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Servante avec de la lumiere. Un moment après il défcendit précipitamment, & cria en Italien à ces Meffieurs qui étoient à table, oui, Meffieurs, ma pauvre mere Etienne Ham, je l'ai vuë, mais je n'ai pas eu le courage de lui parler. Je vous en conjure, allezy, & foyez témoins de ce que je dis.

Vordac voyant que perfonne ne fe remuoit, prit un flambeau, & adreffant la parole à un Dominicain qui étoit de la compagnie; lui dit: allons mon pere, allons y ensemble, je le veux bien répondit-il, pourvu que vous paffiez le premier. Ils monterent ayant chacun un flambeau à la main. Les autres & même le Maître de la maison, & les Valets voulurent être de la partie. Etant entrés dans la chambre & ayant tiré les rideaux du lit, Vordac apperçu la figuré d'une vieille femme noir ridée, affez bien coiffée, qui regardoit d'un œil fort affuré, & faifoit des grimaces ridicules, comme pour fe mocquer d'eux, & pour les effrayer; on dit au Maître de la maifon d'approcher, pour voir fi c'étoit fa mere. Ah oui c'eft elle, réponditil, Ahma pauvre mere ! les Valets crierent de même que c'étoit leur Maîtreffe.

Vordac dit alors au Dominicain de parler, puifqu'il étoit Prêtre, & d'interroger la morte. Il lui demanda, qui êtes vous ?

que demandez vous ? & en même temps il lai jetta de l'eau bénite, mais comme il avoit la main tremblante de frayeur, il en répandit plus qu'il ne falloit. Alors le finge fortant du lit, fauta fur la tête du Dominicain, qui commença a fuir & a crier de toutes fes forces, le finge le mordant & lui égratignant la tête. Il prit la porte de même que tous les autres. Vordac qui étoit demeuré le dernier, vit diftinctement que c'étoit un finge coëffé en femme : le Religieux fit de fi grands efforts qu'enfin il fecoua le finge de deffus fa tête, & cet animal en tombant laiffa auffi tomber fa coëffure, & les gens de la maifon le reconnurent auffi-tôt. Ainfi toute cette feine fe termina en rifée. C'étoit un finge qui ayant vu fouvent fa Maîtreffe fe coëffer d'une certaine maniere, l'avoit imite & avoit mis fa coëffure & enfuite s'étoit couché dans le lit où elle étoit morte.

Alexandre de Alexandro (a) célebre Jurifconfulte, parle d'un mort qui apparut à un de fes amis, homme grave, férieux & bien inftruit. Cet ami allant aux bains de Crême en Italie avec un autre ami qui étoit malade arriva dans une hôtellerie fur le chemin, cet ami malade y mou

(a) Alexand.ab. Alexand, Genial, dier. t. 2. c. 9:

rut, & l'autre prit foin de fes funérailles autant que les circonftances le lui permirent. Il partit de ce lieu, & arriva dans une auberge, où il coucha: pendant la nuit fon ami décédé lui apparut, & s'étant comme deshabillé, il voulut fe mettre au lit auprès de lui. Le vivant fe retira avec frayeur, & refouffa du pied le Spectre, qui vouloit s'approcher. Mais il trouva le corps du défunt fi glacé de froid, qu'il n'avoit jamais rien éprouvé de femblable. Le Spectre rebuté fe retira, mais fon ami fut tellement faifi de cette vifion qu'il en tomba malade, & fe trouva lui-même en danger. Voyez de pareilles apparitions, & des preffentimens de la mort des proches dans Marfille Ficin. 1. 1. Epiftol. p. 601.

Je tiens de la bouche d'un Religieux fage, éclairé, & nullement vifionaire, qu'étant un jour couché, mais fort éveillé dans une chambre voifine de celle où un Religieux de fes Confreres étoit décédé peu de jours auparavant. Il ouit comme de loin la voix du défunt,qui lui dit qu'il y avoit de l'argent dans la pailliaffe. On chercha dans. cette paillasse, mais l'on n'y trouva rien. cependant deux ou trois jours après on trouva cet argent dans une bourse fur le fumier où la paillaffe du mort avoit été coulée. Ce mort étoit apparemment en peine pour

avoir oublié de déclarer l'endroit où étoit cet argent, qui lui venoit de l'Office qu'il exercoit dans le Monaftere.

XLIII.

On doit fe défier des Revenans, qui
demandent des Prieres.

Our l'ordinaire les défunts apparoiffans demandent des prieres, des Meffes des pélerinages, des reftitutions ou des payemens de quelques dettes, auxquels ils n'avoient pas fatisfaits. Ce qui prouveroit qu'ils font en purgatoire, & qu'ils ont befoin du fecours des vivans pour être foulagés dans leurs fouffrances, ou pour parvenir plûtôt à la béatitude. Mais on doit beaucoup fe défier & de ces apparitions & de ces demandes. S. Paul nous avertit (a) que le Démon fe transforme fouvent en Ange de lumieres, & il n'eft pas donné à tous de connoître les profondeurs de Satan (b)

Cet Efprit de malice & de menfonge fe trouve parmi les Prophétes & au milieu des › enfans de Dieu, il fe mêle dans les chofes les plus faintes, il abufe des cérémonies les plus facrées, il employe & les Sacremens, & les termes de l'Ecriture fainte · ́(a) 2. Cor. XI, 141(b) Apocal. II. 24

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& les prieres de l'Eglife pour féduire, pour tromper, pour s'attirer la confiance des fimples, pour partager autant qu'il eft en Jui, la gloire qui n'eft duë qu'au Toutpuiffant, & pour se l'approprier. Combien de guerifons n'a-t'il pas opérées; combien d'actions faintes n'a-t'il pas confeillées, combien d'entreprises loüables n'a-t'il pas inspirées, à fin d'attirer les fideles dans fes pieges?

Bodin dans fa Démonomanie (c), cite plus d'un exemple de Démons qui fe font apparus, demandant des prieres, & fe mettant même en pofture de perfonnes qui prient fur la foffe d'un mort, pour faire croire que ce mort à befoin de prieres. Souvent ce fera l'ame d'un fcelerat, où un Démon fous la figure d'un homme mort dans le crime, qui viendra demander des Meffes pour faire croire qu'il eft en purgatoire, & infpirer aux autres une folle & dange reufe confiance d'être fauvé malgré, leur vie criminelle, & leur impénitence finale.

N'a-t'on pas vû les Sorciers & les Magiciens chaffer des Diables, & le Diable obeir à fes fuppots, pour leur concilier de l'autorité, & faire croire qu'ils agiflent par la vertu de Dieu. On affure qu'Apollonius de Thianée & Simon le Magicien en (c) Bedin Demonom, 1.3, 6.6.fol, ug7.

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