Le Vicomte de Turenne, touché de la confiance que ce Cardinal ANNE'E avoit en lui, fe furpaffa, pour ainfi 1636. dire, lui-même au Siége de Saverne, foit qu'il fallût aller à la Tranchée ou aux Affauts qui furent donnez à la Ville & au Château. Les Soldats n'ayant pu arracher les Paliffades, il fauta par-deffus, & fit ferme lui feul au de-là, jusqu'à ce que ceux qu'il commandoit fuffent paffez avec lui: il força les retranchemens, que les ennemis avoient faits fur la Brêche & dans le Terreplain du Bastion; tout fut pris & emporté. Le Cardinal de la Valette recouvra par-là- fon honneur ; mais, il en penfa coûter un bras au Vicomte de Turenne, qu'il eut percé d'un coup de Moufquet, dont la balle lui fit une fi dangereuse bleffure que quelques Médecins furent d'avis, qu'on ne pouvoit lui fauver la vie, qu'en lui coupant le bras on fuivit néanmoins le fentiment de ceux qui n'opinerent pas pour un fi trifte remede: il guérit enfin avec le tems ; & l'on connut,

ANNE'E par les alarmes que caufa fa bleffu re, & par la joie que répandit par tout fa guérison, combien il étoit généralement aimé & eftimé.

le.

1636.

Chaffe & QUELQUE tems après la reddition défait Ga- de Saverne, Galas ayant paffé le las, & cou- Rhin, à deffein de prendre des quarvre le Siége de Jonveltiers d'hiver en Franche-Comté avoit fait avancer fes Gardes pour fe faifir des Poftes les plus commodes & les plus avantageux de cette Province. Le Cardinal de la Valette, en ayant été averti, envoya le Vicomte de Turenne avec un détachement au devant des ennemis. Le Vicomte de Turenne marcha jour & nuit ; &, étant arrivé à Juffey, l'un des plus gros Bourgs de la Franche-Comté, où les Gardes de Galas commençoient à faire des retranchemens, il les attaqua, il les défit, & força Galas à rebrouffer chemin. Ce Général, avant que de repaffer le Rhin, voulut traverfer le Siége de Jonvelle, que le Duc de Veimar faifoit pour nous en un autre endroit de la FrancheComté; mais, le Vicomte de Tu-.

renne

tenne fe pofta d'une maniere fi avantageufe entre les Imperiaux & nous, qu'il rompit toutes les mefures que prit Galas, pour jetter du fecours dans Jonvelle; & que cette Place fut enfin forcée de fe rendre au Duc de Veimar.

CES heureux fuccès détermine

ANNE'E

1636.

rent le Cardinal de Richelieu à don- 1637. ner auCardinal de la Valette le Com- PrendLanmandement de l'Armée qui devoit drecy, & agir en Flandres. Le Cardinal de la Valette voulut encore avoir le Vicomte de Turenne avec lui ; &, lui ayant fait ouvrir la Campagne par' l'attaque du Château d'Hirfon, qui fit très-peu de réfiftance, il alla inveftir Landrecy, Ville du Hainaut, au Siége de laquelle le Vicomte de Turenne fe donna des peines incroyables pour empêcher que ce Cardinal n'eût le chagrin de voir échouer fon entreprise; car, le tems devint fi mauvais, & la pluie tomba en fi grande abondance, que les Soldats étoient jufqu'à la ceinture dans l'eau, dont la tranchée étoit toute remplie. Le Vicomte de C 4 Tu

ANNE' E 1637.

le Château

&

Turenne y entroit avec eux, n'en fortoit que pour aller rendre compte au Cardinal de ce qui s'y paffoit: il les encourageoit au travail & à la patience, fans leur faire de longs discours, mais en leur montrant l'exemple, & en y joignant la Liberalité. Il donnoit de l'argent à ceux des Soldats qui avoient le plus d'expérience, pour les engager à venir dans la tranchée même hors de leur rang. Il furmonta ainfi tous les obftacles, que l'art, la nature, & les efforts des ennemis, oppofoient, comme de concert, aux affiégeans; & la Place fe rendit enfin au Cardinal de la Valette.

LA prife de Landrecy fut fuivie de Solre. de celle des Villes de Maubeuge & de Beaumont, d'où le Vicomte de Turenne eut ordre d'aller prendre Solre, qui étoit le Château le plus fort de tout le Hainaut; & on lui donna les Régimens de Champagne & de St Luc pour cette expédition. Il y avoit deux mille hommes de Garnifon dans ce Châ

teau;

ANNE'E

1637

Donne ur

rare exem

teau; mais, le Vicomte de Turenne les fit attaquer fi vivement, qu'en très-peu d'heures, ils furent forcez .de fe rendre à difcrétion. Les Soldats entrerent auffi-tôt dans la Place, & y ayant trouvé une femme d'une très-grande beauté, ils la lui amenerent comme la plus pré-Sagefle. cieuse portion du butin, & celle qui devoit le plus flater fes defirs. Le Vicomte de Turenne sçut. fe retenir fur le bord d'un précipice fidangereux; mais, fans faire parade de l'empire qu'il avoit fur luimême. Il fait femblant de ne pas pénétrer le deffein de fes Soldats : &, comme fi en lui amenant cette femme ils n'avoient penfé qu'à la dérober à la brutalité de leurs Ca marades, il les loue beaucoup d'une conduite fi fage; il fait chercher fon mari en diligence, & il la remet entre fes mains, en lui témoignant, que c'étoit à la retenue & à la difcrétion de fes Soldats qu'il devoit la confervation de l'honneur de fa femme.

beauté, ils la ple de fa

LES ennemis fe pofterent enfui- Pour

te