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omnes regerentur Lege, eâ ipsâ ad quam ipfe vivit,& proximi ejus refpondent. Valeret profecto multùm ad concordiam Civium Dei, & aquitatem populorum. Sed quia boc grande eft, & forfitan homini impoffibile, &c.

Cette multiplicité de Coûtumes, cette contrarieté d'entr'elles n'eftoient pas le feul mal qui regua dans le Royaume, ni même le plus grand; il y en avoit un autre qui demandoit abfolument qu on y pourvût; ces differentes Coutumes des differentes Provinces, & fouvent d'une même Ville, d'un même Canton, n'étoient pas écrites, & la preuve n'en réfidoit que dans le témoignage des Praticiens: mais dès-lors le fort & la fortune des Particuliers dépendoient de la bonne ou mauvaise volonté de ceux qui étoient appellez pour attefter l'usage & la Coutume; de l'intrigue & de l'adreffe de ceux qui avoient une preuve à faire ; quelquefois même les fuffrages fe donnoient à l'autorité, ou à la féduction, & quelquefois encore ces ufages étoient fi contestez, Parties prouvoient également.

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que les deux

On ne crût donc pas pour lorsqu'il fut poffible d'ôter aux Peuples, les Coutumes differentes qu'ils avoient embraffées: mais on fentit l'importance qu'il y avoit du moins de les rédiger par écrit, pour ne plus laiffer l'administration de la Juftice expofée à de fi grands inconveniens; & quoique chacune de ces Coutumes ait été rédigée avec affez de précipitation & de négligence; la rédaction générale a été l'ouvrage de plus de 80 ans.

Cette premiere opération pourroit, ce me femble, conduire aujourd'hui à l'execution du grand Projet, à cette unanimité si longtems defirée, puifqu'en comparant toutes ces differentes Loix écrites, on feroit en état de fe former un Plan de Jurifprudence univerfelle, & de fe fixer dans cette grande varieté de Loix, à ce qui pourroit être de plus avantageux pour le bien général de la

Nation.

Agobard regardoit ce Projet comme grand, & peut-être comme impoffible: Sed quia hoc grande eft, & homini forfitan impoffibile.

Ce Projet eft effectivement grand; il eft digne d'un Prince qui veut immortaliser fon nom. Celui de Juftinien fera célébre à jamais, pour avoir fait cette compilation de Loix, qui formoit un droit général & uniforme dans fes Etats.

Mais peut-on dire que ce Projet foit impoffible ? l'autorité d'un

Souverain a-t'elle des bornes? Des Sujets qui connoiffent toute l'étenduë de l'obéïffance qu'ils doivent, & qui ne peuvent fans crime se refuser aux Loix les plus arbitraires, quand elles partent de la volonté de leur Souverain, se refuseront-ils à des Loix faites exprès, pour former leur bonheur, & leur tranquilité?

Seroit-ce une impoffibilité de convenance ? Mais y a-t'il rien qui convienne mieux,que de couper racine à une infinité de Procès, & que des Sujets d'une même Nation qui vivent fous l'autorité d'un même Souverain, vivent auffi fous la dépendance des même Loix?

L'impoffibilité viendroit-elle de la crainte de bleffer la Justice, en changeant les Loix fous lefquelles les differentes Provinces femblent avoir droit de vivre, par la longue poffeffion où elles font,d'ufer de leurs Loix ; poffeffion confirmée & aprouvée par le Prince même. Cette confideration eft intéreffante; j'y reconnois toute la bonté d'un Prince vraiment magnanime.

Mais le bien public & général doit l'emporter fur toutes ces confidérations particulieres ; l'expérience nous apprend que cette grande varieté engendre des Procès fans nombre; les Sujets d'un même Prince font armez les uns contre les autres ; ils fe plaident, & se ruinent, en ne reclamant que l'autorité des Loix,& les Juges dans le concours, font eux-mêmes affez embaraffez,à concilier le droit avec la varieté de ces mêmes Loix.

Il n'eft donc point de raifons particulieres, qui ne doivent ceder aux raifons du bien commun & de toute la Nation. Ces Provinces qui reclament leurs Loix, ne fçavent ce qu'elles deman. dent ; elles travaillent contre elles-mêmes ; elles veulent nourrir dans leur propre fein le Serpent qui les fatigue tous les jours, & qui les tuë.

Diftinguons les Privileges & les exemptions qui peuvent avoir été accordées à certaines Provinces, d'avec les Loix qui régiffent les biens de chaque Particulier, & qui fervent à entretenir entre les Citoyens un commerce réciproque d'affaires; qu'on ne donne point d'atteinte à ces Privileges, & à ces Exemptions; que la foy des Traitez foit pleinement obfervée à cet égard, c'eft en cela qu'éclate la générofité du Souverain, & l'immutabilité de fes graces & de fes bienfaits.

Mais par rapport aux Loix qui ont pour objet de regler les droits des particuliers dans l'administration de la Justice conten

tieufe, fi la Nation ne reclame pas elle-même l'uniformité, le Prince doit reclamer pour elle, & lui procurer un bien qu'elle ne connoît pas, & dont elle reffentira bientôt tous les avantages. C'est pour un bien auffi général,que le Prince doit employer fon autorité Souveraine ; il eft le Maître & le Pere de tous : il eft l'œil, & la main de fon Royaume.

Mais fice Projet eft grand ; fi fon accompliffement eft même néceffaire, ce n'eft pas l'ouvrage d'un jour; il faut le méditer avec une fageffe lente, & en attendant, mettons dès-à-prefent dans la multiplicité même des Loix, l'uniformité dont elles font fufceptibles.

Il est des Loix, des Ufages, des Coutumes,que l'on peut corriger, & rendre uniformes, lans que l'on puiffe raisonnablement se plaindre, ni reclamer les Ufages & Coutumes immemoriales du contraire.

Par exemple,qu'on fixe un droit uniforme fur la majorité & fur la faculté de tefter; tel parti qu'on prenne pour l'avenir, il ne fçauroit faire un changement confiderable dans les mœurs des differentes Provinces, & les Procès que cette uniformité préviendroit, font une raison qui fermera la bouche à tous les hommes judicieux.

cela

Quel inconvenient encore de régler uniformément les formalitez des Testaments? Qu'on pefe toutes celles qui peuvent le mieux affûrer la vérité des difpofitions d'un homme mourant, & la liberté du Teftateur ; & que le Prince par fon autorité ordonne de les obferver; cela peut faire un grand bien, fans que puiffe être légitimement regardé comme un renversement des anciennes Coutumes. Les Peuples n'ont imaginé des formalitez pour les Testaments, qu'afin de prévenir les fraudes,les furprises, & conftater la volonté derniere des hommes ; & pourquoi voudrat'on celles-ci, plûtôt que celles-là, quand celles qu'on propose font faciles, & capables de remplacer efficacement les autres?

I! en eft de même des formalitez que nos Coutumes exigent pour les retraits; elles font dignes de dérifion. Y a-t'il autre chofe à defirer? finon que le Retrayant ait toûjours fes deniers prêts, & que l'Acquereur ne fouffre aucun dommage.

Allons plus loin; ce qui fait naître le plus communément des conteftations entre les heritiers, c'eft la diverfité des Coutumes où les biens font fituez. Ne changeons rien dans ces Coutumes:

mais

mais étouffons les Procès; la chofe n'eft pas difficile.

Que la Coutume du domicile regle toute la fucceffion d'un défunt, encore que fes biens foient répandus dans differentes

Provinces.

Cette idée n'eft qu'un retour à ce qui fe pratiquoit anciennement fous les Rois de la premiere & de la feconde Race.

Comme le Royaume étoit compofé de Peuples ramaffez de differentes Nations, on accorda à chaque Particulier la faculté d'être réglé par les Loix qu'il embraffoit, Ita ut fi Lege Romanorum regebatur, Romanus. Si Salicâ Salicus. Si Gundobada Burgundus. Si Vifigothorum Gothus.

Il eft vrai que c'eft précisément ce qui fut l'objet des Plaintes que faifoit Agobard, & du defir qu'il avoit que le Peuple de France ne fût gouverné que par une feule Loy.

Mais prenons bien garde que pour lors toutes ces differentes perfonnes, qui avoient leurs Loix particulieres, étoient toutes mêlées ensemble; elles demeuroient dans la même Ville, dans le même Bourg, dans le même Village, dans la même maison, & c'eft ce qui formoit la confufion.

Dans nôtre Systême nous évitons cet inconvenient; ceux du même domicile n'auront tous qu'une même Loy; & cette multiplicité de Loix differentes fe fimplifie par là confidérablement.

D'ailleurs dans la difficulté où l'on eft de réduire un grand Royaume à une même Loy, c'eft beaucoup faire de diminuer les inconveniens, & de mettre comme nous venons de le dire, dans la multiplicité même, l'uniformité dont elle peut être fufceptible.

Je fçai qu'on m'opposera que c'est ôter aux Coutumes l'autorité qu'elles ont de gouverner les biens qui font fituez dans leur Territoire, & c'eft cependant un droit qu'on ne leur difpute pas.

Mais la réponse me paroît fimple; les Coutumes ne perdront rien de leur empire; elles déféreront feulement les unes aux autres fuivant les cas.

cas,

Ainfi toutes les Provinces conferveront leurs Loix : mais par raport aux domiciliez feulement, & ce qu'elles perdront dans un elles le regagneront dans l'autre, en forte qu'elles s'entr'indemniferont, & s'entrecederont mutuellement; elles feront une forte d'échange, qui eft le premier de tous les Contrats ; elles établiront entr'elles un droit de parcours & entrecours;

d

& les premiers Juges inftruits de leur Coutume feront en état de faire bonne Justice aux Parties, dont le droit fera moins incertain,& moins arbitraire.

On pourra encore m'objecter qu'un homme aura la liberté, en changeant brufquement fon domicile, de renverfer tout l'ordre de fa fucceffion.

Mais, 1°. Qui pourroit être intereffé dans ce changement ? l'heritier préfomptif. Il n'a encore aucun droit acquis.

2o. Veut-on prévenir même un transport de domicile trop précipité ? Il n'y a qu'à dire que dans le cas d'un changement de domicile, on fuivra dans le partage des biens meubles, ou immeubles d'un défunt,la Loy du domicile précedent, s'il n'y a pas au moins fix mois, ou un an qu'il ait transferé fon domicile.

Enfin,on me dira peut-être qu'un homme qui mettra un bien dans fa famille ne fera jamais fûr de quelle maniere il fera partagé dans fa defcendance, ou entre fes Parents; qu'il pourra même paffer à des Etrangers, & que ce n'eft pas là le vœu des Peres.

Mais fi les enfans, ou les heritiers ont la liberté de vendre leurs propres, & s'ils peuvent des deniers de la vente en acquerir des fonds qui leur font acquêts, pourquoi ne voudroit-on pas qu'ils puffent auffi par un changement de domicile, changer l'ordre de fucceder même dans les propres.

Le cas neanmoins où le domicile dévroit être immuable, c'est par rapport aux Conjoints, afin que leurs capacitez, leurs facultez & leurs droits ne fuffent pas vacillants, & il paroîtroit raisonnable d'adopter la Loy du domicile matrimonial.

Si la rédaction par écrit des Coutumes nous a donné des Loix fixes, l'experience nous a apris que le fens de ces Loix n'est pas toûjours clairement déterminé, & en les interprétant il s'étoit élevé dans les Tribunaux une diverfité de Jurifprudence, qui caufoit parmi les Sujets une efpece de Guerre inteftine. Le Plaideur averti qu'il réüffiroit dans une Jurifdiction, & perdroit dans une autre, faifoit tous les efforts pour éluder celle qui lui étoit contraire ; & ces efforts des deux Parties engendroient des conAlits, dont le fuccès heureux ou malheureux affûroit la perte,ou le gain de la conteftation principale.

Cette varieté de Jugements contraire à l'honneur de la Juftice, & au bien public, avoit excité le zele de défunt M. de la Moignon, Premier President au Parlement de Paris, & de plu

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