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L X X X.

Efprits folets qui apparoiffent, qu'en doit-on penfer?

Uant aux apparitions des folets, des Efprits familiers, des incubes, des fuccubes, des lamies, des lutins, des ftriges, des lemures, & de cent fortes d'Efprits dont on a parlé, & dont nous pourrions enfler cette Differtation, je reconnois qu'on débite fur cela une infinité de contes frivoles & de récits fabuleux. Je ne finirois point fi je voulois entaffer ici ce que j'en ai lû & entendu, & ce qu'on en lit dans les anciens & les modernes, & -ce qu'ont penfé fur la matiere des apparitions les Ecrivains les plus fameux. Et fi je voulois m'étendre à réfuter, & à montrer le ridicule de la plupart des récits qu'on en fait. Tout ce que j'en pourrois écrire ne feroit qu'augmenter les doutes & les incertitudes, étant conftant qu'on n'a fur tout cela que des conjectures fondées fur des fyftêmes peu certains. Ceux qui admettent la corporéité des Anges, des ames, & des Démons raifonnent d'une forte, & ceux qui les croyent incorporels & abfolument dégagés de la matiere

tirent d'autres conféquences de leurs principes.

Ceux qui prétendent que tout ce qu'on dit des Efprits, & du retour des ames, n'eft qu'une invention de certaines gens d'Eglife,qui ont intérêt à entretenir les peuples dans cette opinion, ne font pas attention que les Païens, qui ne tiroient aucun avantage de ces apparitions, & que les peuples barbares du Septentrion, par exemple, qui n'y entendoient aucune fineffe, parlent des Efprits, des apparitions, des folets, des Démons, des bons Génies à peu près comme en parlent les Chrétiens & les Eccléfiaftiques. Et ce qui eft remarquable, les anciens Chrétiens chez qui les Proteftans foutiennent qu'on ne connoiffoit ni le Purgatoire, ni les prieres pour les morts, parlent fouvent & des ames qui apparoiffent, & des Anges & des Démons qui obfedent les hommes qui les maltraitent, & qui exercent contre eux un pouvoir très-étendu. Perfonne n'a parlé plus fortement des obfeffions, des apparitions & du pouvoir des Démons que les anciens Peres. L'Eglife a toujours employé les Exorcifmes fur les enfans préfentés au Baptême, & contre les poffedés ou obfedés du Démon. L'interêt des Evêques & des Prêtres n'avoit nulle part

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Jugement fur les Efprits folets.

Es folets dont nous avons parlé paroiffent être des Efprits mitoyens entre les bons Anges & les mauvais ; car pour l'ordinaire ils ne font point de mal, ils font même quelquefois du bien, qu'on ne demande point d'eux, en apportant aux animaux qu'ils affectionnent, où aux maifons qu'ils fréquentent, des chofes qui ne leur appartiennent pas. Les actions badines & les petits tours qu'ils font, perfuadent que ce ne font pas des Démons, du moins qu'ils ne font pas auffi tourmentés dans les Enfers, que les autres Démons, qui nous follicitent au mal, & dont nous prions Dieu dans l'Oraison Dominical de nous délivrer', en difant: Ne nous induifé's point en tentation, mais délivrés-nous du mal, (ou des méchans.)

Si ce font de bons Anges, leurs actions peu férieufes ne répondent guéres à l'idée que nous avons des fonctions de la majesté, & de la dignité de ces Efprits bienheureux. Les folets ne tentent point les hommes, & les fervent quelquefois, ils Le jouent & paroiffent travailler dans les

mines, mais leur travail n'est qu'apparent. Il y en a toutefois de mauvais: Ils s'irritent lorfqu'on les contredit, & nous avons vû qu'ils ont quelquefois commis de grands défordres, & ont contraint d'abandonner certaines mines très-riches, qu'ils s'étoient comme appropriées.

Paroiffent-ils dans leurs propres corps, ou ont-ils des corps factices, artificiels, ou empruntés? C'eft ce que nous ignorons; nous avons rapporté quelques exemples de ces Efprits, qui ne paroiflent point aux yeux, & dont la préfence n'eft manifestée que par leurs actions, ou par des paroles. Celui d'Epinal dont parle notre Richerius, fe difoit être l'ame d'un jeune homme de Clifenteine, Village peu éloigné d'Epinal. Etoit-il damné, étoit-il fau vé, étoit il en Purgatoire ? C'eft ce que je n'ofe décider. S'il a offert fon offrande à faint Goëric, il efpéroit quelque chofe, ou quelque foulagement de fa protection, ou peut être il vouloit tromper les hommes. par cette apparence de dévotion.

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Conclufion de cette Differtation.

Don peut conclure 1. que la queftion

E tout ce que nous avons dit jufqu'ici,

de fait; favoir, que les Anges, les Démons, & les ames des défunts apparoiffent & reviennent quelquefois, parconféquent que leurs apparitions font non feulement poffibles, mais auffi réelles, véri tables, & bien prouvées par l'autorité des Livres SS. de l'Ancien & du Nouveau Teftament & par les témoignages des Auteurs Grecs & Latins, tant Chrétiens que Païens; fans toutefois prétendre approuver ni affurer tout ce qu'on en trouve écrit dans les Auteurs non infpirés, ni même garantir tout ce que nous en avons cité & rapporté ci-devant,

?

2°. Que la façon dont ces apparitions fe font faites, eft jufqu'ici inconnuë: ni l'Ecriture, ni la Théologie, ni la bonne Philofophie ne nous fourniffent aucuns principes certains pour les expliquer fŷrement, & qu'il eft permis de former des doutes fur la maniere dont cela s'eft fait & de rechercher ce qu'on en peut dire, pourvû qu'on demeure dans les bornes

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