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que les Impériaux avoient bien ju ANNE'E gé qu'il ne manqueroit pas de commettre. Auffi ne fe fut-il pas plutôt défait de fes vivres , que les Généraux de l'Empereur, qui s'étoient rendus maîtres des paffages par où il en pouvoit faire venir, empêcherent de telle forte, qu'on n'en apportât dans fon Camp, qu'on y manqua bientôt de toutes choses. Le pain y enchériffoit de jour en jour, & devint enfin fi rare, qu'il fe vendoit jufqu'à un écu la livre. Dans cette extrémité, le Vicomte de Turenne diftribua aux foldats les provifions, qu'il avoit fait apporter pour lui, & qui furent bientôt confumées. Il vendit enfuite fes équipages, pour faire fubfifter une partie de l'Armée; la plûpart des Soldats ennemis s'expofant à tout, pour nous apporter des vivres à caufe du prix exceffif qu'on leur en payoit. Mais, enfin, la difette devint fi grande, que l'Armée feroit périe, fi on l'avoit laiffée-là plus plus long-tems. Il fallut donc que le Cardinal de la Valette prît le par

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parti de fe retirer, quelque danger qu'il y eût à le faire devant une Armée auffi nombreuse qu'étoit celle des Imperiaux. Il fe propofoit de décamper la nuit, & de fe fauver dans les 3 Evêchez par Sarbruk & Saint Avaud, où il y avoit beaucoup de vivres; mais les Imperiaux, s'étant apperçus de fa retraite, mirent auffi-tôt à fes trouffes le Général Galas, qui, avec un corps de troupes fraiches, lui coupa ce chemin facile, & le réduifit à prendre celui des montagnes, qui étoit bien plus long & entierement défert. L'Hiftoire nous fournit peu d'exemples d'une Retraite auffi trif te que le fut celle-là. Les François, fans vivres, travaillés de toutes les maladies qui font inféparables de la famine, & s'enfuyant à travers les bois & les rochers, étoient pourfuivis par les Imperiaux qui avoient tout en abondance. Les fuyards ne gardoient aucun ordre dans leur marche: ceux, qui pouvoient tromper la vigilance des Officiers, alloient fe jetter parmi les les ennemis,

Tome I.

C

dans

ANNE'S 1635.

JANNE'E 1635.

:

dans l'espérance qu'ils leur donne-
roient dequoi affouvir la faim qui
les dévoroit la plupart s'écar-
toient à droit & à gauche, pour tâ-
cher de découvrir quelque Cabane,
& y trouver au moins un morceau
de pain. Ceux, qui, épuifez de for-
ces, ne pouvoient quitter le gros
de l'Armée, fe traînoient le long
des chemins, plutôt qu'ils ne mar-
choient ils dévoroient des yeux
tout ce qu'ils voyoient manger aux
Officiers & les Officiers étoient
B
contraints à fe cacher d'eux. Le
Cardinal de la Valette fut obli-
gé d'abandonner toute l'Artillerie,
& la plus grande partie des baga-
ges, afin de pouvoir gagner Vau-
drevange, pour y paffer la Saare &
fe mettre à couvert fous le Ca-
non de Metz, comme il fit. Du-
rant cette longue marche, qui dura
treize jours, le Vicomte de Tu-
renne partagea avec les Soldats le
trouver:

peu de vivres deffus les chariots

jetter de

les chofes les moins néceffaires & y fit monter quantité de malheu

reux, qui n'avoient pas la force de marcher en ayant trouvé un, que la faim, & la fatigue, avoient fait tomber au pied d'un arbre, où réfolu d'abandonner fa vie à la merci des ennemis, il attendoit la mort, il lui donna fon propre cheval, & marcha à pied jufqu'à ce qu'il eût joint un de fes Chariots, fur lequel il le fit mettre. Il confoloit les uns, il encourageoit les autres, il les aidoit & les affiftoit fans faire difference de ceux de fon Régiment d'avec ceux qui n'en étoient pas fi bien que tous les Soldats commencerent dès-lors à le regarder comme leur pere; car, il compatiffoit à leurs peines, & il les foulageoit tous également. D'ailleurs, il combattit avec beaucoup de valeur dans tous les endroits où l'on fut obligé de faire tête aux Imperiaux: il fe faifit des défilez où l'on pouvoit les arrêter, & des hauteurs d'où ils nous auroient fort incommodez, s'il les avoient occupées avant nous: il logea dans quelques mafures qui fe trouverent

ANNEE

1635.

ANNE'E

fur le chemin de l'Infanterie, dont 1635. le feu arrêta les ennemis en plufieurs endroits enfin, il prit des mefures fi fages, & agit avec tant de vigueur, que ce qu'il fit dans cette Retraite fut regardé comme un des plus grands fervices qui puffent être rendus à l'Etat.

Le mauvais fuccès de l'Affaire ANNE'E de Mayence avoit tellement dé1636. gouté le Cardinal de la Valette du Prend Sa- métier de la Guerre, qu'il l'auroit verne, où abandonné pour toujours, fi le Caril eft bleffé. dinal de Richelieu, qui avoit fes raifons pour mettre des Ecclefiaftiques à la tête des Armées, ne l'eût obligé bientôt après de prendre le commandement de celle qui devoit affiéger Saverne, Ville d'Alface, qui étoit alors entre les mains des Imperiaux. Cependant, le Cardinal de la Valette ne voulut point fe charger de cette Entreprife, qu'il n'eût avec lui le Vicomte de Turenne : & il le demanda au Cardinal de Richelieu, qui, fouhaitant paffionnément qu'il rétablît au plutôt fon honneur, le lui accorda volontiers.

Le

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