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ne put lui envier l'honneur d'un fuccès fi glorieux.

ANNE'E

Camp à

23. ans.

LE Cardinal de Richelieu, regar- 1634. dant le Vicomte de Turenne com- Fait Maréme un homme dont l'expérience chal de & le jugement devançoient de beaucoup l'âge, le fit Maréchal de Camp, quoiqu'il n'eût que vingttrois ans, & que le Grade de Maréchal de Camp fût alors le premier après celui de Maréchal de France.

1655.

L'ANNE'E fuivante, l'Empereur ayant fait affiéger la Ville de Sa fage Mayence, dont les Suédois s'étoient Conduite rendus maîtres en 1631. fous la à la Reconduite du grand Guftave, le traite de Cardinal de Richelieu envoya au Mayence.

fecours des Suédois le Cardinal de la Valette à la tête d'une Armée ; & il lui donna pour Maréchal de Camp le Vicomte de Turenne. A Papproche des François, les Impériaux leverent le Siége. Le Cardinal de la Valette s'approcha auffi-tôt de Mayence, & y jetta toutes les munitions dont cette grande Ville avoit befoin: Imprudence,

que

ANNE'E

.1635.

que les Impériaux avoient bien ju gé qu'il ne manqueroit pas de commettre. Auffi ne fe fut-il pas plutôt défait de fes vivres , que les Généraux de l'Empereur, qui s'étoient rendus maîtres des paffages par où il en pouvoit faire venir, empêcherent de telle forte, qu'on n'en apportât dans fon Camp, qu'on y manqua bientôt de toutes chofes Le pain y enchériffoit de jour en jour, & devint enfin fi rare, qu'il fe vendoit jufqu'à un écu la livre. Dans cette extrémité, le Vicomte de Turenne diftribua aux foldats les provifions, qu'il avoit fait apporter pour lui, & qui furent bientôt confumées. Il vendit enfuite fes équipages, pour faire subsister une partie de l'Armée; la plupart des Soldats ennemis s'expofant à tout, pour nous apporter des vivres, à caufe du prix exceffif qu'on leur en payoit. Mais, enfin, la difette devint fi grande, que l'Armée feroit périe, fi on l'avoit laiffée-là plus long-tems. Il fallut donc que le Cardinal de la Valette prît le

par

parti de fe retirer, quelque danger qu'il y eût à le faire devant une Armée auffi nombreuse qu'étoit celle des Imperiaux. Il fe propofoit de décamper la nuit, & de fe fauver dans les 3 Evêchez par Sarbruk & Saint Avaud, où il y avoit beaucoup de vivres; mais les Imperiaux, s'étant apperçus de fa retraite, mirent auffi-tôt à fes trouffes le Général Galas, qui, avec un corps de troupes fraiches, lui coupa ce chemin facile, & le réduifit à prendre celui des montagnes, qui étoit bien plus long & entierement défert. L'Hiftoire nous fournit peu d'exemples d'une Retraite auffi trif te que le fut celle-là. Les François, fans vivres, travaillés de toutes les maladies qui font inféparables de la famine, & s'enfuyant à travers les bois & les rochers, étoient pourfuivis par les Imperiaux qui avoient tout en abondance. Les fuyards ne gardoient aucun ordre dans leur marche: ceux, qui pouvoient tromper la vigilance des Officiers, alloient fe jetter parmi les les ennemis,

Tome I.

C

dans

ANNE'S 1638.

ANNE'E

1635.

:

Le

dans l'efpérance qu'ils leur donne roient dequoi affouvir la faim qui les dévoroit la plûpart s'écartoient à droit & à gauche, pour tâcher de découvrir quelque Cabane, & y trouver au moins un morceau de pain. Ceux, qui, épuisez de forces, ne pouvoient quitter le gros de l'Armée, fe traînoient le long des chemins, plutôt qu'ils ne marchoient ils dévoroient des yeux tout ce qu'ils voyoient manger aux Officiers; & les Officiers étoient contraints à fe cacher d'eux. Cardinal de la Valette fut obligé d'abandonner toute l'Artillerie, & la plus grande partie des bagages, afin de pouvoir gagner Vaudrevange, pour y paffer la Saare & fe mettre à couvert fous le Canon de Metz, comme il fit. Durant cette longue marche, qui dura treize jours, le Vicomte de Turenne partagea avec les Soldats le de ilf jetter de deffus les chariots les chofes les moins néceffaires, & y fit monter quantité de malheu

ivres qu'il pouvoit trouver:

Y

ANNEE

pas teux, qui n'avoient la force de marcher en ayant trouvé un, que la faim, & la fatigue, avoient fait tomber au pied d'un arbre, où réfolu d'abandonner fa vie à la merci des ennemis, il attendoit la mort, il lui donna fon propre cheval, & marcha à pied jufqu'à ce qu'il eût joint un de fes Chariots, fur lequel il le fit mettre. Il confoloit les uns, il encourageoit les autres, il les aidoit & les affiftoit fans faire difference de ceux de fon Régiment d'avec ceux qui n'en étoient pas fi bien que tous les Soldats commencerent dès-lors à le regarder comme leur pere; car, il compatiffoit à leurs peines, & il les foulageoit tous également. D'ailleurs, il combattit avec beaucoup de valeur dans tous les endroits où l'on fut obligé de faire tête aux Imperiaux: il fe faifit des défilez où l'on pouvoit les arrêter, & des hauteurs d'où ils nous auroient fort incommodez, s'il les avoient occupées avant nous : il logea dans quelques mafures qui fe trouverent

'C 2

fur

1635.

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