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beau, que d'autres n'ayent crû oüir frapper à leurs portes, les harceler, les inquiéter; en un mot, leur caufer des maladies mortelles; & que ces perfonnes interrogées juridiquement, n'ayent répondu qu'elles avoient vû & oüi, ce que leur imagination frappée leur avoit représenté. Mais je demande des témoins non préoccupés, fans frayeur, fans interêt, fans paffion; qui affurent après de férieufes réfléxions, qu'ils ont vû, oüi, interrogé ces Vampires, & qu'ils ont été témoins de leurs opérations, & je fuis perfuadé qu'on n'en trouvera aucun de cette forte.

L X X V I.

Incertitude de tout ce qu'on dit des Vampireş.

A

Uffi j'ai appris d'un homme très-éclai ré & très-bon efprit (a), que le Roy Louis XV. voulant favoir la vérité de ces faits, ordonna au Duc de Richelieu fon Ambaffadeur à Vienne en Autriche, d'examiner exactement la chofe, d'en voir les procès verbaux, & de lui en rendre compte. Le Duc fe fit inftruire de tout avec la derniere exactitude, & répondit au Roj

(4) M. le Marquis de d'Ypres en 1744,

que rien ne paroiffoit plus certain que ce qu'on publioit des Revenans de Hongrie. Les incrédules ne fe rendirent pas, & fupplierent le Roy d'ordonner de nouveau à fon Ambaffadeur de fe tranfporter fur les lieux, & de voir tout par lui-même. Il obéit, & trouva dans tout ce qu'on disoit des Vampires & des Redivives, plus de prévention & d'imagination que de vérité. De forte qu'encore aujourd'hui dans la Cour de Vienne, il y a fur cela deux tis, dont les uns tiennent pour la vérité de ces apparitions, & les autres les tiennent pour chimeriques & illufoires.

par

Et J'ai en main une Lettre, qui m'a été écrite de Varfovie le 3. Février 1745. par le R. P. Sliwiski, Vifiteur de la Province des Peres de la Miffion de Pologne, qu'ayant étudié avec grand foin cette matiere, & s'étant propofé de composer fur ce fujet une Differtation Théologique & Phyfique, il avoit ramaffé des Mémoires dans cette vûë, mais que les occupations de Vifiteur & de Supérieur de la Maison de fa Congrégation de Varfovie, ne lui avoient pas permis d'exécuter fon projet. Qu'il a depuis recherché inutilement ces Mémoires, qui probablement font demeureés entre les mains de quelques-uns de ceux à qui il les avoit communiqués. Qu'il

y avoit parmi ces Mémoires deux réfolutions de Sorbonne, qui défendoient l'une & l'autre, de couper la tête & de févir fur les corps des prétendus Upires. Il ajoute qu'on pourroit trouver ces décisions dans les regiftres de Sorbonne,depuis l'an 1700. jufqu'en 1710.

11 dit de plus, qu'en Pologne on est si perfuadé de l'existence des Upires,qu'on regarderoit prefque comme hérétiques ceux qui penfent autrement. Il y a plufieurs faits fur cette matiere, qu'on regarde comme inconteftables, & l'on cite pour cela une infinité de témoins. «Je me fuis, dit-il, don»né la peine d'aller jufqu'à la fource, & » d'éxaminer ceux qu'on citoit pour témoins >> oculaires; il s'eft trouvé qu'il n'y a eu perfonne qui osât affirmer d'avoir vu les >> faits dont il s'agiffoit,& que ce n'étoit que » des rêveries & des imaginations caufées >> par la peur, & par des difcours mal fon»dés. C'eft ce que m'écrit ce fage & judi>> cieux Prêtre.

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L X X V I I.

Impoffibilité morale, que les Revenans fortent de leurs Tombeaux.

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'Ai déja propofé l'objection formée fur l'impoffibilité, que ces Vampires fortent de leurs tombeaux & y rentrent fans qu'il paroiffe qu'ils ont remué la terre en fortant, ou en rentrant; on n'a jamais pu répondre à cette difficulté,& l'on n'y répondra jamais. Dire que le Démon subtilife & fpiritualife les corps des Vampires, c'eft une chofe avancée fans preuve & fans vraisemblance.

5. La fluidite du fang, la couleur vermeille, la foupleffe des membres des Vampires ne doit pas furprendre, non plus que les ongles & les cheveux qui leur croiffent, & leur corps qui demeure fans corruption. On voit tous les jours des corps qui n'éprouvent point la corruption, & qui confervent une couleur vermeille après leur mort. Cela ne doit pas paroître étranger dans ceux qui meurent fans maladie & de mort fubite, ou de certaines maladies connues aux Médecins, qui n'ôtent pas la fluidité du fang, ni la foupleffe des membres. A l'égard de l'accroiffement des cheveux

&

point d'autre caufe de leur incorruption ce qu'on ne prouvera jamais.

De plus, une chofe auffi équivoque que l'incorruption ne peut pas être employée en preuve, dans une matiere auffi ferieufe que celle ci. L'on convient que fouvent les corps des Saints font préfervés de corruption; cela paffe pour certain chez les Grecs comme chez les Latins ; l'on ne peut donc pas conclure que cette même incorruption foit une preuve qu'une perfonne eft excommuniée.

Enfin cette preuve eft équivoque & générale, ou feulement particuliere, je veux dire, tous les excommuniés demeurent fans corruption, ou feulement quelques-uns. On ne peut pas foutenir que tous ceux qui meurent dans l'excommunication, font incorruptibles. Il faudroit pour cela que tous les Latins envers les Grecs, & les Grecs envers les Latins, fuffent incorruptibles, ce qui n'eft pas. Cette preuve eft donc frivole, & ne conclut rien. Je me défie beaucoup de toutes ces hiftoires que l'on rapporte pour prouver cette prétendue incorruption des perfonnes excommuniées. Si on les examinoit de près, on y trouveroit fans doute bien du faux.

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