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efpece particuliere. Si les mulets nous venoient de quelque Ifle fort éloignée, où l'on garderoit un fecret inviolable fur leur naiffance, nous fetions certainement tentés de croire que ces animaux forment une efpece particuliere, qui fe multiplie à la maniere des autres. Nous ne foupçonnerions pas que ce fuffent des monftres. Nous fommes affectés de la même façon par les réfultats de prefque toutes les opérations Chymiques; & nous prenons des productions monftrueufes pour des productions faites dans l'ordre commun de la Nature. "De forte qu'on pourroit dire de cette efpece de Chymie, que c'est la fcience de détruire méthodiquement les mixtes produits par la Nature, pour en former des monftres, qui ont à peu près la même apparence & les mêmes propriétés que les mixtes naturels. En falloit-il davantage pour fe concilier les fuffrages dú Public? Prévenu & frappé par ces apparences trompeufes; inondé par des écrits fubtilement raifonnés; fatigué par les invectives multipliées contre la Chymie Hermétique, inconnue même à fes agreffeurs, eft-il furprenant qu'il la meprife?

Bafile Valentin (a) compare les Chymiftes aux Pharifiens, qui étoient en honneur & en autorité parmi le Public, à caufe de lear extérieur affecté de religion & de piété. C'étoient, dit-il, des hypocrites attachés uniquement à la terre & à leurs intérêts; mais qui abufoient de la confiance & de la crédulité du peuple, qui fe laiffe

(a) Azot des Philofophes.

ordinairement

ordinairement prendre aux apparences, parce qu'il n'a pas la vue affez perçante pour pénétrer jufqu'au deffous de l'écorce. Qu'on ne s'imagine cependant pas que par un tel difcours je prétende nuire à la Chymie de nos jours. On a trouvé le moyen de la rendre utile; & l'on ne peut trop louer ceux qui en font une étude affidue. Les expériences curieufes que la plupart des Chymistes ont faites, ne peuvent que fatisfaire le Public. La Médecine en retire tant d'avantages que ce feroit être ennemi du bien des Peuples, que de la décrier. Elle n'a pas peu contribué auffi aux commodités de la vie, par les méthodes qu'elle a donnéés pour perfectionner la Métallurgie, & quelques autres Arts. La porcelaine, la faïence, font des fruits de la Chymie. Elle fournit des matieres pour les teintures, pour les verreries, &c. Mais parce que fon utilité eft reconnue, doit-on en conclure qu'elle eft la feule & vraie Chymie? & faut-il pour cela rejeter & méprifer la Chymie Hermétique? It eft vrai qu'une infinité de gens fe donnent pour Philofophes, & abufent de la crédulité des fots. Mais eft-ce la faute de la fcience Hermétique? Les Philofophes ne crient-ils pas affez haut pour fe faire entendre à tout le monde, & pour le prévenir contre les piéges que lui tendent ces fortes de gens? Il n'en eft pas un qui ne dife que la matiere de cet Art eft de vil prix, & même qu'elle ne coûte rien; que le feu, pour la travailler, ne coûte pas davantage; qu'il ne faut qu'un vafe ou tout au plus deux pour tout le cours de l'œu

I. Partie.

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B

دو

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vre. Ecoutons d'Espagnet (a): « L'œuvre (6) Phi»lofophique demande plus de temps & de travail » que de dépenfes, car il en refte très-peu à faire » à celui qui a la matiere requife. Ceux qui de» mandent de grandes fommes pour le mener » à fa fin, ont plus de confiance dans les richesses d'autrui, que dans la fcience de cet Art. Que » celui qui en eft amateur fe tienne donc fur fes gardes, & qu'il ne donne pas dans les piéges » que lui tendent des fripons, qui en veulent à fa bourfe dans le temps même qu'ils leur promettent des monts d'or. Ils demandent le Soleil » pour fe conduire dans les opérations de cet Art, » parce qu'ils n'y voient goute. » Il ne faut donc pas s'en prendre à la Chymie Hermétique qui n'en eft pas plus refponfable que la probité l'eft de la friponnerie. Un ruiffeau peut être fale, puant par les immondices qu'il ramafle dans fon cours, fans que fa fource en foit moins pure, moins belle & moins limpide.

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Ce qui décrie encore la fcience Hermétique, font ces bâtards de la Chymie vulgaire, connus ordinairement fous les noms de fouffleurs, & de chercheurs de pierre Philofophale. Ce font des

(a) Can. 35.

(b) In opere Philofophico plus laboris & temporis quàm fumptuum impendi

tur,

nam convenientem ma

teriam habenti parvæ fuperfunt expenfae fuftinenda; proptereà qui magnam nummorum copiam præoccupan

tur, & arduam operis me

tam in fumptibus ponunt, plus alienis opibus, quàm arti fue confidunt. Caveat itaque à prædonibus illis nimiùm credulus tyro, nam dum aureos montes pollicentur, auro infidiantur : anteambulonem folem poftulant; quia in tenebris ambulant.

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idolâtres de la Philofophie Hermétique. Toutes les recettes qu'on leur propofe, font pour eux autant de Dieu, devant lequel ils fléchiffent le genou. Il fe trouve un bon nombre de cette forte de gens très-bien inftruits des opérations de la Chymie vulgaire ; ils ont même beaucoup d'adreffe dans le tour de main; mais ils ne font pas inftruits des principes de la Philofophie Hermétique, & ne réuffiront jamais. D'autres ignorent jufqu'aux principes mêmes de la Chymie vulgaire, & ce font proprement les fouffleurs. C'est à eux qu'il faut appliquer le proverbe : Alchemia eft ars, cujus initium laborare, medium mentiri, finis mendicare.

La plupart des habiles Artiftes dans la Chymie vulgaire ne nient pas la poffibilité de la pierre Philofophale; le réfultat d'un grand nombre de leurs opérations la leur prouve affez clairement. Mais ils font efclaves du refpect humain; ils n'oferoient avouer publiquement qu'ils la reconnoiffent poffible, parce qu'ils craignent de s'expofer à la rifée des ignorans, & des prétendus favans que le préjugé aveugle. En public ils en badinent comme bien d'autres, ou en parlent au moins avec tant d'indifférence, qu'on ne les foupçonne même pas de la regarder comme réelle pendant que les effais qu'ils font dans le particulier tendent prefque tous à fa recherche. Après avoir paffé bien des années au milieu de leurs fourneaux fans avoir réuffi, leur vanité s'en trouve offenfée; ils ont honte d'avoir échoué, & cherchent enfuite à s'en dédommager, ou à s'en venger en disant du mal de la chose dont ils n'ont

pu obtenir la poffeffion. C'étoient des gens qui n'avoient pas leurs femblables pour la théorie & la pratique de la Chymie; ils s'étoient donnés pour tels; ils l'avoient prouvé tant bien que mal; mais à force de le dire ou de le faire dire par d'autres, on le croyoit comme eux. Que fur la fin de leurs jours ils s'avisent de décrier la Philofophie Hermétique, on n'examinera pas s'ils le font à tort; la réputation qu'ils s'étoient acquife, répond qu'ils ont droit de le faire, & l'on n'oferoit ne pas leur applaudir. Oui, dit-on, fi la chofe avoit été faifable, elle n'eût pu échapper à la fcience, à la pénétration & à l'adreffe d'un auffi habile homme. Ces impreffions fe fortifient infenfiblement; un fecond, ne s'y étant pas mieux pris que le premier, a été fruftré de fon efpérance & de fes peines; il joint fa voix à celle des autres; il crie même plus fort s'il le peut; il fe fait entendre; la prévention fe nourit, on vient enfin au point de dire avec eux que c'eft une chimere, & qui plus eft, on se le perfuade fans connoiffance de caufe. Ceux à qui l'expérience a prouvé le contraire, contens de leur fort, n'envient point les applaudiffemens du peuple ignorant. Sapientiam & doctrinam ftulti (a) defcipiunt. Quelques-uns ont écrit - uns ont écrit pour le défabufer (b); il n'a pas voulu fecouer le joug du préjugé, ils en font reftés là.

Mais enfin en quoi confifte donc la différence qui fe trouve entre la Chymie vulgaire & la

(á) Prov. c. I.

(b) Beccher, Stalh, M. Potth, M, de Jufti dans fes

Mémoires, en prennent ouvertement la défense.

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