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preuves les plus évidentes des terrible's effets de la crainte & des préjugés. Trois jours après avoir été enterré il apparoit la nuit à fon fils, demande à manger, mange & difparoit. Le lendemain le fils raconte à fes Voifins ce qui lui étoit arrivé. Cette nuit le pere ne parut pas; mais la nuit fuivante..... on trouva le fils mort dans fon lit. Qui peut ne pas voir dans ces paroles les marques les plus certaines de la prévention & de la peur. La premiere fois qu'elles agiffent fur l'imagination du prétendu molefté du Vampirifme, elles ne produifent point leur entier effet & ne font que difpofer fon efprit à être plus fufceptible d'en être vivement frappé. Aussi cela ne manqua-t'il pas d'arriver & de produire l'effet qui naturellement devoit fuivre. Prenez garde que le mort ne revint point la nuit du jour que fon fils communiqua fon fonge à fes amis, parce que felon toutes les apparences, ceux-ci veillerent avec lui & l'empêcherent de fe livrer à la

crainte.

X V.

Caufes de la fluidité du fang, & de l'accroiffement des cheveux & des ongles dans les Vampires

E viens à préfent à ces cadavres pleins d'un fang fluide dont la barbe, les cheveux & les ongles fe renouvellent. L'on peut rabattre les trois quarts de ces prodiges & encore a-t'on bien de la complaifance d'en admettre une petite partie. Tous les Philofophes connoiffent affez combien le peuple & même certains Hiftoriens groffiffent les chofes qui paroiffent tant foit peu extraordinaires. Cependant,il n'est pas impoffible d'en expliquer phyfiquement la caufe.

L'expérience nous apprend qu'il eft certains terrains, qui font propres à conferver les corps dans toute leur fraîcheur. Les raifons en ont été fouvent expliquées fans que je me donne la peine d'en faire un récit particulier. Il fe trouve à Toulouse un caveau dans une Eglife de Moines, où les corps reftent fi parfaitement dans leur entier, qu'il y en a qui y font depuis près de deux fiécles & qui paroiffent vivans. On les a rangé debout contre la muraille,

& ils ont leurs habillemens ordinaires. Ce qu'il y a de plus particulier, eft que les corps qu'on met de l'autre côté de ce même caveau, deviennent deux ou trois jours après la pâture des vers.

Quant à l'accroiffement des ongles, des cheveux & de la barbe, on l'apperçoit trèsfouvent dans plufieurs cadavres. Tandis qu'il refte encore beaucoup d'humidité dans les corps, il n'y a rien de furprenant que pendant quelque temps, on voit quelque augmentation dans des parties, qui n'éxigent point les efprits vitaux.

Le fang fluide, coulant par les canaux du corps, femble former une plus grande dif ficulté; mais on peut donner des raifons Phyfiques de cet écoulement. Il pouroit fort bien arriver, que la chaleur du Soleil venant à échauffer les parties nitreuses & fulphureufes qui fe trouvent dans les terres propres à conferver les corps, ces parties s'étant incorporées dans les cadavres nouvellement enterrés, viennent à fermenter décoagulent & défigent le fang caillé, le rendent liquide & lui donnent le moyen de s'écouler peu à peu par les canaux. Če fentiment eft d'autant plus probable qu'il eft confirmé par une experience. Si l'on fait bouillir, dans un vaiffeau de verre ou de terre une partie du chile ou de lait, mêlée

avec deux parties d'huile de tartre faite par défaillance, la liqueur, de blanche qu'elle étoit deviendra rouge, parceque le fel de tartre aura raréfié & entierement diffoût la partie du lait la plus huileufe, & l'aura convertie en une efpece de fang. Celui qui fe forme dans les vaiffeaux du corps eft un peu plus rouge,mais il n'eft pas plus épais. Il n'eft donc pas impoffible que la chaleur ne caufe une fermentation, qui produit à peu près les mêmes effets que cette experience & l'on trouvera cela beaucoup plus aifé, fi l'on confidére que les fucs des chairs & des os reffemblent beaucoup à du chile & que les graiffes & les moëles font les parties les plus huileufes du chile. Or toutes ces parties en fermentant, doivent, par la regle de l'experience, fe changer en une espece de fang. Ainfi outre celui qui feroit décoagulé & défigé, les prétendus Vampires répandroient encore celui qui fe formeroit de la fonte des graiffes.

X V I.

Récit tiré du Mercure Galant de 1693. 1694. fur les Revenans.

LE

Es Memoires publics des années 1693. & 1694. parlent des Upiers ou Vampires ou revenans, qui fe voyent en Pologne & furtout en Ruffie, Ils paroiflent depuis midi jufqu'à minuit & viennent fucer le fang des hommes ou des animaux vivans en fi grande abondance, que quelquefois il leur fort par la bouche, par le nez & principalement par les oreilles; & que quelquefois le cadavre nage dans fon fang répandu dans fon cercueil. On dit qu'il a une espece de faim, qui lui fait manger le linge qu'il trouve autour de lui. Ce Redivive ou Upiers forti de fon tombeau, ou un Demon fous fa figure, va la nuit embraffer & ferrer violemment fes proches ou fes amis & leur fuce le fang, jufqu'à les affoiblir, les extenuer & leur caufer enfin la mort. Cette perfécution ne s'arrête pas à une feule perfonne, elle s'étend jufqu'à la derniere perfonne de la famille à moins qu'on n'en interrompe le cours en coupant la tête ou en ouvrant le cœur du

(a) Morery fous le mot Styges.

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