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(a) Les quatre qualités des élémens, le froid, le chaud, le fec & l'humide, font comme les tons harmoniques de la Nature. Ils ne font pas plus contraires entr'eux, que le ton grave dans la mufique l'eft à l'aigu; mais ils font différens, & comme féparés par des intervalles, ou tous moyens, qui rapprochent les deux extrêmes. De même que par ces tons moyens on compofe une très-belle harmonie, la Nature fait auffi combiner les qualités des élémens, de maniere qu'il en réfulte un tempérament qui conftitue celui des mixtes.

Du Mouvement.

Il n'y a point de repos réel & proprement dit dans la Nature (b). Elle ne peut refter oifive; & fi elle laiffoit fuccéder le repos réel au mouvement pendant un feul inftant, toute la machine de l'Univers tomberoit en ruine. Le mouvement l'a comme tiré du néant; le repos l'y replongeroit. Ce à quoi nous donnons le nom de repos n.eft qu'un mouvement moins accéléré, moins fenfible. Le mouvement eft donc continuel dans chaque partie comme dans le tout, La Nature agit toujours dans l'intérieur des mixres: les cadavres mêmes ne font point en repos, puifqu'ils fe corrompent, & que la corruption ne peut le faire fans mouvement.

L'ordre & l'uniformité regnent dans la maniere de mouvoir la machine du monde; mais

(a) Cofmop. Tract. 2.

(b) Ibid. Tr. 4.

il y a divers degrés dans ce mouvement, qui eft inégal, & différent dans les chofes différentes & inégales. La Géométrie exige même cette loi d'inégalité, & l'on peut dire que les corps céleftes ont un mouvement égal en raifon géométrique; favoir, eu égard à la différence de leur grandeur, de leur diftance & de leur nature.

Nous appercevons aifément dans le cours des faifons, que les voies que la Nature emploie ne différent entr'elles qu'en apparence. Pendant l'hiver elle paroît fans mouvement, morte, ou du moins engourdie. C'eft cependant durant cette morte faifon qu'elle prépare, digere, couve les femences, & les difpofe à la génération. Elle accouche pour ainfi dire au printemps; elle nourrit & éleve en été, elle mûrit même certains fruits; elle en réserve d'autres pour l'automne, quand ils ont befoin d'une plus longue digeftion. A la fin de cette faifon, tout devient caduque, pour fe difpofer à une nouvelle géné

ration.

L'homme éprouve dans cette vie les changemens de ces quatre faifons. Son hiver n'eft pas le temps de la vieilleffe, comme on le dit communément, c'est celui qu'il paffe dans le ventre de fa mere fans action, & comme dans les ténebres, parce qu'il n'a pas encore joui des bienfaits de la lumiere folaire. A peine a-t-il vu le jour, qu'il commence à croître : il entre dans fon printemps, qui dure jufqu'à ce qu'il foit capable de mûrir fes fruits. Son été fuccede alors; il fe fortifie, il digere, il cuit le principe de vie qui doit la donner à d'autres. Son fruit eft-il mûr,

l'automne s'en empare; il devient fec, il flétrit, il penche vers le principe où fa nature l'entraîne; il y tombe, il meurt, il n'est plus.

De la distance inégale & variée du Soleil procede particulierement la variété des faifons. Le Philofophe qui veut s'appliquer à imirer les procédés de la Nature dans les opérations du grand doit les méditer très-férieufement.

Je n'entrerai point ici dans le détail des différens mouvemens des corps céleftes. Moyfe n'a prefque expliqué que ce qui regarde le globe que nous habitons. Il n'a prefque rien dit des autres créatures, fans doute afin que la curiosité humaine trouvât plutôt matiere à l'admiration, qu'à former des argumens pour la difpute. L'en vie défordonnée de tout favoir tyrannife cependant encore le foible efprit de l'homme. Il ne

fair pas fe conduire, & il eft affez fou pour preferire au Créateur des regles pour conduire l'Univers. I forge des fyftêmes, & parle avec un ton fi décifif, qu'on diroit que Dieu l'a confulté pour tirer le monde du néant, & qu'il a fuggéré au Créateur les loix qui confervent l'harmonie de fon mouvement général & particulier, Heureufement les raifonnemens de ces prétendus Philofophes n'influent en rien fur cette harmonie. Nous aurions lieu d'en craindre des conféquences auffi fâcheufes pour nous, que celles qu'on tire de leurs principes font ridicules. Tranquillifons nous le monde ira fon train autant de temps qu'il plaira à fon Auteur de le conferver.

Ne perdons pas le temps d'une vie auffi courte

que la nôtre à difputer des chofes que nous igno

rons. Appliquons-nous plutôt à chercher le remede aux maux qui nous accablent; à prier celui qui a créé la médecine de la terre, de nous la faite connoître; & qu'après nous avoir favorifé de cette admirable connoiffance, nous n'en ufions que pour l'utilité de notre prochain, par amour pour le fouverain Etre, à qui feul foit tendu gloire dans tous les fiecles des fiecles.

TRAITÉ

DE

L'ŒUVRE HERMÉTIQ U E.

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LA A fource de la fanté & des richesses, deux bafes fur lesquelles eft appuyé le bonheur de cette vie font l'objet de cet art. Il fut toujours un myftere; & ceux qui en ont traité, en ont parlé dans tous les temps. comme d'une fcience, dont la pratique a quelque chofe de furprenant, & dont le téfultat tient du miracle dans lui-même & dans fes effets. Dieu auteur de la Nature, que le Philofophe fe propose d'imiter, peut feul éclairer & guider l'efprit humain dans la recherche de ce tréfor ineftimable, & dans le labyrinthe des opérations de cet art. Aufli tous ces Auteurs recommandent-ils de recourir au Créateur, & de lui demander cette grace avec beaucoup de ferveur & de perfévé

rance.

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Doit-on être furpris que les poffeffeurs d'un fi beau fecret l'ait voilé des ombres des hiéroglyphes, des fables, des allégories, des métaphores, des énigmes, pour en ôter la connoiffance au commun des hommes ? Ils n'ont écrit que pour ceux à qui Dieu daigneroit en accorder l'intelligence. Les décrier, déclamer fortement contre la fcience même, parce qu'on a fait d'inutiles efforts pour l'obtenir, c'eft une vengeance baffe; c'eft faire tort à fa propre réputation, c'eft afficher fon ignorance, & l'impuiffance où l'on eft d'y parvenir. Que l'on éleve fa voix contre les fouffleurs, contre ces brûleurs de charbons qui, après avoir été dupes de leur propre ignorance cherchent à faire d'autres dupes, à la bonne heure. Je me joindrois volontiers à ces fortes de critiques; je voudrois même avoir une voix de Stentor pour me faire mieux entendre. Mais qui font ceux qui fe mêlent de parler & d'écrire contre la Philofophie Hermétique? Des gens qui en ignorent, je gagerois, jufqu'à la définition; gens dont la mauvaise humeur n'eft excitée que par le préjugé. J'en appelle à la bonne foi; qu'ils examinent férieufement, s'ils font au fait de ce qu'ils critiquent: ont-ils lu & relu vingt fois & davantage, les bons Auteurs qui traitent cette matiere? qui d'entr'eux peut fe flatter de favoir les opérations & les procédés de cet art? quel dipe leur a donné l'intelligence de fes énigmes & de fes allégories? quelle eft la Sibylle qui les a introduits dans fon sanctuaire ? qu'ils demeurent donc dans l'étroite sphere de leurs connoiffances: ne futor ultra crepidam. Ou

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