiqu'on n'ait pu rien imaginer de moins propre affortir les caractères & à préparer d'heureux mariages. On assembloit tous les ans dans un même lieu les filles qui étoient en âge d'être mariées ; & alors le Crieur public vendoit premièrement la plus belle, qu'il mettoit à un très-haut prix ; celle qui la fuivoit en beauté étoit vendue la feconde; toutes les autres à leur tour, felon le prix qu'elles pouvoient valoir, étoient ainfi mifes à l'enchère & achetées par ceux d'entre les riches qui n'étoient point encore mariés. Lorfqu'enfin il n'en reftoit plus que de laides ou de difformes, on faifoit lever la plus laide d'entre elles, & on la propofoit à des hommes moins avantagés des biens de la

(1) Voyez Goguet, ibid.

(2) Hérodote, l. 1, c. 96, & Elien. Var. Hft. 1. 4, c. I.

fortune, avec une petite fomme, quoique proportionnée fans doute à fa difformité ou à fa laideur. Les moins laides venoient enfuite; & toutes étoient pour'vues avec ce même argent qui provenoit de la vente de celles qui avoient quelques attraits. Il n'étoit permis à qui que ce fût de marier fa fille à fa fantaisie, ni à celui qui l'achetoit de l'emmener fans donner caution qu'il l'épouferoit. Si cependant les parties ne pouvoient s'accorder, une autre difpofition de la Loi, non moins propre à enfanter d'autres abus, vouloit qu'on rendît à l'acheteur l'argent qu'on en avoit reçu. Cette coutume ceffa, felon Hérodote, fur la fin de la monarchie, pour faire place, parmi le peuple, à un genre de trafic bien plus contraire encore aux bonnes mœurs.

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La manière ufitée de conftater les ventes, les achats, les emprunts, tout autre efpèce de contrats & d'actes judiciaires, étoit de les faire en public & devant des témoins, fouvent même à la porte des villes. C'étoit là fpécialement, & en préfence de tout le peuple, qu'on rendoit

la justice. Job nous apprend que telle étoit la pratique de fon tems (1). Nous avons rapporté quelques-uns de ces usages en parlant d'Abraham; ils fubfiftoient, felon le rapport d'Homère, dans les fiècles héroïques (2), & devoient leur origine aux tems où l'art d'écrire étoit encore ignoré. Les Juges étoient ordinairement les anciens, & dans bien des lieux, c'étoient les Prêtres de la Nation (3).

La fimplicité des mœurs a été un des premiers caractères de l'antiquité. Elle a fubfifté plus ou moins long tems dans les diverses contrées, à proportion de ce que les fociétés y ont été plus ou moins nombreuses, & de ce que, chez les Nations policées, les arts, qui nous apprennent à raffiner fur les befoins & fur les commodités de la vie, ont fait des progrès plus ou moins rapides. Les Patriarches, par uné fuite de la vie nomade & paftorale qui leur étoit ordinaire, ont confervé les traits

(1) Chap. 29, V. 7.

(2) Iliad. 1. 18.

(3) Voyez Goguet, ubi fuprà,

de cette fimplicité primitive d'une manière plus fenfible & plus conftante que la plupart des peuples qui les environnoient; & c'eft fans doute à raifon des lumières plus pures qui leur avoient été tranfmifes, qu'on remarque en même tems dans leurs moeurs moins de ce mélange de groffiéreté qui fe trouve dans les premiers Héros de la Grèce qu'Homère a célébrés.

Nous entendons au refte par fimplicité de mœurs, non pas précisément ce qui en fait l'innocence; car ces deux caractères, quoiqu'ils femblent tenir l'un àl'autre, ne font pas toujours inféparables; mais feulement le peu de recherche & d'apprêts dans l'usage même des chofes les plus -néceffaires à la vie. C'eft fur-tout dans ce fens que les mœurs des Patriarches étoient fimples. Prefque toujours à la campagne, ils y logeoient fous des tentes & fe nourriffoient du produit de leurs champs & de leurs troupeaux. Du pain de froment cuit fous la cendre, des légumes, du laitage, quelquefois un veau entier rôti ou grillé, des pièces de gibier qu'ils avoient tuées à la

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