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Homere, pour donner un air de vraisemblance à fa fiction, a introduit des noms de villes & de peuples exiftans, on eft obligé d'avouer qu'on ne connoît Ithaque, les Cimmériens, l'Ifle de Calypfo, & beaucoup d'autres chofes, que dans fes ouvrages. Où vit-on jamais les Arimafpes, les Iffedons, les Hyperboréens, les Acéphales, &c.? Mais on convient que les fables tirent leur origine d'Egypte & de la Phénicie; c'est donc par celles qui fe débitoient dans ces pays-là, qu'il faut juger des autres, au moins des plus an

ciennes.

... Je ne pense pas trouver des contradicteurs fur cet article; mais conviendra-t-on avec moi que tous les monumens dont j'ai parlé foient une preuve convaincante que l'Art Hermétique étoit connu & pratiqué chez les Egyptiens? Les Savans quelque peu d'accord qu'ils foient entr'eux, ont fortifié par lears ouvrages le préjugé qui a pris nailfance dans le récit des anciens Hiftoriens. On a cru qu'étant plus près que nous ne le fommes de ces temps obfcurs, on ne pouvoit mieux faire que de fuivre le chemin qu'ils nous ont tracé perfuadé qu'ils étoient au fait de tout cela. On favoit cependant, & ces Anciens le difent eux-mêmes, que les Prêtres d'Egypte gardoient un fecret inviolable fur la véritable fignification de leurs Hiéroglyphes; mais on n'a pas fait affez de réflexions là-deffus. Il s'agiroit donc de dépouiller tout préjugé à cet égard; d'examiner les chofes fans prévention, & de comparer les explications que les Antiquaires ou les Mythologues ont donné des Hiéroglyphes & des

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Fables Egyptiennes, avec celle que j'en donne, & juger enfuite de la verité des unes & des autres. Par cette méthode on fe trouvera en état de décider fi la Morale, la Religion, la Phyfique & l'Hiftoire ont fourni matiere à ces Fables & à ces Hiéroglyphes; ou s'il n'eft pas plus fimple de leur donner un feul & unique objet, tel qu'un fecret auffi précieux, & d'une auffi grande conféquence que peut l'être celui qui conferve l'humanité dans tout l'état parfait dont elle eft fufceptible, en lui procurant la fource des richeffes & de la fanté.

LIVRE

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LIVRE I I.

Des allégories qui ont un rapport plus palpable avec l'Art Hermétique. JAMAIS pays ne fut plus fertile en fables que la Grece. Celles qu'elle avoit reçues d'Egypte ne lui fuffifoient pas; elle en inventa un nombre infini. Les Egyptiens ne reconnoiffoient proprement pour Dieux qu'Ofiris, Ifis & Orus; mais ils en multiplierent les noms, & fe trouverent engagés par-là à en multiplier les fictions hiftoriques. De-là vinrent douze Dieux principaux. Jupiter, Neptune, Mars, Mercure, Vulcain Apollon, Junon, Vesta, Cérès, Vénus, Diane & Minerve, fix mâles & fix femelles. Ces douze feuls, regardés comme grands Dieux, étoient repréfentés en ftatues d'or. Dans la fuite on en imagina d'autres, auxquels on donna le nom de demi-Dieux, qui n'étoient pas connus du temps d'Hérodore, ou du moins dont il ne fait pas mention fous ce titre. Leurs figures étoient fculptées en bois, ou en pierre, ou en terre. Le même Hérodote dit (a) que les Egyptiens impoferent les premiers ces douze noms, & que les Grecs les reçurent d'eux.

Les premiers des Grecs qui pafferent en Egypte,

(a) In Euterp. c, 50.

1. Partie.

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font, fuivant Diodore de Sicile, Orphée, Mufée, Mélampe, & les autres dont nous avons parlé dans le Livre précédent. Ils y puiferent les principes de la Philofophie & des autres fciences, & les tranfporterent dans leur pays, où ils les enfeignerent de la maniere dont ils les avoient apprifes; c'eft-à-dire, fous le voile des allégories & des fables. Orphée y trouva le fujet de fes Hymnes fur les Dieux, & fes Orgies (a). Que ces folemnités tirent leur origine de l'Egypte, c'est un fait dont conviennent également les Mythologues & les Antiquaires, & qu'on n'a pas befoin de prouver. Ce Poëte introduifit dans le culte de Denys les mêmes cérémonies qu'on obfervoit dans le culte d'Ofiris. Celles de Cérès fe rapportoient à celles d'Ifis. Il fit mention le premier des peines des impies, des Champs-Elysées, & fit naître l'ufage des ftatues. Il feignit que Mercure étoit destiné à conduire les ames des défunts; & devint l'imitateur des Egyptiens dans une infinité d'autres fictions.

Lorfque les Grecs virent que Pfamméticus protégeoit les étrangers, & qu'ils pourroient voyager en Egypte fans rifque de leur vie ou de leur liberté, ils y aborderent en affez grand nombre, les uns pour fatisfaire leur curiofité fur les merveilles qu'ils avoient apprifes de ce pays-là, les autres pour s'inftruire. Orphée, Mufée, Linus, Mélampe & Homere y pafferent fucceffivement. Ces cinq, avec Héfiode, furent les propagateurs des Fables dans la Grece, par les Poëmes pleins

(a) M. l'Abbé Banier, Myth. T. II.

P. 273.

des fictions qu'ils y répandirent. Sans doute que ces grands hommes n'auroient pas adopté & répandu de fang froid tant d'abfurdités apparentes, s'ils n'avoient au moins foupçonné un fens caché, raisonnable, & un objet réel enveloppé dans ces tenebres. Auroient-ils, par dérifion & malicieusement, voulu tromper les Peuples? & s'ils penfoient férieufement que ces personnages étoient des Dieux, qu'ils devoient représenter comme des modeles de perfection & de conduite, leur auroient-ils attribué des adulteres, des inceftes, des parricides, & tant d'autres crimes de toute efpece? Le ton fur lequel Homere en parle fuffit pour donner à entendre quelles étoient fes idées à cet égard. Il eft donc bien plus probable qu'ils ne préfentoient ces fictions que comme des fymboles & des allégories, qu'ils voulurent rendre plus fenfibles en perfonnifiant & déifiant les effets de la Nature. Ils affignerent en conféquence un office particulier à chacun de ces perfonnages déifié, réfervant feulement l'Empire univerfel de l'Univers à un feul & unique vrai Dieu. Orphée s'explique affez clairement là-deffus, en difant que tous ne font qu'une même chofe comprise fous divers noms. Car tels font fes termes : « Le Meflager interprete Cyllenien eft à tous. Les Nymphes font l'eau; Cérès » les grains; Vulcain eft le feu; Neptune la » mer; Mars la guerre; Vénus la paix; Thémis » la justice; Apollon, dardant fes fleches, eft le » même que le Soleil rayonnant, foit que cet Apollon foit regardé comme agiffant de loin » ou de près, foit comme Devin, Augure, ou

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