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pas qu'on nous faffe le reproche que Rodemburgius 'adref foit à certains Docteurs de fon tems, qui apparemment ne s'appliquoient qu'à des introductions,des stiles & des protocolles : Ultra formulas, dit-il, ac doctorum lexica nil fapiunt.

Notre objet a été de prévenir autant qu'il feroit en nous, des Procès qui arrivent d'autant plus infailliblement, que le principe de folution eft moins connu ; c'est travailler pour la gloire, & le cœur de l'Avocat n'eft veritablement touché que par cet endroit.

L'on ne trouvera dans ce Volume que XXII. Questions principales ; il y en a plusieurs autres traitées incidemment, & je fuis perfuadé que toutes ensemble, peuvent aider à prendre fon parti fur une très-grande quantité.

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DISCOURS PRELIMINAIRE,

SERVANT DE PLAN GENERAL AUX STATUTS perfonnels & reels.

E Jurifconfulte eft l'homme de toutes les Nations; dans la néceffité où elles fe trouvent de commercer les unes avec les autres, il naît de ce commerce réciproque des conteftations fans nombre, & c'est le Jurifconfulte qui, même dans le plus grand éloignement,les dirige & les conduit,& qui fouvent les regle & les termine. Ces Nations ont leurs Loix, leurs Ufages, & leurs Coutumes, qui fouvent se croisent & fe contrarient ; & fans étendre fes vûës fi loin, nous voyons que dans un même Royaume, les differentes Provinces ont auffi leurs differentes Loix, & cependant ces Loix, ces Coutumes, quoique contraires, veulent toutes l'emporter; chacune femble avoir droit de demander notre fuffrage, & chacune a des motifs preffants pour prétendre à la préference.

C'eft dans ces occafions où l'efprit du Jurifconfulte eft vérita. blement agités également combattu, également preffé de part & d'autre, il refte comme en fufpens entre differentes Loix,dans la crainte d'en violer quelques-unes.

Ce feroit donc travailler utilement,que de faire fes efforts pour trouver des principes qui puffent, s'il eft poffible, fixer nos doutes & nos incertitudes dans un concours de Loix, qui femblent rendre le droit des Parties vacillant,& purement arbitraire.

La contrarieté qui fe rencontre entre les Loix des differentes Nations, & des differentes Provinces d'une même Nation eft connuë prefqu'auffi-tôt qu'on s'eft destiné au Bareau: mais avoüons-

le de bonne foy, il s'en faut beaucoup que l'on fçache de même le parti qu'il faut prendre, quand les circonftances des affaires nous placent entre deux Coutumes, ou deux Loix entierement oppofées.

Tâchons donc de trouver les moyens de concilier ces Loix ennemies, & voyons fi l'on ne peut pas parvenir à les faire ceder les unes aux autres, fans leur rien faire perdre de leur autorité.

Le Jurifconfulte ne doit pas refter fimple fpectateur du combat; il n'en eft pas le Juge, mais il en peut être l'eftimateur juste & éclairé.

Pour y réüffir, il faut connoître à fond la nature des Loix, leurs forces, leurs effets, & leur étendue, & ce n'eft pas une petite étude.

Lorfque je la commençai, je fûs frappé, & comme étourdi du peu d'unanimité de nos Auteurs; & fi je fûs furpris par la contrarieté des Coutumes & des ufages,je le fûs encore plus de voir des Maîtres de l'Art fi peu d'accord entr'eux.

Je defefperai d'abord de pouvoir jamais me faire des maximes certaines ; cependant plus là matiere me paroiffoit difficile & abftraite, & plus je crûs devoir me roidir contre les obstacles, & ce d'autant plus, que je connus qu'il étoit impoffible à l'Avocat de remplir fes fonctions,s'il reftoit muet ou incertain fur des difficultez qui fe renouvellent continuellement.

Je me rappellai la methode que M. Descartes avoit autrefois pratiquée pour parvenir aux veritez philofophiques qu'il cherchoit; je me perfuadai que le Jurifconfulte en pouvoit faire autant pour trouver celles de la Juftice ; je dépofai tout ce que j'avois lû de part & d'autre dans nos Auteurs, & je me livrai à la méditation.

Je crûs appercevoir que les Loix avoient l'homme principalement pour objet ; que toutes leurs difpofitions devoient fe ramener à ce point.

Mais l'homme peut être confideré par rapport aux mœurs, cette premiere vûë n'entroit pas dans mon Plan.

&

On peut encore le confiderer comme Membre politique d'un Etat, qu'il eft befoin de diriger pour la tranquilité, l'harmonie, & le bon ordre public, & cette feconde vûë étoit encore trop éloignée de mon objet.

Enfin,on peut le confiderer d'une maniere plus fubordonnée,

c'eft à fçavoir dans l'ordre du Commerce civil, & de cette communication journaliere d'affaires qui eft entre l'homme & l'homme, & c'eft fous ce regard que nos Coutumes & nos Loix particulieres l'ont envisage.

Mais en confiderant l'homme dans ce point de vûë, il est néceffaire que les biens qui font les liens de cette Societé & communication refpective,entrent dans cette confidération.

L'homme en effet, eft avec l'homme dans un perpetuel commerce;il vend, il achette,il échange,il reçoit,il donne,il emprunte,

il prête, il acquiert par fon travail, il recueille par la du fang

voye

& de la fucceffion, & tranfmet à fon tour par fon decès à fes heritiers, les biens dont il fe trouve proprietaire.

Il étoit donc difficile au Legiflateur de se borner à ne confiderer dans l'homme que l'homme feul denué des biens, qui font neanmoins le commerce & le foûtien de l'homme civil,& réciproquement de n'envisager dans les biens, que les biens feuls, fans que cette confidération refléchit fur l'homme,puifqu'ils ont été créez pour fon utilité.

De-là j'ai crû être en droit dans ma Queftion VI. fur les démiffions de biens de rejetter les differentes définitions, que l'on a jufqu'à prefent données des Loix perfonnelles, & des Loix réelles.

Nos Auteurs veulent que les Loix perfonnelles foient celles qui reglent l'Etat de la perfonne Abstractivè ab omni materiâ, & les Loix réelles celles qui reglent les biens Abstractivè ab omni perfonâ.

Mais fi ces Loix ne confidérent pas l'homme pris métaphyfiquement, & que ce foit au contraire in ordine ad focietatem; li fi elles ne confidérent pas les biens pour les biens même, mais pour l'ufage de l'homme, comment peut-on fauver ces définitions?

Il eft vrai qu'il y a des Loix qui ne difpofent litteralement que de la perfonne: mais pour cela elles n'ont pas moins les biens en vûë, du moins dans uire vûë feconde & reflechie, & par confequent on peut bien dire que ces Loix difpofent de la perfonne, Ĉitrà ullam rerum adjectionem, mais non pas abstractivè ab omni

materiâ.

Il en eft de même des Loix réelles ; il y en a qui dans leur construction litterale ne difpofent que des chofes fans rien sta-tuer fur la perfonne; & l'on peut dire de ces Loix qu'elles difpo fent folummodo de rebus,mais non pas abstractivè ab omni perfona..

L'homme va & vient ; c'est un Habitant de la terre qui la parcourt; il poffede d'ailleurs des biens dans differentes Provinces.

Ces Provinces, ces Nations differentes ayant leurs Loix differentes, quelles feront celles qui dirigeront cet homme ambulant, & quelles feront encore celles qui gouverneront ses biens? L'homme tout ambulant qu'il eft, a toûjours un lieu où il vient se repofer de fes fatigues, & où il goûte les douceurs de la vie qu'il s'eft procurées par fon travail ; c'eft-là où je l'apperçois plus ordinairement, & c'eft-là où il a intention de revenir.

Or y a-t'il rien de plus convenable dans cette varieté de Loix, qui innondent le monde entier, que de regler l'état & la condition perfonnelle de l'homme, felon les Loix des lieux où il fe range, par une permanence & ftabilité, foit actuelle, foit intentionelle?

En ferez-vous fucceffivement un François, un Allemand, un Turc, parce que dans une année il parcourt la France, l'Allema

gne, & la Turquie ?

En ferez-vous un Picard, parce qu'il se trouve au-delà d'un tel Ruiffeau? Deviendra-t'il un Normand, parce qu'il le repaffe

De-là j'en ai conclu dans ma Queftion VI. des Démiffions, que c'étoit la Loy du domicile qui devoit déterminer l'état & la condition de la perfonne, & par consequent fes habitudes perfonnelles.

C'est cette même raison de permanence, qui par un enchaînement de confequences, me fait rencontrer les Loix qui doivent diriger les biens.

En effet, où les biens ont une permanence réelle & effective, c'est-à-dire, une veritable affiette dans un lieu, & il faut, par une fuite & une dépendance d'arrangements, que ce foit les Loix de ce lieu qui les gouvernent.

Ou ils n'en ont point par eux-mêmes, parce que ce font des biens qui fe meuvent ou fe transportent: mais comme ils font pour l'ufage de l'homme, où les placerons-nous ailleurs, fi ce n'eft dans le lieu où nous plaçons l'homme ? c'est-là où ils adherent, du moins fictivement, & dès lors nous trouvons encore les Loix qui les doivent regler.

C'est donc en général le lieu de la demeure qui regle la perfonne & les biens: mais ceux-ci demeurent dans le lieu par adhefion & par incorporence, & les hommes y demeurent par habita tion & domicile.

Quand

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