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qu'ils donnent à ces Spectres.)Si quelqu'un leur répond à la premiere voix, le Spectre difparoît, mais celui qui lui a parlé, meurt infailliblement.

Pour fe garantir de ces mauvais genies, il n'y a point d'autre voye que de déterrer le corps de la perfonne qui a apparu, de le brûler après avoir récité fur lui certaines priéres. Alors fon corps fe réduit en cendres & ne paroît plus. On ne doute donc point que ce ne foit le corps de ces hommes criminels & mal faifans, qui fortent de leurs tombeaux, & caufent la mort à ceux qui les voyent & qui leur répondent; ou que ce ne foit le Démon qui fe fert de leurs corps pour effrayer les mortels, & leur caufer la mort. On ne connoît point de moyen plus certain pour fe délivrer de leur infeftation, & de leurs dangereuses apparitions, que de brûler & de mettre en piece ces corps qui fervent d'inftrument à leur malice, ou de leur arracher le cœur, ou de les laiffer pourrir avant que de les enterrer, ou de leur couper la tête, ou de leur percer les temples avec un gros cloud.

X L.

Exemple de ces retours des Excommuniés.

R

Icaut dans l'Hiftoire qu'il a donnée de l'Etat préfent de l'EglifeGreque reconnoît que ce fentiment, qui veut que les corps des Excommuniés ne pourriffent point, eft général, non feulement parmi les Grecs d'apréfent, mais auffi parmi les Turcs. Il raconte un fait qu'il tenoit d'un Caloyer Candiot, qui lui avoit affuré la chofe avec ferment. Il fe nommoit Sophro ne fort connu & fort estimé à Smyrne. Un homme étant mort en l'Ifle de Milo excommunié pour une faute qu'il avoit commise dans la Morée, fut enterré fans cérémonies dans un lieu écarté, & non en terre fainte; fes parens & fes amis étoient infiniment touchés de le voir en cet état, & les habitans de l'Ifle étoient toutes les nuits effrayés par des apparitions funeftes, qu'ils attribuerent à ce malheureux. Ils ouvrirent fon tombeau, & trouverent fon corps entier, & ayant les veines gonflées de fang, après avoir délibéré fur cela, les Caloyers furent d'avis de démembrer le corps, de le mettre en piéces, & de le faire bouillir dans

le vin; car c'eft ainsi qu'ils en ufent envers les corps des Revenans.

Mais les Parens du mort, obtinrent à force de prieres qu'on differat cette exécution, & cependant envoyerent en diligence à Conftantinople pour obtenir du Patriarche l'abfolution du jeune homme. En attendant, le corps fut mis dans l'Eglife, où l'on difoit tous les jours des Meffes, & où l'on faifoit tous les jours des prieres pour fon repos. Un jour que le Caloyer Sophrone, dont on a parlé, faifoit le divin Service, on entendit tout d'un coup dans le Cercueil un grand bruit, on l'ou vrit & l'on trouva qu'il étoit diffous comme un mort depuis fept ans. On remarqua le moment où le bruit s'étoit fait entendre, & il fe trouva précisément à l'heure que l'abfolution accordée par le Patriarche, avoit été fignée. M. le Chevalier Ricaut de qui nous tenons ce récit, n'étoit ni Grec ni Catholique Romain, mais bon Anglican.

Il remarque à cette occafion que les Grecs eftiment qu'un mauvais Efprit entre dans le corps des Excommuniés, qui font morts en cet état, & qu'il les préferve de la corruption en les animant & en les faifant agir, à peu près comme l'ame anime & fait

(b) Vide le P. François | Irene è. 15 18. Richard Hift, da l'lfle de S.

agir le corps. Ils s'imaginent de plus que ces cadavres mangent pendant la nuit, fe promenent, font la digeftion de ce qu'ils ont mangé, & fe nourriffent réellement. Qu'on en a trouvé qui étoient d'un coloris vermeil, & dont les veines encore tenduës par la quantité de fang, quoique quarante jours après leurs morts, ont jetté lorsqu'on les a ouvert, un ruiffeau de fang auffi bouillant & auffi frais, que feroit celui d'un jeune homme d'un temperamment fanguin. Et cette creance eft fi généralement répan duë, que tout le monde en racónte des faits eirconftanciés.

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Le Pere Theophile Raynaud, qui a écrit fur cette matiere un traité particulier, fou tient que ce retour des morts eft une chofe indubitable, & qu'on en a des preuves & des experiences très-certaines. Mais que de prétendre que ces Revenans, qui viênnent inquieter les vivans, foient toujours des excommuniés, & que ce foit là un privilege de l'Eglife Greque Schifmatique de preferver de pourriture ceux qui ont encouru l'excommunication, & qui font morts dans les cenfures de leurs Eglifes, c'eft une prétention infoutenable, puifqu'il eft certain que les corps des excom

(c) Theop Raynald. t. 51. 52.

muniés pourriffent comme les autres, & qu'il y en a qui font morts dans la communion de l'Eglife tant Greque que Latine qui ne laiffent pas de demeurer fans corruption: on en voit même des exemples parmi les payens, & parmi les animaux, dont on trouve quelque fois les cadavres fans corruption dans la terre & dans les ruines d'anciens bâtimens. On peut voir fur le corps des excommuniés qu'on prétend qu'ils ne pourriffent pas; le Pere Goard Rituel des Grecs p. 687. 688. Mathieu Paris, Hiftoire d'Angleterre t. 2. p. 687. Adam de Brême c. 75. Albert de Stade, fur l'an 1050. & M. Ducange, Gloflar. Latinit. au mot Imblocatus.

X L I.

Broucolaque exhume en présence de M. de

M.

Tournefort.

Pitton de Tournefort raconte la maniere dont on exhuma un prétendu Broucolaque dans l'Ifle de Mycon, où il étoit au premier Janvier 1701. Voici fes paroles: Nous vimes une fcene bien

(d) Theop. Rayn. t. 13. P. 27. & feq. & 49.

(a) Tournefort voyage

du Levant. t. 1. p. 52. 53.
édition d'Amfterd. 1718.
in-4°.

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