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Loix, de leurs opinions, & de leurs fyftêmes.

Les Dieux d'Egypte & de Phénicie transportés en d'autres lieux, changèrent quelquefois de nom; on leur prêta de nouvelles fables, & les Grecs firent tout ce qu'ils purent pour fe les approprier. Sous ces noms déjà confacrés, parurent auffi des hommes qui impofèrent à la multitude, & fe firent paffer pour des Dieux. A peine les colonies Egyptiennes fe feront-elles établies dans la Grèce, que nous verrons éclore de toute part des Jupiter, des Junon, des Apollon, des Bacchus, des Cérès, & une foule d'autres Divinités. Apis, fils de Phoronée, & petit-fils d'Inachus, qui le premier fe donna pour un Jupiter vifible, étoit de race Egyptienne, auffi bien que Prætus, frère d'Acrifius, qui, sous le nom de Jupiter, & en faisant pleuvoir l'or, déshonora fa nièce Danaé (1). Le Jupiter de Crète parut encore avec plus

(1) M. l'Abbé Foucher, Mém. de l'Acad. des Infcript., tome XXXVI, in-4°., & LXVI in-12, fixième Mém, fur les Phéniciens.

d'éclat, & fut feul honoré par la fuite, comme le grand Jupiter & le maître du monde. D'un autre côté, Cadmus, originaire de Thèbes en Egypte, mais venu de Phénicie en Grèce, donna la naissance de fon petit-fils pour une nouvelle manifeftation d'Ofiris, afin de fauver l'honneur de fa fille. Amphitryon & Alcmène, également Egyptiens d'origine, voulurent faire reconnoître l'ancien Hercule dans leur fils Alcide, que la fable fait naître de Jupiter fous les traits d'Amphitryon. Ces évènemens, affez peu éloignés des tems de Moïfe& de Jofué, font affez voir comment les Dieux des autres Nations fe naturaliferent chez les Grecs, & comment fe forma le tissu bizarre & compliqué de leurs nombreuses aventures dans la Mythologie de ce peuple, qui ne tarda pas à divinifer toutes les parties de la Nature.

Je vous en ai dit affez, mon fils, fur ce qu'il y avoit de plus connu en matière de Religion, à l'époque dont nous allons fortir. Si c'est un fpectacle bien humiliant pour la raison humaine de voir jusqu'à quel point elle a pu s'égarer lorf

"qu'elle a été abandonnée à elle-même ; ce fpectacle eft en même tems bien utile pour nous apprendre tout ce que nous devons à la révélation, & combien fon fecours nous étoit néceffaire. Mais fans infifter fur cette grande vérité dont toute l'Hiftoire eft la preuve la plus fenfible, bornons nous à quelques réflexions importantes, qui fuivent naturellement des faits que nous avons expofés jufqu'ici. Pour peu que nous les confidérions avec attention, nous remarquerons premièrement, qu'un culte plus pur que tous ceux qui ont fait en dernier lieu l'objet de notre furprise & de notre indignation, a été le premier culte du genre humain, & que tel eft l'avantage inestimable de la vraie Religion, de cette Religion naturelle & révélée (1), dont le Chriftianifme n'eft, en

(1) Je dis naturelle, parce que les premières vérités qu'elle renferme font conformes à la nature des chofes, & qu'une raifon droite y acquiefce par fon propre jugement, lorsqu'elles lui font préfentées ; je dis en même tems révélée, parce qu'indépendamment de quelques dogmes d'un ordre fupérieur, tels que la pro

un fens, que le développement & la perfection, qu'elle remonte d'âge en âge, & bien avant toute idolâtrie, aux premiers jours du monde : fecondement que l'idée de la Divinité se présente si fortement à notre efprit, ou y a été tellement gravée par une tradition primitive & univerfelle, que l'homme, en fe méprenant fur fa nature & fur fes perfections, a mieux aimé la multiplier au gré de fon imagination, de ses sens, & de fes passions, que de fe croire indépendant d'une puissance fupérieure à lui, de quelque nature qu'elle pût être : aufli pouvonsnous dire, que l'oubli de toute Religion n'a eu lieu que chez des peuples réduits au dernier degré d'abrutissement; si tanţ eft qu'un peuple entier, absolument

meffe d'un Rédempeur, ces premières vérités, que nous regardons comme fi naturelles, ont été manifeftées également au premier homme par la Divinit', & qu'il est au moins douteux que la Religion, même purement naturelle, eût pu être bien connue fans cette manifestation, & fans la tradition qui en a été la fuite.

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dépourvu de toute idée de Religion, ait jamais exifté troisièmement, que la po

litique n'a point inventé la Religion des peuples, puifqu'on la voit, en tous lieux, précéder leurs plus fages Légiflateurs & leurs Philofophes les plus éclairés : ils ont pu, il eft vrai, la modifier en certaines rencontres; mais, en ce cas-là même, c'eft fur un fonds déjà subsistant qu'ils ont travaillé. A plus forte raifon devons-nous convenir qu'une Religion primitive n'a point été inventée par les Prêtres, puisqu'il n'y auroit point eu de Prêtres, de culte, ni de facrifice, fi déjà il n'y avoit eu quelque Religion & quelque Divinité: quatrièmement, que la crainte n'a pas fait les Dieux ; ou, fi l'on veut, qu'elle n'a pas été l'unique, ni la principale fource de leur origine. En effet, le culte des aftres, celui des bienfaiteurs & des Héros, celui même de la plupart des animaux que les Egyptiens ont adorés, fuppofent plutôt l'admiration, le befoin, la reconnoiffance, que la crainte & la terreur ; cinquièmement, que comme nous

avons

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