Imágenes de páginas
PDF
EPUB

XLVI.

Les Démons font-ils gardiens des
Tréjors cachés.

N

On peut rapporter à la matiere des Ap-

paritions ce qu'on raconte des Tréfors cachés, qu'on dit être gardés par des Démons. On ne peut (a) nier que le Dé mon ne connoiffe les Tréfors cachés fous la terre & les richeffes perdues dans les naufrages, & qu'il ne puiffe avec la permiffion de Dieu les découvrir, & en faire part aux hommes; mais il eft très-rare queDieu le leur permette, & l'expérience fait voir que les Magiciens, les Sorciers & ceux qui s'adreffent au Diable pour avoir des richeffes & ceux à qui ces mauvais Efprits en promettent, ou font femblant d'en donner, font d'ordinaire les plus gueux & les plus malheureux de tous les hommes. M. Remi dans fa Démonolatrie, parle de plufieurs perfonnes qu'il avoit oüi en jugement en fa qualité de Lieutenant Général de Lorraine (b), dans le tems où ce pays fourmilloit de Sorciers & de Sor

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

cieres; ceux d'entr'eux qui croyoient avoir reçu de l'argent du Démon, ne trouvoient dans leurs bourfes que des morceaux de pots caffés, & des charbons, ou des feuilles d'arbres, ou d'autres chofes auffi viles & auffi méprifables.

Le R. P. Abram Jefuite, dans fon Hiftoire Manufcrite de l'Univerfité de Pontà-Mouffon, rapporte qu'un jeune garçont de bonne famille, mais peu accommodé fe mit d'abord à fervir dans l'armée parmi les gougats & les valets; delà fes parens le mirent aux Ecoles, mais ne s'accommodant pas de l'affujettiffement que demandent les études; il les quitta, réfolu de retourner à fon premier genre de vie. En chemin il eût à fa rencontre un homme vêtu d'un habit de foye, mais de mauvaise mine, noir & hideux à voir; qui lui demanda où il alloit, & pourquoi il avoit l'air fi trifte. Je fuis, lui dit cet homme en état de vous mettre à vôtre aife, fi vous voulez vous donner à moi.

Le jeune homme croyant qu'il vouloit l'engager à fon fervice, lui demanda du tems pour y penfer; mais commençant à fe défier des magnifiques promeffes qu'il lui faifoit, il le confidera de plus près, ayant remarqué qu'il avoit le pied gauche

&

de frayeur, fit le figne de la croix & invoqua le nom de Jefus. Auffi-tôt le Spectre difparut.

Trois jours après la même figure lui apparut de nouveau, & lui demanda s'il avoit pris fa réfolution; le jeune homme répondit qu'il n'avoit pas befoin de maître. Le Spectre lui dit, ou allez-vous? Je vais, lui répondit il, à une telle Ville qu'il lui nomma. En même-tems le Démon jetta à ses pieds une bourfe qui fonnoit & fe trouva pleine de trente ou quarante écus de Flandres, entre lefquels il y en avoit environ douze, qui paroiffoient d'or, & nouvellement frappés comme fortant de deffous le coin du Monnoyeur; dans la même bourfe il y avoit une poudre, que le Spectre difoit être une poudre très-fubtile.

[ocr errors]

En même-tems il lui donnoit des confeils abominables pour contenter les plus honteufes paffions, & l'exhortoit à renoncer à l'ufage de l'Eau bénite & à l'Adoration de l'Hoftie, qu'il nommoit par dérifion ce petit gâteau. L'enfant eut horreur de ces propofitions, fit le figne de la croix fur fon coeur, & en même-tems it fe fentit jetté fi rudement contre terre qu'il y demeura demi mort pendant une demie heure, s'étant relevé, il retourna chez fa mere, fit pénitence & changea de

conduite. Les pieces qui paroiffoient d'or & nouvellement frappées, ayant été mifes au feu, ne fe trouverent que de cuivre.

Je rapporte cet exemple pour montrer que le Démon ne cherche qu'à tromper & corrompre ceux même à qui il fait les plus fpécieufes promeffes, & aufquels il femble donner des richeffes.

Il y a quelques années que deux Religieux fort éclairés & fott fages me confulterent fur une chofe arrivée à Orbé, villalage d'A Mace, près l'Abbaye de Paris. Deux hommes de ce lieu leur dirent qu'ils avoient vû dans leur jardin fortir de terre une caffette, qu'ils préfumoient être remplie d'argent, & que l'ayant voulu faifir elle s'étoit retirée & cachée de nouveau, ce qui leur étoit arrivé plus d'une fois.

2

Theophanes Hiftoriographe, célébre & férieux, fous l'an de Jefus-Chrift 408 raconte que Cabades, Roi de Perfe, étant informé qu'entre le pays de l'Inde & de la Perfeil y avoit un Château nommé Zubdadeyer, qui renfermoit une grande quantité d'or & d'argent, & de pierreries réfolut de s'en rendre maître : mais ces tréfors étoient gardés par des Démons, qui ne fouffroient point qu'on en approchat. Il employa pour les conjurer & les chaf

fer, les Exorcifmes des Mages & des Juifs qui étoient auprès de lui; mais leurs efforts furent inutiles. Le Roi fe fouvint du Dieur des Chrétiens, lui adreffa fes prieres, & fit venir l'Evêque qui étoit à la tête de l'Eglife Chrétienne de Perfe, & le pria de s'employer pour lui faire avoir ces tréfors, & pour chaffer les Démons qui les gardoient; le Prélat offrit le faint Sacrifice, y participa, & étant allé fur le lieu, en écarta les Démons gardiens de ces richeffes, & mit le Roi en paifible poffeffion du Château.

XLVII.

Exemples qui femblent prouver que le Démon garde les trefors cachés.

Acontant cette hiftoire à un homme de confideration, il me dit (a) que dans l'Ifle de Malthe deux Chevaliers ayant apofté un efclave, qui fe vantoit d'avoir le fecret d'évoquer les Démons & de les obliger de lui découvrir les chofes les plus cachées ils le menerent dans un vieux Château, où l'on croyoit qu'étoient cachés des tréfors. L'efclave fit fes évoca-

[ocr errors]

(a) M. l'Abbé Guiot, neville. Gouverner des Pages à Lu

« AnteriorContinuar »