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une Bataille, fut trouvé dix jours après parmi les morts. On le porta dans fa maifon fans connoiffance & fans mouvement. Deux jours après, quand on voulut le mettre fur le bucher pour le brûler, il résuscita, commença à parler, & à raconter de quelle maniere les hommes étoient jugés après leur mort, & comment les bons étoient récompenfés, & les méchans punis & tourmentés.

Il dit donc que fon ame étant féparée du corps, fe rendit en grande compagnie dans un lieu agréable, où ils virent comme deux grandes ouvertures qui donnoient entrée à ceux qui venoient de deffus la terre, & deux autres ouvertures pour aller au Ciel, Il vit en cet endroit des Juges, qui examinoient ceux qui venoient de ce monde, & envoyoient en haut à la droite ceux qui avoient bien vécu, & renvoyoient en bas à la gauche, ceux qui fe trouvoient coupables de crimes; chacun d'eux portoit derriere foi un écriteau, où étoit marqué ce qu'il avoit fait en bien ou en mal; la cause de fa condamnation, ou de fon abfolution.

Quand le tour d'Eros fut venu, les Juges lui dirent qu'il falloit qu'il retournât fur la terre, pour annoncer aux hommes ce qui fe paffoit dans l'autre vie, & qu'il eut à bien

obferver

obferver toutes chofes pour en rendre un compte fidele aux vivans. Il fut donc témoin de l'état malheureux des méchans, qui devoit durer pendant mille ans, & des délices dont jouiffoient les Juftes: que tant les bons que les méchans, recevoient ou la récompenfe, ou la peine de leurs bonnes ou mauvaises actions, dix fois plus grande que n'étoit la mesure de leurs crimes, ou de toutes leurs vertus. Il remarqua entr'autres que les Juges demandoient où étoit un nommé Andée, homme célebre de Pamphilie, pour ses crimes & fa tyrannie. On leur répondit qu'il n'étoit pas encore venu, & qu'il ne viendroit pas; en effet s'étant préfenté à grande peine & par de grands efforts fur la grande ouverture dont on a parlé, il fut repouffé & renvoyé en bas avec d'autres fcélérats comme lui, que l'on tourmentoit de mille manieres differentes, & que l'on repouffoit toujours avec violence, lorfqu'ils s'efforçoient de remonter.

Il vit de plus les trois Parques, filles de la néceffité, ou du deftin. Ces filles font Lachefis, Clotho & Atropos. Lachesis annonçoit les chofes paffées, Clotho les préfentes, & Atropos les futures. Les ames étoient obligées de comparoître devant ces trois Déeffes: Lachefis jettoit les forts en l'air, & chaque ame faififfoit celui qu'elle

pouvoit atteindre; ce qui n'empêchoit pas que chacun ne put encore choifir le genre de vie, qui étoit le plus conforme à la justice & à la raifon.

Eros ajoûtoit, qu'il avoit remarqué des ames qui cherchoient à entrer dans des animaux; par exemple, Orphée en haine du fexe feminin qui l'avoit fait mourir, entra dans un cygne, & Thamiris dans un roffignol; Ajax fils de Telamon, prit le corps d'un lion, en haine de l'injuftice des Grecs, qui lui avoient refufé les armes d'Hector, qu'il prétendoit lui être dûes, Agamemnon chagrin des traverfes qu'il avoit effuyées dans la vie, choifit le corps de l'aigle. Atalante choifit la vie des Athlétes charmés des honneurs, dont ils font comblés. Therfite Je plus laid des mortels, celle d'un finge; Ulyffe ennuyé des maux qu'il avoit fouffert fur la terre, demanda de vivre en homme privé & fans embarras; il eut peine à trouver un fort pour ce genre de vie, il le rencontra enfin jetté par terre & négligé, & le ramaffa avec joie.

Eros affuroit auffi qu'il y avoit des ames de bêtes qui entroient dans les corps des hommes ; & au contraire, que les ames des injuftes entroient dans des ames farouches & cruelles, & les ames des hommes juftes dans des animaux doux, apprivoifés & do

meftiques. Après ces diverfes métempfyco. fes, Lachefis donnoit à chacun fon gardien ou fon défenfeur, qui le conduifoit & le gardoit pendant le cours de fa vie. Eros fut enfuite conduit au fleuve d'Oubly, qui ôte la mémoire de toutes chofes : mais on l'empêcha d'en boire; enfin il difoit qu'il ne favoit dire, comment il étoit revenu en vie.

Platon après avoir rapporté cette fable, comme il l'appelle, ou cet apologue, en conclut, que l'ame eft donc immortelle, & que pour arriver à la vie bienheureuse, nous devons vivre dans la juftice qui conduit aux Cieux, où nous jouirons de cette Béatitude de mille ans qui nous eft promife. On voit ici qu'un homme peut vivre affez long-tems fans donner aucun figne de vie, fans manger, fans refpirer , que les Grecs croyoient la Metempsycofe; la Béatitude pour les Juftes, & les peines de mille ans pour les méchans. Que le deftin n'empêchoit pas que l'homme ne pût faire le bien, ou le mal; qu'il avoit un génie, ou un Ange qui le gardoit & le conduifoit. Ils croyoient un Jugement après la mort, & que les ames des Juftes étoient reçues dans ce qu'ils appelloient les Champs Elifées.

LX VII I.

Les Traditions des Payens fur l'autre vie viennent des Hebreux & des Egyptiens.

To

Outes ces Traditions fe voyent clairement dans Homere & dans Virgile, & dans les autres Auteurs Grecs & Latins, Elles venoient fans doute des Hébreux fur-tout des Egyptiens, dont les Grecs avoient pris leur Religion, qu'ils avoient ajuftée à leur goût. Les Hébreux parlent des Rephaim (a), des Géans impies qui gémiffent fous les eaux, Salomon dit (b) que les méchans defcendront dans l'abîme avec les Rephaïm. Ifaie décrivant l'arrivée du Roi de Babylone dans les Enfers, dit (c) que les Geans fe font levés pour venir par honneur au-devant de lui, & lui ont dit : Tu as donc été percé de playes auffi-bien que nous; ton orgueil a été précipité dans l'Enferiton lit fera la pourriture,& ta couvertureferont les vers. Ezéchiel décrit (d)`de même la defcente du Roi d'Affyrie dans les Enfers Le jour qu'Affur eft defcendu dansl'Enfer, j'ai ordonné un deuil général, j'ai ferme fur lui l'abime, j'ai arrêté le cours de

:

(a) Job. 26. §.
(b) Proverb, 9. 18. 21.

8. 21. |

(c) Ila. 14, 9, & seq? (d) Ezech. 31, 15

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