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Sur le foir quelques heures après l'enterrement de cette femme, il vint dans l'efprit du Turc fon mari, que l'enfant dont elle étoit enceinte pouroit bien être encore vivant, il fit donc ouvrir le caveau & trouva que fa femme s'étoit délivrée, & que fon enfant étoit vivant, mais la mere étoit morte. Quelques uns difoient qu'on avoit entendu crier l'enfant, & que ce fut fur l'avis qu'on en donna au pere, qu'il fit ouvrir le tombeau. Cet homme furnommé l'Enfant mort vivoit encore en 1677. Le Bruyn croit que la femme étoit morte lorfqu'elle l'enfanta; mais il n'auroit pas été poffible qu'étant morte, elle mit fon enfant au monde. On doit fe fouvenir qu'en Egypte, où ceci eft arrivé, les femmes ont une facilité extraordinaire d'accoucher, comme le témoignent les anciens & les modernes, & que cette femme étoit fimplement enfermée dans un caveau, fans être couverte de

terre.

On pouroit multiplier à l'infini les exemples de perfonnes enterrées toutes vivantes, & d'autres qui font revenues comme on les portoit au tombeau, ou qui ont été tirées du tombeau par des cas fortuits. On peut confulter fur cela le nouvel ouvrage que nous avons cités de Meffieurs Winflou & Bruhier & les Auteurs qui ont traité cette

matiere exprès. (c) Ces Meffieurs les Médecins tirent dela une conféquenc fort fage & fort judicieuse, qui eft qu'on ne doit enterrer les hommes que quand on est bien affuré de leurs morts, fur tout dans les tems de pefte & dans certaines maladies qui font perdre fubitement le mouvement & le fentiment.

LIV.

Peut-on faire l'application de cet exemple aux Revenans de Hongrie ?

Ais on peut auffi tirer avantage de ces exemples & de ces raifonnemens en faveur du Vampirifme, en difant que les Revenans de Hongrie, de Moravie, de Pologne, &c. ne font pas réellement morts, qu'ils vivent dans leurs tombeaux, quoique fans mouvement & fans refpiration, le fang qu'on leur trouve beau & vermeil, la flexibilité de leurs membres, les cris qu'ils pouffent lorsqu'on leur perce le cœur, ou qu'on leur coupe la tête, prouvent qu'ils vivent encore. Ce n'eft pas la principale difficulté qui m'arrête; c'eft de fçavoir comment ils fortent de leurs tombeaux, comment ils y rentrent, fans qu'il paroiffe qu'ils ont remué la terre & qu'ils l'ont remise en (c) V. p. 167 des additions de M. Bruhier.

fon premier état; comment ils paroiffent revêtus de leurs habits, qu'ils mangent. Si cela eft, pourquoi retourner dans leurs tombeaux? Que ne demeurent-ils parmi les vivans? Pourquoi fucer le fang de leurs parens? Pourquoi infefter & fatiguer des perfonnes, qui doivent leur être cheres, & qui ne les ont pas offenfés ? fi tout cela n'eft qu'imagination de la part de ceux qui font moleftés; d'où vient que ces Vampires fe trouvent dans leurs tombeaux fans corruption, pleins de fang, fouples & maniables, qu'on leur trouve les pieds crotés le lendemain du jour qu'ils ont couru & effrayés les gens du voifinage, & qu'on ne remarque rien de pareil dans les autres cadavres enterrés dans le même temps, dans le même Cimetiere? d'où vient qu'ils ne reviennent plus & n'infeftent plus, quand on les a brûlés ou empalés? Sera-ce encore l'imagination des vivans & leurs préjugés, qui les raffureront après ces exécutions faites? D'où vient que ces fçènes fe renouvellent fi fouvent dans ces pays, & qu'on ne revient point de ces préjugés, & que l'experience journaliere au lieu de détruire ces préventions, ne fait que les augmenter & les fortifier?

L V.

Morts qui machent comme des porcs dans leurs tombeaux.

CAL

'Eft une opinion fort répandue dans l'Allemagne que certains morts machent dans leurs tombeaux & dévorent ce qui fe trouve autour d'eux, qu'on les entend même manger comme des porcs, avec un certain cri fourd & comme grondant & gruniffant.

Un Auteur Allemand(a) nommé Michel Raufft, a compofé un ouvrage intitulé de mafticatione mortuorum in tumulis,des morts qui machent dans leurs tombeaux. Il fuppofent comme une chofe prouvée & certaine qu'il y a certains mort qui ont dévoré les linges & tout ce qui étoit à portée de leurs bouches, & même, qui ont dévoré leur propre chair dans leurs tombeaux. Il remarque (a) qu'en quelques endroits d'Allemagne, pour empêcher les morts de mâcher, on leur met fous le menton, dans le cercueil une motte de terre, qu'ailleurs on

(a) Mich. Raufft alterâ Differt. art. LVII. p. 98. 99. &art. LIX. p. 100. Vide &

de nummis in fore defunctorum repertis art. IX. à Beier. Muller. &c.

leur met dans la bouche une petite piece d'argent & une pierre, ailleurs on leur ferre fortement la gorge avec un mouchoir. L'Auteur cite quelques Ecrivains Allemans, qui font mention de cet ufage ridicule; & il en rapporte plufieurs autres qui parlent de morts, qui ont dévoré leur propre chair dans leur fépulcre. Cet ouvrage a été im primé à Leipfic en 1728. Il parle d'un autre Auteur nommé Philippe Rehrius, qui imprima en 1679, un Traité sur le même titre de Mafticatione mortuorum.

Il auroit pû y ajouter le fait de Henry Comte de Salm (b) qui ayant été cru mort, fut enterré tout vivant; l'on ouit pendant la nuit dans l'Eglife de l'Abbaye de HauteSeille, où il étoit enterré, de grands cris, & le lendemain fon tombeau ayant été ouvert, on le trouva renverfé & le vifage en bas, au lieu qu'il avoit été enterré fur son dos, & le vifage en haut. Il y a quelques années qu'à Bar le Duc un homme ayant été inhumé dans le cimetiere, on ouit du bruit dans fa foffe, le lendemain on le déterra & on trouva qu'il s'étoit mangé les chairs des bras; ce que nous avons appris de témoins oculaires. Cet homme avoit bû de l'eau-de-vie avec excès & avoit été

(b) Richer. Senon. tom. 3. Spicileg. Dacherii p. 3924

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