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répété affez fouvent, que les trois couleurs principales de l'œuvre font la noire, la blanche & la rouge. Ne font-ce pas celles de ce marbre? La couleur cendrée n'eft-elle pas celle que les Philofophes appellent Jupiter, qui fe trouve intermédiaire entre la noire nommée Saturne, & la blanche appelée Lune ou Diane ? La rouge qui domine dans ce marbre ne défigne-t-elle pas clairement celle qui, dans les livres des Philofophes Hermétiques, eft comparée à la couleur des pavots des champs, & conftitue la perfection du Soleil ou Apollon des Sages? La bleue n'eft-elle. pas celle qui précede la noirceur dans l'œuvre, que Flamel (a) & Philalethe (b) difent être un figne que la putréfaction n'eft pas encore parfaite? Nous en parlerons plus au long dans le chapitre de Cérès au IV. Livre, lorfque nous expliquerons ce que c'étoit le lac Cyanée, par lequel fe fauva Pluton en enlevant Proferpine.

que

Voilà tout le mystere dévoilé. Voilà le motif de la préférence que les Egyptiens donnoient à ce marbre pour en former les Obélifques; & c'étoit, comme l'on voit, avec raifon, puifqu'il s'agiffoit de les élever en l'honneur d'Horus ou du Soleil Philofophique, & de repréfenter fur leurs furfaces des hiéroglyphes, fous les ténebres def-. quels étoient enfevelies & la matiere dont Horus fe faifoit, & les opérations requifes pour y parvenir. Je ne prétends cependant pas que ce fût l'objet unique de l'érection de ces Obélifques & des

(a) Explic. des fig. hiéroglyp.

(b)Enarrat. Method. 3. Gebri Medic.

Pyramides. Je fais que toute la Philofophie de la Nature y étoit hiéroglyphiquement renfermée en général, & que Pythagore, Socrate, Platon, & la plupart des autres Philofophes Grecs puiferent leur fcience dans cette fource ténébreuse, où l'on ne pouvoit pénétrer, à moins que les Prêtres d'Egypte n'y portaffent le flambeau de leurs instructions; mais je fais auffi que les Philofophes difent (a) que la connoiffance du grand œuvre donne celle de toute la Nature, & qu'on y voit toutes fes opérations & fes procédés comme dans un miroir.

Pline n'eft pas d'accord avec Diodore fur le Roi d'Egypte qui le premier fir élever des Obélifques. Pline (6) en attribue l'invention à Mitrès ou Mitras: Trabes ex os fecêre Reges, quodam certamine Obelifcos vocantes Solis Numini facratos, radiorum ejus argumentum in effigie eft, & ita fignificat in nomine Ægyptio. Primns omnium id inftituit Mitres, qui id urbe Solis (Heliopoli feu Thebis intellige) primus regnabat, fomnio juffus, & hoc ipfum fcriptum in eo. Mais fans doute que cette différence ne vient que de ce que Mitrès ou Mithras fignifioit le Soleil, & Ménas la Lune. Il y a même grande apparence que ce Mithras & ce Ménas étoient les mêmes qu'Ofiris & Ifis; non qu'ils aient en effet fait élever des Obélifques, puifqu'ils n'ont jamais exifté fous forme humaine; mais parce que c'est en leur honneur qu'on les éleva. On ne prouve pas

(a) Cofmop. novum lumen Chemic. D'Espagnet, Raymond Lulle, &c. (b) L. 36. c. 8.

mieux

mieux leur existence réelle en difant qu'ils bâtirent Memphis (a) ou quelque autre ville d'Egypte, puifque Vulcain, Neptune & Apollon ne font pas moins des perfonnages fabuleux pour avoir bâti la ville de Troyes, comme nous le prouverons dans le cours de cet Ouvrage, & particulierement dans le VIe. Livre.

Sans m'attacher fcrupuleufement à la fucceffion chronologique des Rois d'Egypte, puifque leur hiftoire entiere n'entre point dans mon plan, je paffe à quelques-uns de ceux qui ont laiffé des monumens particuliers de l'œuvre Hermétique & je m'en tiens à Diodore de Sicile pour éviter les difcuffions.

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Simandius, au rapport d'Hécatée & de Diodore, fit des chofes furprenantes à Thebes, & furpafla fes prédéceffeurs en ce genre. Il fit ériger un monument admirable par fa grandeur, & par l'art avec lequel il étoit travaillé. Il avoit dix ftades; la porte par où l'on y entroit, avoit deux arpens de longueur, & quarante-cinq coudées de hauteur. Sur ce monument étoit une infcription en

ces termes :

JE SUIS SIMANDIUS ROI DES ROIS.

SI QUELQU'UN DESIRE SAVOIR CE QUE J'AI ÉTÉ ET OU JE SUIS, QU'IL CONSIDERE MES

OUVRAGES.

J'omets la defcription de ce fuperbe monument; on peut la voir dans les Auteurs cités;

(a) Hérodote in Euterp.

1. Partie.

N

je

dirai feulement avec eux, qu'entre les peintures & les fculptures placées fur un des côtés de ce fameux périftyle, on voyoit Simandius offrant aux Dieux l'or & l'argent qu'il faifoit tous les ans; la fomme en étoit marquée, & montoit à 131200000000 mines, fuivant le même Dio

dore.

Auprès de ce monument on voyoit la Bibliotheque facrée, fur la porte de laquelle étoit écrit REMEDE DE L'ESPRIT. Sur le derriere étoit une belle maison, où l'on voyoit 20 couffins ou petits lits drellés pour Jupiter & Junon, la statue du Roi & fon tombeau. Autour étoient diftribués divers appartemens ornés de peintures, qui repréfentoient tous les animaux révérés en Egypte, & tous femblant diriger leurs pas vers le tombeau. Ce monument étoit environné d'un cercle d'or maffif, épais d'une coudée, & fa circonférence étoit de 365. Chaque coudée étoit un cube d'or, & marquée par des divifions. Sur chacune étoient gravés les jours, les années, le lever & le coucher des Aftres, & tout ce que cela fignifioit fuivant les obfervations aftrologiques des Egyptiens. Ce cercle fut enlevé, dit-on, du temps que Cambyfe & les Perfes régnerent en Egypte.

Ce que nous venons de rapporter de la magnificence de Simandius, montre affez, tant par la matiere dont ces chofes étoient faites, que par la forme qu'on leur donnoit, pour quelle raifon & à quel deffein on les avoit ainfi faites. Quelque interprétation que les Hiftoriens puiffent y donner, comment pourront-ils fuppofer que Simandius ait pu tirer, foit des mines, foit des

impôts une fi prodigieufe quantité d'or? Et quand on pourroit le fuppofer, Simandius auroit-il eu droit de s'en faire une gloire particuliere, & d'en parler comme de fon ouvrage? Si les autres Rois avoient le même revenu, ils pouvoient s'en glorifier comme lui. Il y eût eu de la folie à faire graver fur fon tombeau qu'il ne tenoit ces richeffes que de fes exactions, & de la puérilité à faire marquer la fomme des richeffes qu'il tiroit annuellement de la terre. Une fi grande fomme paroît à la vérité incroyable; mais elle ne l'eft pas à ceux qui favent ce que peut tranfmuer un gros de poudre de projection multipliée en qualité autant qu'elle peut l'être.

L'infcription mife au deffus de la porte de la Bibliotheque, annonce combien la lecture est utile; mais elle ne paroît y avoir été placée que pour marquer le tréfor qui y étoit renfermé; c'eft-à-dire, les livres que les Egyptiens appeloient facrés, ou ceux qui contenoient en termes allégoriques, & en caracteres hiéroglyphiques toute la Philofophie Hermétique ou l'art de faire l'or, & le remede pour guérir toutes les maladies; puifque la poffeffion de cet art fait évanouir la fource de toutes les maladies de l'efprit, l'ambition, l'avarice, & les autres paffions qui le tyrannifent. Cette fcience étant celle de la fageffe, on peut dire avec Salomon (a), l'or n'eft que du fable vil en comparaifon de la fageffe, & l'argent n'eft que de la boue. Son acquifition vaut mieux que tout le commerce de l'or & de

(a) Sap. 7.

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