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leur inftitution, comme ils le font encore, & le feront toujours pour ceux qui cherchent à les expliquer par d'autres moyens que ceux que je propofe. Le deffein de leurs inftituteurs n'étoit pas d'en rendre la connoiffance publique, & en les gravant fur leurs monumens pour les conferver à la postérité, ils ont agi comme les Philofophes Hermétiques, qui n'écrivent en quelque façon que pour être entendus de ceux qui font au fait de leur fcience, ou pour donner quelques traits de lumieres abforbés, pour ainfi dire, dans une obscurité fi grande, que les yeux les plus clairvoyans n'en font frappés qu'après de longues recherches & de profondes méditations.

La plupart des antiquités Egyptiennes font donc de nature à ne pouvoir nous flatter de les éclaircir parfaitement. Toutes les explications qu'on voudra tenter de donner pour les ramener à l'hiftoire, fe réduiront à des conjectures, parce que tout fe reffent du myftere qui regnoit dans ce pays; & que, pour fonder fes raifonnemens fur l'enchaînement des faits, on trouve que le premier anneau de la chaîne qui les lie, aboutit à des fables. C'eft donc à ces fables qu'il faut avoir recours; & en les regardant comme telles, faire fes efforts pour en pénétrer la véritable fignification. Quand on trouve un fyfiême qui les développe naturellement, il faut le prendre pour guide. Tous ceux que l'on a fuivis jufqu'ici font reconnus infuffifans par tous les Auteurs qui ont écrit fur les Antiquités. On y trouve à chaque pas des obftacles qu'on ne peut furmonter. Ils ne font donc pas les vrais filets d'Ariadne qui

nous

nous ferviront à nous tirer de ce labyrinthe; il faut par conféquent les abandonner. En fe conduifant fur les principes de la Philofophie Hermétique, & en les étudiant affez pour le mettre en état d'en faire de juftes applications, il eft peu d'hieroglyphes qu'on ne puiffe expliquer. On ne feroit pas dans le cas d'admettre comme faits hiftoriques ceux qui font purement fabuleux, & de rejeter de ces faits des circonftances qui les caractérisent particulierement fous prétexte qu'elles y ont été coufues pour embellir la narration, & en augmenter le merveilleux. Cette derniere méthode a été fuivie par M. l'Abbé Banier dans fa Mythologie; & quelque facilité qu'elle lui ait procuré, il fe trouve fouvent dans la fâcheufe néceffité d'avouer qu'il lui eft impoffible de débrouiller ce chaos.

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SECTION QUATRIEME. Des Colonies Egyptiennes.

LA A Philofophie Hermétique ne fut pas tou jours renfermée dans les bornes de l'Egypte, où il femble qu'Hermès l'avoit fait fleurir. Les habitans de ce pays-là s'étant trop multipliés, quelques-uns prirent le parti d'en fortir pour aller s'établir d'abord dans le voisinage, & puis dans les pays plus éloignés. Plufieurs chefs de famille y conduifirent des colonies, & emmenerent des Prêtres inftruits avec eux. Bélus qui fixa fon 1. Partie.

qui fixa fon

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féjour près de l'Euphrate, en établit à Babylone, qui furent furnommés Chaldéens. Ils devinrent célebres par les connoiffances qu'ils acquirent en obfervant les Aftres à la maniere d'Egypte. Des Savans croient que le Sabifme ou cette forte d'idolatrie, qui a pour objet de fon culte les Aftres & les Planetes, commença dans la Chaldée où ces Philofophes Egyptiens s'étoient fixés; mais il eft bien plus vraisemblable qu'ils l'y porterent de l'Egypte d'où ils fortoient, & où le Soleil & la Lune étoient adorés fous le nom d'Oficis & d'Ifis; puifqu'Hérodote dit que l'Aftrologie prit naiffance en Egypte, où l'on convient qu'elle y étoit cultivée dès les temps les plus reculés. Le nom de fcience Chaldaïque qu'elle a porté depuis long-temps, prouve tout au plus que les Aftrologues de la Chaldée devinrent plus célebres que ceux des autres Nations. Babylone, capitale du pays, quoique la plus idolâtre de toutes les villes du monde, fuivant l'idée que nous en donne le Prophete Jérémie (a), en l'appelant une terre d'Idoles, terra fculptilium, paroît avoir tiré fes Dieux de l'Egypte, dont elle avoit confervé jufqu'aux monftres; & in portentis gloriantur. Les Prêtres, inftruits dans les mêmes fciences que ceux dont ils venoient de fe féparer, favoient auffi fans doute à quoi s'en tenir au fujet du culte de ces Idoles; mais obligés au même fecret que ceux d'Egypte, ils fe firent fucceffivement un devoir de ne pas le divulguer. Les noms de Saturne & de Jupiter

(a) Ch. 5o:

donnés à Bélus, prouvent affez clairement qu'on connoiffoit dans la Chaldée la généalogie des Dieux Hermétiques des Egyptiens.

Danaüs tenta auffi un établiffement hors de fon pays. Il quitta l'Egypte fa patrie, & partit avec cinquante filles qu'il avoit eues de plufieurs femmes, avec tous fes domeftiques, & quelques Egyptiens qui voulurent bien le fuivre. Il relâcha, dit-on, d'abord à Rhodes, où, après avoir confacré une ftatue à Minerve, une des grandes Divinités de l'Egypte, il s'embarqua & arriva dans la Grece, où, fi nous en croyons Diodore il fit bâtir la ville d'Argos, & en Lydie celle de Cypre, dans laquelle il fit élever un Temple à Minerve, & y établit fans doute des Prêtres pour le fervice du même culte qu'on rendoit en Egypte à cette Déeffe. Le nom de Béléides donné aux filles de Danaüs, prouve qu'il avoit quelqu'affinité avec Bélus ; & quelques Auteurs ont en effet regardé ce Bélus comme le pere de Danaus. Les allégories que les Poëtes ont faites fur le fupplice des Danaïdes, & fur le maffacre de leurs époux, eft une nouvelle preuve qu'elles furent imitées d'Egypte, où Diodore raconte (a) que 360 Prêtres d'Achante avoient coutume de puifer de l'eau dans un vaisseau percé. Nous expliquerons ces allégories dans les Livres fuivans.

Cécrops venu d'Egypte s'établit dans l'Attique. II y porta avec les loix de fon pays le culte des Dieux qu'on y adoroit, & fur-tout celui de Minerve, honorée à Saïs fa patrie, celui de

(a) L. 2. c. 6.

Jupiter & des autres Dieux d'Egypte : ce fait eft attefté par toute l'Antiquité. Eufebe (a) dit que ce fut lui qui le premier donna le nom de Dieu à Jupiter, lui éleva un autel, & érigea une statue en l'honneur de Minerve. S. Epiphane répete la même chofe, & Paufanias l'avoit dit avant eux; mais ce dernier (b) remarque qu'il n'offroit dans fes facrifices que des chofes inanimées. Athenes le triomphe des arts & des fciences, le fiege de la politeffe & de l'érudition, doit donc fes commencemens à l'Egypte.

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Quoi qu'il en foit de cette hiftoire, les Athéniens en convenoient, & fe glorifioient d'être defcendus des Saïtes; quelques-uns difoient que Dipetes, pere de Mneftée, Roi d'Athenes, étoit Egyptien, de même qu'Ericthée, qui le premier leur apporta les grains d'Egypte, & la maniere de les cultiver, ce qui le fit établir Roi. Il leur enfeigna auffi les cérémonies de Cérès Eléufine, fuivant celles qu'obfervoient les Egyptiens; c'est pourquoi les Athéniens penfoient que ce Roi étoit contemporain de Cérès. Diodore, en rapportant ceci, ignoroit fans doute que Cérès & Ilis n'étoient qu'une même Divinité. Il auroit dû fe fouvenir qu'il avoit raconté la même chose de Triptolême. Nous parlerons de la nature de ces grains & de toute cette hiftoire dans le quatrieme Livre.

Les habitans de la Colchide étoient auffi une colonie d'Egypte, fuivant Diodore & Héro

(a) Prep. Evang. 1. 10. c. 9.

(b) In Attic, 1. 8.

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