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bien revenu des anciens préjugez que la longue poffeffion des Seigneurs avoit fait naître, que M. Ch. Dumol. nous donna fes Nottes fur les Coutumes d'Anjou & du Maine, où il retrace cette ancienne poffeffion des Seigneurs.

Mais la preuve qu'il n'avoit pas fuffifamment difcuté & éxaminé cette question, eft qu'il donne également aux Seigneurs les droits d'Aubaine comme les droits de Bâtardife, quoique les premiers foient aujourd'hui, de l'avis de tout le monde, des droits Royaux.

C'eft de cette ancienne poffeffion, ou plûtôt de cette ancien ne ufurpation, dans laquelle les Seigneurs ont fait effort de fe maintenir, qu'eft née cette varieté de Coutumes.

Dans quelques-unes les Seigneurs ont voulu se faire un droit tant pour les droits de bâtardife, que pour les droits d'Aubaine. Dans quelques autres, où la poffeffion fe trouva être fa vorable au Roi, ou aux Ducs & Comtes aufquels le Roi à fuccedé, ces droits ont été confervez au Roi, comme dans la Cou tume de la Marche, art. 233. dans celle du Duché de Bourgogne, ch. 8. art. 1. dans celle de Sedan, art. 197. dans celle de Bar tit. 6. art. 73. dans celle d'Artois, &c,

Enfin, felon que la poffeffion des Seigneurs étoit plus ou moins limitée, les Coutumes leur donnerent plus ou moins de droit; & c'est ce qui a produit trois fortes de Coutumes: Les unes comme celle de Laon art. 6. où il falloit que le Bâtard füt nédans la Terre du Seigneur, & qu'il y eût fes biens.

Les autres, comme celle de Meaux, art. 30. & d'Amiens; art. 250. où il faut queles Bâtards foient nés, & décedés dans l'étenduë de la Juftice.

Enfin les dernieres Coutumes, comme celle de Mantes art. 177. Châlons tit. 4. art. 12. où le concours des trois cas eft abfolument néceffaire, parce que la poffeffion des Seigneurs n'étoit que dans le concours de ces trois cas.

Toutes ces différences n'étoient fondées que fur la différente maniere de poffeder; poffeffion qui n'avoit d'autre fource que l'ufurpation, & dans laquelle les Seigneurs n'avoient été mainte nus que fous laréserve de la question de la proprieté.

Cette question de la proprieté dont l'examen avoit été réservé par les Arrêts, a été effectivement difcuttée depuis.

Le droit du Roi fut reconnu pour incontestable ; mais c'étoit une grande entreprise qued'ôter aux Seigneurs les droits de bâtardile dans tous les cas, & fans abandonner les droits du Roi, on crut devoir prendre un tempérament, qui fut d'admettre les Seigneurs à recueillir les biens des Bâtards dans la concurrence des trois cas.

En accordant aux Seigneurs les droits de bâtardise dans la concurrence des trois cas, on leur accordoit peu de chose,& l'on ne révoltoit pas absolument l'efprit des Seigneurs.

Mais ce peu même qu'on leur accordoit étoit toujours une gra ce, une faveur particuliere, & un relâchement de la févérité de la régle.

Če tempérament fut pris par une forte de compensation, dans laquelle le Roi a prefque autant perdu par rapport aux avantages qu'il avoit dans le tems même de l'ancienne Jurifprudence, qu'il a gagné par l'établissement de la nouvelle.

Comme c'étoit uniquement à titre de fervitude que les Seigneurs s'étoient mis en poffeffion de fucceder aux Bâtards, & aux Aubains, ce droit eut le fort de toutes les nouveautez odieuses; on chercha bientôt à l'éluder, & il étoit à peine introduit, qu'on trouva le moyen d'en adoucir la rigueur, en permettant aux Bâtards d'avoüer ou de reconnoître un Seigneur, moyennant quoi il acqueroit la franchise, pour prix de fa reconnoiffance; à peu près de la même maniere que les roturiers qui s'avoüoient Bourgeois du Roi, ceffoient d'être fous la domination des Seigneurs particuliers.

Il est vrai que le Seigneur immédiat pouvoit empêcher cet affranchiffement s'il avoit reçu du Bâtard ou de l'Aubain l'aveu de fervitude; mais il falloit pour cela qu'il eût le droit de nouveaux aveus, droit que tous les Seigneurs n'avoient pas foit ufage fût établi par les Loix de l'inféodation, foit qu'il fût fondé fur la diftinction des differents ordres de Seigneuries.

que cet

Comme tous les Seigneurs n'avoient pas droit de nouvel aveu par rapport à la fervitude, tous les Seigneurs ne l'avoient pas non plus par rapport à la franchise & à la Bourgeoifie, & c'étoit orordinairement les Seigneurs Superieurs, qui exerçoient cette autorité.

Mais le Roi étant le Seigneur des Seigneurs, le fouverain Fieffeux, & le dernier terme de la dévolution féodale, il s'enfuit de ce principe que faute d'aveu de dégré en dégré les Bâtards ou les Aubains pouvoient retomber jufques dans les mains

du Roi.

On trouve des preuves de cette verité dans les anciennes Coutumes locales de la Province de Berry, recueillies par la Thaumaffiere.

Dans l'art. 1o.de celle de Thevé,il eft dit, "Que tous étrangers ,,venants demeurer dans ladite Terre & Justice par demeure d'an & jour par eux faite, font acquis gens francs du Seigneur, ,, finon que ledit an & jour ils ayent fait aveu de fervitude ès Seigneurs ayant droit de nouvel aveu.

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L'art. 2 de la Coutume locale du Châtelet, marque "Que ,, tous Nobles de ladite Terre, tenans chef fief de Madame du „Châtelet en ladite Terre en foi & hommage, ont droit de re,,cevoir nouveaux aveus, & peuvent renoncer à leur profit tous Aubains & Aubaines venants d'autrui terre en icelle du Châ ,, telet, en faifant aveu de fervitude, & non autrement.

L'article 2. de celle de Rezay s'explique encore d'une maniere plus précise, lorsqu'il dit que,, par ladite Coutume, ladite Terre

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& Seigneurie est serve, & de ferve condition, en telle maniere ,, que tous Manans & Habitans en villes, & qui y viennent de,,meurer par an & jour, font acquis à mondit Seigneur ferf, & de ferve condition; finon qu'ils ayent fait aveu de Bourgeoisie à mondit Seigneur ou autre, ayant droit de nouveaux aveus.

Il y eut même des pays où le droit de recevoir l'aveu des Bâtards, fut regardé comme un droit purement Royal; & l'on y jugea que les Bâtards ne pouvoient choisir d'autre Seigneur que le Roi: Tel étoit le droit commun dans l'Orleannois & la Sologne. C'est ce qui eft marqué en termes très-exprès dans le ch. 30. du liv. 2 des établiffemens de S. Louis, "Bâtard ou Aubain ne peut „ faire autre Seigneur que le Roi en obéïffance, ne en autre Seigneurie, ne en fon reffort qui vaille ne qui soit estable, felon l'ufage d'Orleanois & la Saaloingne, c'eft-à-dire, Sologne.

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En réuniffant ces differentes Coutumes, l'on voit

1°. Que tous les Seigneurs n'avoient pas droit de nouveaux aveus; ce droit étoit fingulier, & n'appartenoit qu'à certains Seigneurs.

2o. Il falloit que le Seigneur immédiat reçût l'aveu de servitude dans l'an & jour, fans quoi l'étranger devenoit homme franc du Seigneur Supérieur.

3°. Que le Roi pouvoit feul en certains pays recevoir l'aveu de franchise ou de Bourgeoifie, & les Seigneurs ne pouvoient recevoir que l'aveu de fervitude.

De là il résulte que la fervitude étant abolie, & l'aveu de franchise, ou de bourgeoisie étant toûjours présumé fait entre les mains du Roi, puifque c'eft par fa protection que le Royaume eft devenu auffi franc qu'il étoit dans fon origine; on doit en conclure fuivant les principes de la Jurifprudence même, qui s'obfervoit dans le tems de la fervitude, que tous les bâtards sont à present les hommes francs du Roi,& que par consequent lui feul à droit d'y fucceder.

En fecond lieu, que dans les ufages les plus contraires auDroit du Souverain, il y avoit tant de cas contre les Seigneurs dans lesquels les bâtards pouvoient leur échaper, que le temperament de la derniere Jurifprudence qui a établi la regle uniforme des trois ans, leur est plus favorable que contraire.

Il est donc certain, 1°. Que la regle eft pour le Roi, foit qu'on regarde la chose par rapport aux principes, foit qu'on l'envifage par rapport au défaut de droit des Seigneurs, & à la ceffation des prétextes qu'ils pouvoient avoir pour s'attribuer la fucceffion des bâtards.

2°. Que la facilité que l'on a eu de donner aux Seigneurs particuliers les biens des bâtards, dans le concours des trois cas, eft une véritable grace qui doit faire regarder le droit du Roi renfermé dans ces bornes, comme réüniffant le double caractere d'un droit Royalen lui-même, & d'un droit fi équitable dans fon éxécution, que jamais peut être il n'y a eû de Loi qui doive être plus générale & plus univertelle dans toute l'étenduë du Royaume.

De tout ce qu'on vient de propofer en faveur des droits duRoi, il en résulte que dans les Coutumes, du moins qui font muettes, & ne déterminent rien quant à la fucceffion des bâtards, on ne fçauroit fe difpenfer d'incliner pour le Roi, & de lui adjuger ces fucceffions.

Mais nous avons dans le Royaume plufieurs Coutumes qui donnent nommément aux Seigneurs particuliers la fucceffion des bâtards; & telle eft entr'autres la Coutume du Maine, dans l'étenduë de laquelle nous avons placé la question de notre titre, & il reste à éxaminer fidu moins ces Coutumes ne forment pas un droit pour les Seigneurs.

D'un côté, l'on dit que les Coutumes ayant été redigées de l'autorité du Roi, elles font devenues des Loix qui doivent être exécutées dans toute l'étendue de ces Coutumes, & que cette rédaction ayant été faite en prefence des Commissaires nommez

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