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Chymie Hermétique? La voici. La premiere eft proprement l'art de détruire les compofés que la Nature a faits; & la feconde eft l'art de travailler avec la Nature pour les perfectionner. La premiere met en ufage le tyran furieux & deftructeur de la Nature: la feconde emploie fon agent doux & benin. La Philofophie Hermétique prend pour matiere de fon travail les principes fecondaires ou principiés des chofes, pour les conduire à la perfection dont ils font fufceptibles, par des voies & des procédés conformes à ceux de la Nature. La Chymie vulgaire prend les mixtes parvenus déjà au point de leur perfection, les décompofe, & les détruit. Ceux qui feront curieux de voir un parallele plus étendu de ces deux Arts, peuvent avoir recours à l'ouvrage qu'un des grands antagonistes de la Philofophie Hermétique, le P. Kircker Jéfuite, a compofé, & que Manget a inféré dans le premier volume de fa Bibliotheque de la Chymie curieufe. Les Philofophes Hermétiques ne manquent gueres de marquer dans leurs ouvrages la différence de ces deux { Arts. Mais la marque la plus infaillible à laquelle on puiffe diftinguer un Adepte d'avec un Chymifte, eft que l'Adepte, fuivant ce qu'en difent tous les Philofophes, ne prend qu'une feule chofe, ou tout au plus deux de même nature, un feul vafe ou deux au plus, & un feul fourneau pour conduire l'œuvre à fa perfection; le Chymifte au contraire travaille fur toutes fortes de matieres indifféremment. C'eft auffi la pierre de touche à laquelle il faut éprouver ces fripons de fouffleurs, qui en veulent à votre bourfe, qui

demandent de l'or pour en faire, & qui, au lieu d'une tranfmutation qu'ils vous promettent, ne font en effet qu'une tranflation de l'or de votre bourfe dans la leur. Cette remarque ne regarde pas moins les fouffleurs de bonne foi & de probité, qui croient être dans la bonne voie, & qui trompent les autres en fe trompant eux-mê mes. Si cet ouvrage fait affez d'impreffion fur les efprits pour perfuader la poffibilité & la réalité de la Philofophie Hermétique, Dieu veuille qu'il ferve auffi à défabufer ceux qui ont la manie de dépenfer leurs biens à fouffler du charbon, à élever des fourneaux, à calciner, à fublimer, à diftiller, enfin à réduire tout à rien, c'est-à-dire, en cendre & en fumée. Les Adeptes ne courent point après l'or & l'argent. Morien en donna une grande preuve au Roi Calid. Celui-ci ayant trouvé beaucoup de livres qu traitoient de la fcience Hermétique, & ne pouvant y rien comprendre, fit publier qu'il donneroit une grande récompenfe à celui qui les lui expliqueroit (a). L'appas de cette récompenfe y conduifit un grand nombre de fouffleurs. Morien, l'Hermite Morien fortit alors de fon défert, attiré non par la récompenfe promife, mais par le defir de manifefter la puillance de Dieu, & combien il eft admirable dans fes œuvres. Il fut trouver Calid, & demanda, comme les autres, un lieu propre à travailler, afin de prouver par fes œuvres la vérité de fes paroles. Morien ayant fini fes opérations, laiffa la pierre parfaite dans un vafe, autour

(a) Entretien du Roi Calid.

duquel il écrivit : Ceux qui ont eux-mêmes tous ce qu'il leur faut, n'ont befoin ni de récompense, ni du fecours d'autrui. Il délogea enfuite fans dire mot, & retourna dans fa folitude. Calid ayant trouvé ce vafe, & lu l'écriture, fentit bien ce qu'elle fignifioit; & après avoir fait l'épreuve de la poudre, il chafla ou fit mourir tous ceux qui avoient voulu le tromper.

Les Philofophes difent donc avec raifon que cette pierre eft comme le centre & la fource des vertus, puifque ceux qui la poffedent, méprisent toutes les vanités du monde, la fotte gloire, l'ambition; qu'ils ne font pas plus de cas de l'or, que du fable & de la vile pouffiere (a), & l'argent n'eft pour eux que de la boue. La fageffe feule fait impreffion fur eux, l'envie, la jaloufie & les autres paffions tumultueufes n'excitent point de tempêtes dans leur cœur ; ils n'ont d'autres defirs que de vivre felon Dieu, d'autre fatisfaction que de fe rendre en fecret utiles au prochain, & de pénétrer de plus en plus dans l'intérieur des fecrets de la Nature.

La Philofophie Hermétique eft donc l'école de la piété & de la Religion. Ceux à qui Dieu en accorde la connoiffance étoient déjà pieux, ou ils le deviennent (b). Tous les Philofophes commencent leurs ouvrages par exiger de ceux qui les lifent, avec deffein de pénétrer dans le fanctuaire de la Nature, un cœur droit & un esprit craignant Dieu: Initium fapientia,imor Domini; un caractere compatiffant, pour fecourir les pau

(a) Sapient. cap. 7.
(b) Flamel Hiéroglyp.

vres, une humilité profonde, & un deffein formel de tout faire pour la gloire du Créateur, qui cache fes fecrets aux fuperbes & aux faux fages du monde, pour les manifester aux humbles (a).

Lorfque notre premier Pere entendit prononcer l'arrêt de mort pour punition de fa désobéissance, il entendit en même temps la promeffe d'un Libérateur qui devoit fauver tout le genre humain. Dieu tout miféricordieux ne voulut pas permetre que le plus bel ouvrage de fes mains pérît abfolument. La même fageffe qui avoit difpofé avec tant de bonté le remede pour l'ame, n'oublia pas fans doute d'en indiquer un contre les maux qui devoient affliger le corps. Mais comme tous les hommes ne mettent pas à profit les moyens de falut que Jéfus - Chrift nous a mérités, & que Dieu offre à tous; de même tous les hommes. ne favent pas ufer du remede propre à guérir les maux du corps, quoique la matiere dont ce remede fe fait, foit vile, commune, & préfente à leurs yeux, qu'ils la voient fans la connoître, & qu'ils l'emploient à d'autres ufages qu'à celui qui lui eft véritablement propre (b). C'est ce qui prouve bien que c'eft un don de Dieu, qui en favorife celui qu'il lui plaît. Vir infipiens non cognofcet, & ftultus non intelliget hac. Quoique Salomon, le plus fage des hommes, nous dife: Altiffimus de terra creavit medicinam : & pofuit Deus fuper terram medicamentum quod fapiens non defpiciet (c).

(a) Matth. c. II.

(b) Bafile Valentin, Azot des Phil. & le Cofinopol. (c) Eccl. c. 38.

C'eft cette matiere que Dieu employa pour manifefter fa fageffe dans la compofition de tous les êtres. Il l'anima du fouffle de cet efprit, qui étoit porté fur les eaux, avant que fa toute-puiffance eût débrouillé le chaos de l'Univers. C'eft elle qui eft fufceptible de toutes les formes, & qui n'en a proprement aucune qui lui foit propre (a). Auffi la plupart des Philofophes comparent-ils la confection de leur pierre à la création de l'Univers. Il y avoit, dit l'Ecriture (b), un chaos confus, duquel aucun individu n'étoit diftingué. Le globe terreftre étoit fubmergé dans les eaux : elles fembloient contenir le Ciel, & renfermer dans leur fein les femences de toutes chofes. Il n'y avoit point de lumiere, tout étoit dans les ténebres. La lumiere parut, elle les diffipa, & les aftres furent placés au firmament. L'œuvre Philofophique eft précisément la même chofe. D'abord c'est un chaos ténébreux; tout y paroît tellement confus, qu'on ne peut rien diftinguer féparément des principes qui compofent la matiere de la pierre. Le Ciel des Philofophes eft plongé dans les eaux, les ténebres en couvrent toute la furface; la lumiere enfin s'en fépare; la Lune & le Soleil fe manifeftent, & viennent répandre la joie dans le cœur de l'Artifte, & la vie dans la matiere.

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Ce chaos confifte dans le fec & l'humide. Le feç conftitue la terre; l'humide eft l'eau. Les ténebres font la couleur noire, que les Philofo, phes appellent le noir plus noir que le noir même, (a) Baf. Val. (b) Genef. c. I.

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