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quelque pièce de monnoie, & lui difoit : J'implore en votre faveur la Déeffe Mylitta; c'est le nom que les Babyloniens donnoient à Vénus. Il l'emmenoit enfuite dans un lieu reculé, fans qu'elle fût libre ni de refufer le premier étranger qui s'offroit à elle ni de rejeter la fomme qu'il lui préfentoit, quelque modique qu'elle pût être. Après avoir ainfi satisfait à la loi, elle sacrifioit à la Déesse, & fe retiroit dans fa maison, où nul préfent n'étoit capable de la corrompre.

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M. Goguet (1), quoique bien éloigné de juftifier une coutume auffi infâme prétend du moins que, dans l'opinion où l'on étoit que Vénus fe plaifoit à précipiter le fexe dans les plus honteux égaremens, cette prostitution étoit comme un facrifice qu'on lui faifoit pour racheter la vertu des femmes, pendant le refte de leur vie, par l'écart d'un moment, Mais, avec un tel préjugé, quelle confiance auroit-on pu avoir dans la vertu de

(1) De l'Origine, &c. troifième partie, 1.6,

C. I, art, 2,

celles

celles qui n'avoient fait qu'éluder là loi?

On a retrouvé dans d'autres pays des coutumes affez femblables à celle que nous venons de rapporter. Lucien nous apprend qu'à Biblos en Egypte, les femmes qui ne vouloient pas faire couper leur cheveux pendant la fête d'A donis, étoient obligées de fe prostituer aux étrangers (1). Justin attribue aux femmes de Cypre le même genre de déréglement en l'honneur de Vénus; & Saint Auguftin dit la même chofe des femmes de Phénicie (2).

Tous ces exemples de la dépravation humaine cefferont de nous étonner, lorfque nous les rapprocherons de l'idée que les Païens fe formoient de leurs Divinités. En leur attribuant les vices & les paffions des hommes, il étoit naturel qu'ils prétendiffent les honorer par ces infamies; & des coutumes diffolues me surprennent beaucoup moins que des

(1) De Deâ Syriâ.

(2) De Civit. Dei, l. 4, c. 10.
TOME II.

D

mœurs chaftes, fous l'empire d'une Vénus impudique.

A Babylone, les Prêtres de Jupiter Bélus ne donnoient pas de ce Dieu une idée plus favorable à la pureté des mœurs; & il paroît affez que les leurs en particulier n'étoient pas mieux réglées que celles du peuple, Dans la tour la plus élevée du temple confacré à cette Divinité, il y avoit, dit Hérodote (1), une chapelle où étoit un lit de parade, & auprès du lit une table d'or. Il n'y avoit dans cette chapelle aucune ftatue, & il n'étoit permis à perfonne d'y coucher, fi ce n'eft à une femme du pays, dont Bélus faifoit choix entre toutes les autres. C'eft fur ce lit magnifique dont la chapelle étoit ornée, que le Dieu, au rapport des Prêtres Chaldéens, venoit fe repofer, pour y honorer une foible mortelle de fa préfence. Les Prêtres de l'Egypte n'étoient pas plus fages que ceux de Babylone, puifque la même

(1) Hérodote, 1, 1, c. 81, 82.

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chofe avoit lieu à Thèbes dans le temple de Jupiter (1).

Les Egyptiens étoient, comme nous l'avons dit, le plus fuperftitieux de tous les peuples. Ils avoient leurs Dieux de différens ordres & de rangs divers; premièrement, leurs Dieux céleftes & immortels, parmi lesquels ils en distinguoient quelques-uns, tels que Jupiter, Mercure, Apollon, &c., qui parcouroient de tems à autre toutes les contrées de la terre, & apparoiffoient aux hommes tantôt fous une figure humaine, tantôt fous celle de quelques animaux facrés (2; fecondement, leurs Dieux terreftres, nés mortels; mais qui s'étoient rendus dignes d'être élevés à l'immortalité 3. Une troifième claffe, pour ne leur rien prêter de plus (4), étoit celle des animaux, dont ils s'étoient fait des Divinités.

(1) Hérod. tbid.

(2) Diod. l. 1, p. 12.

(3) Voyez ci-deffus, tome 1, p. 363.

(4) Ibid. p. 404,

& la note.

Ce n'est pas au refte que les Egyptiens fuffent les feuls qui proftituaffent à des animaux leur culte & leurs hommages. Les Affyriens adoroient les colombes ; les Syriens, les Lydiens adoroient les poiffons par la fuite, les Theffaliens honorèrent les fourmis dont ils croyoient tirer leur origine; les Açarnaniens révérèrent les mouches on ne finiroit pas fi l'op vouloit s'étendre fur toutes ces folies des Nations païennes (1); l'Egypte, en ce genre, les furpaffoit toutes. Elle portoit la vénération pour les objets de fon culte à un tel point de fuperftition, que fi quelqu'un tuoit exprès un des animaux que l'on adoroit, il lui en coutoit la vie ; & celui qui auroit tué, même par mégarde, un chat, qu un ichneumon, eût été à l'inftant maffacré par le peuple; çe qui arriva en effet à un citoyen Romain du tems de Diodore, fous un Ptolémée, malgré tous les ménagemens qu'on gardoit pour la République (2), (1) Voyez Banier, Mythol. 1. 3, C. 4, & pour les détails Voffius, de Origin. idololatr. (2) Diod. 1. 1, p. 75.

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