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ment auroient-ils pu accorder l'éternité d'Ofiris & d'lfis avec la paternité de Saturne ou de Vulcain, defquels, felon eux, Ofiris & Ifis étoient fils? Preuve trop évidente que Diodore n'étoit inftruit que des idées populaires. Les Egyptiens entendoient toute autre chofe par ces fils de Saturne; nous avons des indices fans nombre, qui démontrent que l'on cultivoit en Egypte la fcience de la Nature; que la Philofophie Hermétique y étoit connue & pratiquée par les Prêtres & les plus anciens Rois de ce pays-là; & l'on ne doute plus que pour la communiquer aux Sages leurs fucceffeurs, à l'infu du peuple, ils n'aient inventé les hiéroglyphes pris des animaux, des hommes, &c. & qu'enfin pour expliquer ce que fignifioient ces caracteres, ils imaginerent des allégories & des fables, prifes de perfonnes feintes, & des actions prétendues de ces perfonnes.

Nous parlerons plus au long de ces hiéroglyphes dans la fuite de cet Ouvrage.

CHAPITRE II.

Des Dieux de l'Egypte.

ON ne peut révoquer en doute que la pluralité des Dieux n'ait été admife par le peuple d'Egypte. Les plus anciens Hiftoriens nous affurent même que les Grecs & les autres Nations n'avoient d'autres Dieux que ceux des Egyptiens;

mais

mais fous des noms différens. Hérodote (a) comptoit douze principaux Dieux que les Grecs avoient pris des Egyptiens avec leurs noms mêmes, & ajoute que ces derniers Peuples drefferent les premiers des autels, & éleverent des temples aux Dieux. Mais il n'eft pas moins conftant que quelque fuperftitieufe que fût cette Nation, on y voyoit bien des traces de la véritable Religion. Une partie même confidérable de l'Egypte, la Thébaïde, dit Plutarque, ne reconnoiffoit point de Dieu mortel; mais un Dieu fans commencement & immortel, qui en la langue du pays s'appeloit Cneph, & felon Strabon Knuphis. Ce que nous avons rapporté d'Hermès, de Jamblique, &c. prouve encore plus clairement que les mysteres des Egyptiens n'avoient point pour objet les Dieux comme Dieu, & leur culte comme culte de la Divinité.

Ifis & Ofiris fur lefquels roule prefque toute la Théologie Egyptienne, étoient à recueillir les fentimens de divers Auteurs, tous les Deux du paganifme. Ifis, felon eux, étoit Cérès, Junon, la Lune, la Terre, Minerve, Proferpine, Thétis, la mere des Dieux ou Cybele, Vénus, Diane, Bellone, Hécate, Rhamnufia, la Nature même en un mot, toutes les Déeffes. C'eft ce qui a donné lieu de l'appeler Myrionyme, ou la Déeffe à mille noms. De même qu'Ifis fe prenoit pour toutes les Déeffes, on prenoit auffi Ofiris pour tous les Dieux; les uns difent qu'Ofiris étoit Bacchus ; d'autres le font le même que

(4) Lib. 2.
1. Partie.

R

Sérapis, le Soleil, Pluton, Jupiter, Ammon; Pan: d'autres (a) font d'Ofiris Attis, Adonis, Apis, Titan, Apollon, Phébus, Mithras, ΤΟcéan, &c. Je n'entrerai point dans un détail qu'on peut voir dans beaucoup d'autres Auteurs.

Les interprétations mal entendues des hiéroglyphes inventés par les Philofophes & les Prêtres, ont donné lieu à cette multitude de Dieux, qu'Héfiode (b) fait monter à 30008. Trifmégifte, Jamblique, Pfellus & plufieurs autres n'en ont point déterminé le nombre; mais ils ont dit que les cieux, l'air & la terre en étoient remplis. Maxime de Tyr difoit, en parlant d'Homere , que ce Poëte ne reconnoiffoit aucun endroit de la terre qui n'eût fon Dieu. La plupart des Payens regardoient même la Divinité comme ayant les deux fexes, & la nommoient Hermaphrodite; ce qui a fait dire à Valerius Soranus:

Jupiter omnipotens, Regum, rerumque Deúmque
Progenitor, genitrixque Deúm, Deus unus & omnis.

Cette confufion tant dans les noms que dans les Dieux mêmes, doit nous convaincre que ceux qui les ont inventés, ne pouvoient avoir en vue que la Nature, fes opérations & fes productions. Et comme le grand œuvre eft un de fes plus admirables effets, les premiers qui le trouverent ayant considéré fa matiere, fa forme, les divers changemens qui lui furvenoient pendant les opérations, fes effets furprenans; & qu'en tout cela (b) Théogon.

(a) Héfychius.

elle participoit en quelque forte avec les principales parties de l'Univers (a), telles que le Soleil, là Lune, les étoiles, le feu, l'air, la terre & l'eau, ils en prirent occafion de lui donner tous ces noms. Tout ce qui fe forme dans la Nature, ne fe faifant que par l'action de deux, l'un agent, l'autre patient, qui font analogues au mâle & à la femelle dans les animaux; le premier chaud, fec, igné; le fecond froid & humide. Les Prêtres d'Egypte perfonnifierent la matiere de leur art facerdotal, & appelerent Ofiris, ou feu caché, le principe actif qui fait les fonctions de mâle, & Ifis le principe paffif qui tient lieu de femelle. Ils défignerent l'un par le Soleil, à caufe du principe de chaleur & de vie que cet aftre répand dans toute la Nature; & l'autre par la Lune, parce qu'ils la regardoient comme d'une nature froide & humide. Le fixe & le volatil, le chaud & l'humide étant les parties conftituantes des mixtes, avec certaines parties hétérogenes qui s'y trouvent toujours mêlées, & qui font la caufe de la deftruction des individus ils y joignirent un troifieme, à qui ils donnerent le nom de Typhon, ou mauvais principe. Mercure fut donné pour adjoint à Ofiris & à Ifis, pour les fecourir contre les entreprises de Typhon, parce que Mercure eft comme le lien & le milieu qui réunit le chaud & le froid, l'humide & le fec; qu'il eft comme le nœud au moyen duquel le fubtil & l'épais, le pur & l'impur fe trouvent affociés; & qu'enfin il ne

(a) Majer Arcana Arcaniff,

fe fait point de conjonction du Soleil avec la Lune, fans que Mercure, voifin du Soleil, y foit préfent.

Ohris & Ifis furent donc regardés comme l'époux & l'épouse, le frere & la fœur, enfans de Saturne, felon les uns (a), fils de Cœlus felon d'autres (6); Typhon paffoit feulement pour leur frere utérin, parce que la liaifon des parties homogenes, inaltérables & radicales avec les parties hétérogenes, impures & accidentelles des mixtes fe fait dans la même matrice, ou dans les entrailles de la terre. Toutes les mauvaises qualités qu'on attribuoit à Typhon, nous découvrent parfaitement ce que l'on avoit deffein de fignifier par lui. Nous en dirons quelque chofe de plus détaillé dans la fuite.

Ces quatre perfonnes, Ofiris, Ifis, Mercure & Typhon, étoient chez les Egyptiens les principales & les plus célebres; trois paffoient pour des Dieux, & Typhon pour un efprit malin. Mais des Dieux de la nature de ceux dont pour Hermès parle à Afclepius, je veux dire des Dieux fabriqués artiftement par la main des hommes (c). A ces quatre ils joignirent Vulcain, inventeur du feu, que Diodore fait pere de Saturne parce que le feu Philofophique eft absolument néceffaire dans l'œuvre Hermétique. Ils leur affocierent auffi Pallas ou la sagesse, la prudence

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