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Sainte Françoise avoit toujours fon bon Ange auprès d'elle qu'elle voyoit, qui lui infpiroit le bien qu'elle devoit faire, & la détournoit du mal; il la corrigeoit même & la frappoit quelquefois en la préfence du monde, qui entendoit bien les coups qu'il lui donnoit, mais ne voyoit pas fa figure.

Platon (f) enfeigne que comme la garde des troupeaux n'a pas été confiée aux bêtes, mais aux hommes; auffi la garde des hommes a été donnée aux Démons. Le nom de Démons étoit honorable & glorieux parmi les anciens. Platon (g) donne aux Dieux le nom de Démons. Apuleé (h) dit après Platon, qu'un Démon a été donné à chaque homme pour -être le témoin invifible de toutes les actions, & même de fes penfées les plus fecrettes. Qu'auffi-tôt après la mort de Phomme, le Démon entraîne l'ame devant fon Juge, où il l'accufe, où il la défend, & que le Juge prononce fuivant le témoi gnage de ce Démon. Philon (i) le Juif reconnoît que Moyfe a accoutumé de donner le nom d'Ange, à ce que les Philofophes appellent Démons.

(f) Plato. 1: 4. de Legibus. is.

(g) Idem. In Timao.

b) A pulaus.de DeoSocra

(i) Philo de Gigantib.

X X.

Des Efprits familiers.

Odin (a) raconte d'une perfonne de fa

Bla connoiffance, qui étoit encore en

vie quand il écrivoit: c'étoit en 1580. cét homme avoit un Efprit familier, qui depuis l'âge de trente-fept ans, lui donnoit journellement de bons avis fur fa conduite, tantôt pour corriger fes défauts, & tantôt pour lui faire pratiquer la vertu, tantôt pour réfoudre des difficultés qu'il rencontroit dans la lecture des Livres SS. & tantôt pour lui donner de falutaires confeils fur fes propres affaires. Ordinairement il frappoit à la porte fur les trois ou quatre heures du matin pour le faire lever, & comme cet homme fe défioit de tout cela, craignant que ce ne fût un mauvais Ange, l'Efprit fe fit connoître à lui en plein jour, frappant doucement fur un bocal de verre, & puis fur un banc, & lorfqu'il vouloit faire quelque chofe de bon & d'utile, il le touchoit à l'oreille droite; & s'il étoit queftion d'une chofe mauvaise ou fâcheufe, il lui touchoit l'oreille gauche; de forte que depuis

(4) Bodin Demonomanie. 1. 1. c. 2. fol. 10. 11.

ce tems-là il ne lui eft rien arrivé, dont il n'ait été averti auparavant. S'il vouloit lire quelques mauvais Livres, l'Efprit touchoit fur le Livre, & l'en avertiffoit. Mais furtout cet Ange l'éveilloit le matin à quatre heures pour prier Dieu, & l'avertiffoit des mauvais deffeins qu'on avoit formés contre lui, & le détournoit des occafions dangereufes, aufquelles fans cela il fe feroit expofé. Quelquefois il a entendu fa voix, & un jour étant en un extrême danger de fa vie, il vit fon Ange fous la forme d'un jeune enfant d'une beauté admirable.

Je crois pouvoir mettre après cet exemple de Bodin, deux autres faits plus modernes arrivés prefque dans le même temps. Que ce foit des Geniés ou des Anges tutelaires, par le moyen defquels les fonges qu'on y marque font arrivés, la chose eft égale, & cependant d'autant plus finguliere, que les événemens ont juftifiez la vérité des apparitions, qui fe font faites en fonge.

Un Savant de Dijon, a ce que marque un (6) un Ecrivain moderne, s'étoit fatigué tout le jour fur un endroit effentiel d'un Poëte Grec, fans y pouvoir rien comprendre: fiftans à la Haye 1718. pag. se.

(b) Suite du Comte de Gabalis ou les Génies af

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»Rebuté & faché de l'inutilité de fa longue application, il fe couche, fon chagrin » l'endort; & comme il eft dans le fort du » fommeil, fon Genie le tranfporte en ef»prit à Stokolm, l'introduit dans le Palais de la Reine Chriftine, le conduit dans fa Bibliothéque; il fuit des yeux tous les » livres, & les regarde. Etant tombé fur un » petit volume, dont le titre lui paroît nou»veau, il l'ouvre, & après avoir feuilleté »dix ou douze pages, il y apperçoit dix ily »vers Grecs, dont la lecture leve entiere>> ment, la difficulté qui l'a fi long temps » occupé; la joye qu'il reffent à cette dé» couverte l'éveille, fon imagination eft fi >> remplie de cette Poëfie Grecque, qu'elle »lui revient, & qu'il l'a répeté fans ceffe; »il ne veut pas l'oublier, & pour cela il > bat le fufil & avec le fecours de fa plume, nil s'en décharge fur le papier; après quoi: il tâche de ratraper fon fommeil. Le len» demain à fon lever, il réflechit fur fon » avanture nocturne, & la trouvant des » plus extraordinaires dans toutes les cir» conftances, il fe réfoût de la fuivre juf » qu'au bout.

»M. Defcartes étoit alors en Suede au» près de la Reine, qui aprenoit fa belle » Philofophie. Ille connoiffoit de réputa-: tion; mais il avoit plus de liaifon avec M.

»Chanut, qui y étoit Ambaffadeur pour »la France. C'eft à lui qu'il s'adreffa pour >>faire rendre une de fes Lettres à M. Def» cartes, & pour l'engager à lui répondre. » Il le fupplia de lui marquer précisément » fi la Bibliothéque de la Reine, fon Palais, & la Ville de Stokholme, font, fituez de telle maniere, fi dans une des Tablettes de cette Bibliothéque, & qui eft dans le fonds, il y a un Livre de tel volume, de telle couverture, & avec tel tître fur la tranche: Et enfin, fi dans ce livre, qu'il le conjure de lire exactement pour l'amour de lui, en cas qu'il s'y trouve, il n'y a pas dix vers Grecs tout femblables à ceux qu'il a mis au bas de fa Lettre.

M. Defcartes qui étoit d'une civilité fans pareille, fatisfit bien-tôt notre favant; & lui répondit, que le plus habile ingénieur n'auroit pas mieux tiré le plan de Stokolm, qu'il avoit fait dans fa Lettre: que le Palais & la Bibliothéque y étoient parfaitement bien dépeints; qu'il avoit trouvé le Livre en queftion dans la Tablette défignée qu'il y avoit lû les vers Grecs mentionnez; que ce Livre eft très-rare; mais néanmoins, qu'un de fes amis lui en avoit promis un exemplaire, qu'il envoieroit en France par la premiere commodité; qu'il le fupplioit d'agréer le préfent, qu'il lui en

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