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nigrum nigro nigrius. C'eft la nuit Philofophique, & les ténebres palpables. La lumiere dans la création du monde parut avant le Soleil; c'eft cette blancheur tant défirée de la matiere qui fuccede à la couleur noire. Le Soleil paroît enfin de couleur orangée, dont le rouge fe fortifie peu à peu jufqu'à la couleur rouge de pourpre : ce qui fait le complément du premier œuvre.

Le Créateur voulut enfuite mettre le fceau à fon ouvrage: il forma l'homme en le pétriffant de terre, & d'une terre qui paroiffoit inanimée : il lui infpira un fouffle de vie. Ce que Dieu fit alors à l'égard de l'homme, l'agent de la Nature, que quelques-uns nomment fon Archée (a), le fait fur la terre ou limon Philofophique. Il la travaille par fon action intérieure, & l'anime de maniere qu'elle commence à vivre, & à fe fortifier de jour en jour jufqu'à sa perfection. Morien (b) ayant remarqué cette analogie, a expliqué la confection du Magiftere par une comparaifon prife de la création & de la génération de l'homme. Quelques-uns même prétendent qu'Hermès parle de la réfurrection des corps, dans fon Pymandre, parce qu'il la conclut de ce qu'il voyoit fe paffer dans le progrès du Magiftere. La même matiere qui avoit été pouflée à un cer tain degré de perfection dans le premier œuvre, fe diffout & fe putréfie; ce qu'on peut très-bien appeler une mort, puifque notre Sauveur l'a dit du grain que l'on feme (e), nifi granum fru

(a) Paracelfe, Vanhelmont, (b) Loc. cit.

(c) Flamel.

menti cadens in terram mortuum fuerit, ipfum folum manet. Dans cette putréfaction, la matiere Philofophique devient une terre noire volatile, plus fubtile qu'aucune autre poudre. Les Adeptes l'appellent même cadavre lorfqu'elle eft dans cet état, & difent qu'elle en a l'odeur: non, dit Flamel (a), que l'Artifte fente une odeur puante, puifqu'elle fe fait dans un vafe fcellé; mais il juge qu'elle eft telle par l'analogie de fa corruption avec celle des corps morts. Cette poudre ou cendre, que Morien dit qu'il ne faut pas méprifer, parce qu'elle doit revivre, & qu'elle renferme le diadême du Roi Philofophe, reprend en effet vigueur peu à peu, à mesure qu'elle fort des bras de la mort, c'est-à-dire, de la noirceur: elle fe revivifie & prend un éclat plus brillant, un état d'incorruptibilité bien plus noble que celui qu'elle avoit avant fa putréfaction.

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Lorfque les Egyptiens obferverent cette métamorphofe, ils en prirent occafion de feindre l'existence du Phénix, qu'ils difoient être un oifeau de couleur de pourpre, qui renaissoit de fes propres cendres. Mais cet oifeau absolument fabuleux, n'eft autre que la pierre des Philofophes parvenue à la couleur de pourpre après fa putréfaction.

Plufieurs anciens Philofophes éclairés par ces effets admirables de la Nature en ont conclu avec Hermès, dont ils avoient puifé les principes en Egypte, qu'il y avoit une nouvelle vie après que la mort nous avoit ravi celle-ci. C'est ce

(a) Flamel.

qu'ils ont voulu prouver, quand ils ont parlé de la réfurrection des plantes de leurs propres cendres en d'autres plantes de même efpece. On n'en trouve point qui ait parlé de Dieu & de l'homme avec tant d'élévation & de nobleffe. Il explique même comment on peut dire des hommes qu'ils font des Dieux. Ego dixi Dii eftis, & filii excelfi omnes, dit David; & Hermès (a): » L'ame, o Tat, eft de la propre effence de » Dieu. Car Dieu a une effence, & telle qu'elle puiffe être, lui feul fe connoît. L'ame n'eft pas » une partie féparée de cette effence divine, » comme on fépare une partie d'un tout maté» riel; mais elle en eft comme une effufion; à » peu près comme la clarté du Soleil n'est pas » le Soleil même. Cette ame eft un Dieu dans »les hommes; c'eft pourquoi l'on dit des hom» mes qu'ils font des Dieux, parce que ce qui » conftitue proprement l'humanité confine avec » la Divinité. »

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در

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Quelles doivent donc être les connoiffances de l'homme? eft-il furprenant qu'éclairé par le Pere des lumieres, il pénetre jufques dans les replis les plus fombres & les plus cachés de la Nature? qu'il en connoiffe les propriétés, & qu'il fache les mettre en ufage? Mais Dieu eft maître de diftribuer fes dons comme il lui plaît. S'il a été affez bon pour établir un remede contre les maladies qui affligent l'humanité, il n'a pas jugé à propos de le faire connoître à tout le monde. Morien dit en conféquence (b), « que le Ma(a) Pymand. c. II.

(b) Entret. de Calid. & de Morien.

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giftere n'eft autre que le fecret des fecrets du » Dieu très-haut, grand, fage & créateur de » tout ce qui exifte; & que lui-même a révélé »ce fecret à fes faints Prophetes, dont il a placé » les ames dans fon faint Paradis. »

Si ce fecret eft un don de Dieu, dira quelqu'un, il doit fans doute être mis dans la claffe des talens que Dieu confie, & que l'on ne doit pas enfouir. Si les Philofophes font des gens fi pieux, fi charitables, pourquoi voit-on fi peu de bonnes œuvres de leur part? Un feul Nicolas Flamel en France a bâti & doté des Eglifes & des Hôpitaux. Ces monumens fubfiftent encore aujourd'hui au milieu & à la vue de tout Paris. S'il y a d'autres Philofophes, pourquoi ne fuiventils pas un fi bon exemple? pourquoi ne guériffent-ils pas les malades? pourquoi ne releventils pas des familles d'honnêtes gens que la mifere accable? Je réponds à cela, qu'on ne fait pas tout le bien qui fe fait en fecret. On ne doit pas le faire en le publiant à fon de trompe; la main gauche, felon le précepte de Jésus-Chrift notre Sauveur, ne doit pas favoir le bien que la droite fait. On a même ignoré jufqu'après la mort de Flamel qu'il étoit l'auteur unique de ces bonnes œuvres. Les figures hiéroglyphes qu'il fit placer dans les Charniers des Saints Innocens, ne préfentoient rien que de pieux & de conforme à la Religion. Il vivoit lui-même dans l'humilité, fans fafte, & fans donner le moindre foupçon du fecret dont il étoit poffeffeur. D'ail leurs il pouvoit avoir dans ce temps là des facilités que l'on n'a pas eues depuis long-temps pour faire

ces bonnes œuvres.

Les Philofophes ne font pas fi communs que les Médecins. Ils font en très-petit nombre. Ils poffedent le fecret pour guérir toutes les maladies; ils ne manquent pas de bonne volonté pour faire du bien à tout le monde; mais ce monde eft fi pervers, qu'il eft dangereux pour eux de le faire. Ils ne le peuvent fans courir rifque de leur vie. Guériront-ils quelqu'un comme par miracle? on entendra s'élever un murmure parmi les Médecins & le Peuple; & ceux mêmes qui doutoient le plus de l'exiftence du remede Philofophique le foupçonneront alors exiftant. On fuivra cet homme; on obfervera fes démarches; le bruit s'en répandra; des avares, des ambitieux le pourfuivront pour avoir fon fecret. Que pourra-t-il donc efpérer, que des perfécutions, ou l'exil volontaire de fa patrie?

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Les exemples du Cofmopolite & de Philalethe en font une preuve bien convaincante. « Nous » fommes, dit ce dernier (a), comme enveloppés dans la malédiction & les opprobres: » nous ne pouvons jouir tranquillement de la » fociété de nos amis; quiconque nous découvrira pour ce que nous fommes, voudra ou » extorquer notre fecret, ou machiner notre » perte, fi nous le lui refufons. Le monde eft fi » méchant & fi pervers aujourd'hui, l'intérêt & » l'ambition dominent tellement les hommes, » que toutes leurs actions n'ont d'autre but. Vou»lons-nous, comme les Apôtres, opérer des » œuvres de miféricorde? on nous rend le mal

(a) Introit. Apert. c. 13.

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