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De l'ame des Mixtes.

Tous les mixtes parfaits qui ont vie, ont une ame, ou efprit, & un corps. Le corps eft compofé de limon, ou de terre & d'eau, l'ame qui donne la forme au mixte, eft une étincelle du feu de la Nature, ou un rayon imperceptible de la lumiere, qui agit dans les mixtes, fuivant la dispofition actuelle de la matiere, & la perfection des organes fpécifiés dans chacun d'eux. Si les bêtes ont une ame, elle ne differe gueres de leur efprit que du plus au moins.

Les formes fpécifiques des mixtes, ou, fi l'on veut, leur ame, conferve une je ne fais quelle connoiffance de leur origine. L'ame de l'homme fe réfléchit fouvent fur la lumiere divine par la contemplation. Elle femble vouloir pénétrer dans ce fanctuaire acceffible à Dieu feul: elle y tend fans ceffe, & y retourne enfin. Les ames des animaux, forties du fecret des Cieux, & des tréfors du Soleil, femblent avoir une fympathie avec cet Aftre, par les différens préfages de fon lever, de fon coucher, du mouvement même des cieux, & des changemens de température de l'air, que les mouvemens des animaux nous

annoncent.

Fournies par l'air, & prefque entierement aériennes, les ames des végétaux pouffent tant qu'elles peuvent la tête de leur tige en haut, comme empreffées de retourner à leur patrie.

Les rochers, les pierres, formés d'eau & de terre, fe cuifent dans la terre comme un ouvrage

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de poterie, c'est pourquoi ils tendent à la terre, comme en faifant partie. Mais les pierres précieufes & les métaux font plus favorisés des influences célestes; les premieres font comme des larmes du Ciel, & une rofée céleste congelée; c'eft pourquoi les Anciens leur attribuoient tant de vertus. Le Soleil & les Aftres femblent avoir auffi une attention particuliere pour les métaux, & l'on diroit que la Nature leur laiffe le foin de leur imprimer la forme. L'ame des métaux eft comme emprisonnée dans leur matiere; le feu des Philofophes fait l'en tirer pour lui faire produire un fils digne du Soleil, & une quinteffence admirable, qui rapproche le Ciel de nous.

La lumiere eft le principe de la vie, & les ténebres font celui de la mort. Les ames des mixtes font des rayons de lumiere, & leurs corps font des abymes de ténebres. Tout vit par la lumiere, & tout ce qui meurt en eft privé. C'est de ce principe auquel on fait fi peu d'attention, qu'on dit communément d'un homme mort, qu'il a perdu le jour, la lumiere; & que faint Jean dit (a), la lumiere eft la vie des hommes.

qu'il

Chaque mixte a des connoiffances qui lui font propres. Quant aux animaux, il fuffit de réfléchir fur leurs actions pour en être convaincu. Le temps de s'accoupler qui leur eft fi bien connu; la jufte diftribution des parties dans les petits qui en viennent; l'ufage qu'ils font de chaque membre; l'attention & le foin qu'ils fe donnent, tant pour la nourriture de leurs petits, que pour

(a) Evang. c. I.

leur défenfe; leurs différentes affections de plaifir, de crainte, de bienveillance envers leurs maîtres; leurs difpofitions à en recevoir les inftructions; leur adreffe à fe procurer les befoins de la vie; leur prudence à éviter ce qui peut leur nuire, & tant d'autres chofes qu'un obfervateur peut remarquer, prouvent que leur ame eft douée d'une espece de raifonnement.

Les végétaux ont auffi une faculté vitale, & une maniere de connoître & de prévoir. Les facultés vitales font chez eux le foin d'engendrer leurs femblables, les vertus multiplicatives, nutritives, augmentatives, fenfitives & autres, Leur notion fe manifefte dans le préfage du temps, & la connoiffance de la température qui leur eft favorable pour germer & pouffer leurs tiges. Leurs obfervations ftrictes des changemens, comme loix de la Nature dans le choix de l'afpect du Ciel qui leur est propre; dans la maniere d'enfoncer leurs racines, d'élever leurs tiges, d'étendre leurs branches, de développer leurs feuilles, de configurer & de colorer leurs fruits, de tranfmuer les élémens en nourriture, d'infufer dans leurs femences une vertu prolifique.

Pourquoi certaines plantes ne pouffent-elles que dans certaines faifons, quoiqu'elles fe fement d'elles-mêmes par la chute naturelle de leurs graines, ou qu'on les feme fi-tôt qu'elles font en maturité? Elles ont dès-lors leur principe végétatif, & néanmoins elles ne le développeronc que dans un temps marqué, à moins que l'art ne feur fourniffe ce qu'elles trouveroient dans la faifon qui leur eft propre. Pourquoi une plante

femée dans une mauvaise terre tout joignant une. bonne, pouffera-t elle fes racines du côté de cette derniere? Qu'est-ce qui apprend à un oignon mis en terre le germe en bas, à le diriger vers l'air? Comment le lierre, & autres plantes de telle efpece, dirigent elles leurs foibles branches vers les arbres qui peuvent les foutenir ? Pourquoi la citrouille alonge-t-elle fon fruit de tout fon poffible vers un vafe plein d'eau, placé auprès ? Qu'est-ce qui enfeigne aux plantes dans lesquelles on remarque les deux fexes, à fe placer communément le mâle auprès de la femelle, & même affez fouvent inclinés l'un vers l'autre ? Avouons que tout cela pale notre entendement; que la Nature n'eft pas aveugle, & qu'elle eft gouvernée la fageffe même.

par

De la génération & de la corruption des Mixtes.

Tout retourne à fon principe. Chaque individu eft en puiffance dans le monde matériel avant que de paroître au jour fous fa forme individuelle, & retournera dans fon temps, & à fon rang au même point d'où il eft forti, comme les fleuves dans la mer, pour renaître à leur tour (a). C'étoit peut-être ainfi que Pythagore entendoit fa métemplycofe, que l'on n'a pas comprife.

Lorfque le mixte fe difout, par le vice des élémens corruptibles qui le compofent, la partie éthérée l'abandonne, & va rejoindre fa patrie.

(a) Ecclef. 1. 7.

Il fe fait alors un dérangemement, un défordre & une confufion dans les parties du cadavre, par l'absence de celui qui y confervoit l'ordre. La mort, la corruption s'en emparent, jufqu'à ce que cette matiere reçoive de nouveau les influences célestes qui réuniffant les élémens épars & errans, les rendra propres à une nouvelle géné

ration.

Cet efprit vivifiant ne fe fépare pas de la matiere pendant la putréfaction générative, parce qu'elle n'eft pas une corruption entiere & parfaite, comme celle qui produit la deftruction du mixte. C'est une corruption combinée, & caufée par cet efprit même, pour donner à la matiere la forme qui convient à l'individu qu'il doit animer. Il y eft quelquefois dans I inaction, tel qu'on le voit dans les femences, mais il n'attend que d'être excité. Si tôt qu'il l'eft, il met la matiere en mouvement; & plus il agit, plus il acquiert de nouvelles forces jufqu'à ce qu'il ait achevé de perfectionner le mixte.

Que les Marérialistes, les partifans ridicules du hafard dans la formation des mixtes & leur confervation, examinent & réfléchiffent un peu férieufement & fans préjugés fur tout ce que nous avons dit, & qu ils me difent enfuite comment un être imaginaire peut être la caufe efficiente de quelque chofe de réel & de fi bien combiné. Qu'ils fuivent cette Nature pas à pas, fes procédés, les moyens qu'elle emploie, & ce & ce qui en réfulte. Ils verront, s'ils ne veulent pas fermer les yeux à la lumiere, que la génération des mixtes a un temps déterminé; que tout fe fait

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