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frein que leur volonté & d'autre règle que leurs défirs, les Rois d'Egypte, au contraire, dans l'adminiftration des affaires publiques, & dans tout ce qui concernoit leur conduite particulière, fe laiffoient gouverner par les loix : mais il a foin de nous avertir que c'est ainsi qu'ils en ufoient dans les premiers tems; & ces premiers tems dont il parle, on eft affez embarraffé pour favoir où les placer.

Telles font, après tout, ces loix que Diodore a trouvées dans les livres écrits par les Prêtres Egyptiens (1), & dont l'ufage, du moins pour la plupart d'entre elles, femble avoir appartenu à quelque époque particulière qu'il nous feroit très-difficile de fixer.

Il n'étoit point permis au Monarque de fe faire fervir par des efclaves; mais on lui donnoit, pour le fervice de fa maison, les enfans des principaux d'entre les Prêtres, toujours au deffus de vingt ans, & les mieux élevés de la Nation,

(1) Diod. 1. 1, p. 63 & fuiv.

afin que voyant fans ceffe autour de fa perfonne la jeuneffe la plus diftinguée de fon Royaume, il ne fît rien de bas & qui fût indigne de fon rang. En effet, ajoute l'Hiftorien, les Princes ne s'abandonnent fi-aifément à toutes fortes de vices, que parce qu'ils trouvent des. Miniftres toujours prêts à fervir leurs paffions.

Il y avoit fur-tout des heures du jour & de la nuit, où le Roi ne pouvoit difpofer de lui, & où il étoit obligé de remplir les devoirs marqués par les Loix. Au point du jour, il devoit lire les lettres qui lui étoient adreffées de toute part, afin qu'inftruit par lui-mêmede l'état de fon Royaume & de celui de fes fujets, il pût pourvoir à tous les befoins & remédier à tous les maux. Après avoir pris le bain, il fe revêtoit d'une robe précieuse & des autres marques de la royauté pour aller fa crifier aux Dieux. Quand les victimes avoient été amenées à l'autel, le GrandPrêtre, debout & en présence de tout le peuple, demandoit à haute voix

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qu'ils confervassent le Roi, & répandiffent fur lui toute forte de profpérités, parce qu'il gouvernoit fes fujets avec beaucoup de fageffe & d'équité. Ici le Grand Prêtre inféroit dans fa prière un dénombrement exact de toutes les vertus propres à un Roi, en les attribuant à celui qui régnoit alors, ce qui pouvoit bien quelquefois faire un fingulier contrafte avec les mœurs. On le louoit de fa piété envers les Dieux, de fes fentimens tendres & compatiffans. à l'égard des hommes, de fa tempérance, de fa juftice, de fa magnanimité, de fon extrême horreur pour le menfonge, de fa conftance à vaincre fes paffions du foin qu'il prenoit de faire à fes fujets tout le bien qui étoit en fon pouvoir, de fa modération à punir les fautes, & de fa libéralité récompenfer les mérites (1). Après plu fieurs éloges à peu près femblables, le Grand-Prêtre condamnoit toutefois les manquemens où le Roi étoit tombé par

(1) Diod. ubi fuprà, p. 64.

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ignorance; mais, prenant foin de l'en difculper lui même, il chargeoit d'exécrations les flatteurs & tous ceux qui lui donnoient de mauvais confeils. Il en usoit ainsi, dit l'Historien, parce que les avis, mêlés de louanges, font plus efficaces que les remontrances amères, pour porter les Rois à la crainte des Dieux & à l'amour de la vertu. Peutêtre, malgré cette réflexion, auroit-on lieu de douter s'il leur étoit plus aifé de profiter des avis, que de fe laiffer endormir par les louanges.

Le Roi ayant facrifié, & confulté les entrailles de la victime, le Lecteur des Livres facrés lui lifoit quelques actions ou quelques paroles remarquables des grands hommes; afin que le Monarque, ayant l'efprit rempli d'excellens principes, en fît usage dans toute fa conduite. Ce n'étoit pas feulement dans les chofes importantes qu'elle étoit réglée par les Loix, mais dans les actions même les plus communes. Affujetti au régime le plus exact pour les alimens comme pour la boiffon, il l'étoit également fur tout

le refte; il ne pouvoit ni fe promener, ni prendre le bain, ni voir la Reine en particulier, ni faire quoi que ce foit, qu'à certaines heures. A plus forte raison ne pouvoit-il fuivre ni fa passion, ni fa fantaifie dans les affaires d'Etat; pour tout dire enfin, dans les jugemens qu'il rendoit, dans les peines qu'il imposoit, il étoit aftreint à ce que les Loix avoient ordonné pour toutes les circonftances qu'elles avoient prévues.

Les Rois, fi l'on en croit Diodore, bien loin de fe fentir gênés par ces pratiques, trouvoient au contraire qu'elles lear procuroient une vie douce & heureuse; car ils étoient perfuadés, ajoutet-il, que les hommes, dont rien n'arrête le caprice, font une infinité de choses qui les expofent à toutes fortes de dangers, & qui les perdent. L'amour des fujets pour leur Prince étoit la récompense de sa fidélité à fuivre les confeils des Sages & à obferver les Loix. Ils le chériffoient plus qu'un père ne chérit fes enfans, plus que des enfans bien nés ne chériffent le meilleur & le plus

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