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» comme le Dieu d'Epidaure, qui guérit les ma ladies. Toutes ces chofes ne font qu'une, quoiqu'elles aient plafieurs noms.» Hermé fianax dit que Pluton, Perfephone, Cérès, Vé nus & les Amours, les Tritons, Nérée, Thétis, Neptune, Mercure, Junon, Vulcain, Jupiter, Pan, Diane & Phébus ne font que le même Dieu.

Tous les offices de la Nature devinrent donc des Dieux entre leurs mains; mais des Dieux foumis à un feul Dieu fuprême, fuivant ce qu'ils en avoient appris en Egypte. Ces différens attri buts de la Nature regardoient cependant des effets particuliers, ignorés du Peuple, & connus feulement des Philofophes.

Si quelques-unes de ces fictions eurent l'Univers en général pour objet, on ne fauroit nier que le plus grand nombre n'ait eu une appli cation particuliere; & plufieurs d'entr'elles font fi fpécialement déterminées, qu'on ne fauroit s'y méprendre. 11 fuffit de paffer les principales en revue, pour mettre en état de porter fon jugement fur les autres. Je parlerai donc en premier lieu de l'expédition de la Toifon d'or: des pommes d'or du jardin des Hefpérides, & quelques autres qui manifestent plus clairement que l'inten tion des Auteurs de ces fictions étoit d'y envelopper les myfteres de l'Art Hermétique.

Orphée eft le premier qui ait fait mention de l'expédition de la Toifon d'or, fi l'on veut admertre les ouvrages d'Orphée comme appartenant à ce premier des Poëtes Grecs; mais je n'entre pas dans cette difcuffion des Savans: que

ces ouvrages foient vrais ou fuppofés, peu m'importe; il me fuffit qu'ils foient partis d'une plume très-ancienne, favante, & au fait des myfteres des Egyptiens & des Grecs. S. Juftin en fon Parenet; Lactance, & S. Clément d'Alexandrie, dans fon Difcours aux Gentils, parlent d'Orphée fur ce ton-là.

Ce Poëte a donné à cette fiction un air d'hiftoire qui l'a fait regarder comme telle par nos Mythologues modernes mêmes, malgré l'impoffibilité où ils fe trouvent d'en ajuster les circonftances. Ils ont mieux aimé y échouer, que d'y voir le fens caché & mystérieux qu'elle préfente, & que l'Auteur même a manifefté affez vifiblement en citant, dans le cours de cette fiction, quelques autres de fes ouvrages; favoir, un Traité des petites pierres, & un autre de l'antre de Mercure comme fource de tous les biens. Il est aifé de voir de quel Mercure il entend. par ler, puifqu'il le préfente comme faifant partie de l'objet que fe propofoit Jafon dans la conquête de la Toifon d'or,

CHAPITRE

PREMIER.

Hiftoire de la conquête de la Toifon d'or. I Ly a peu d'Auteurs anciens qui ne parlent de

cette fameule conquête. Elle a exercé l'efprit de nos Savans, qui ont fait beaucoup de differtations fur ce fujet; & M. l'Abbé Banier, qui

en a inféré plufieurs dans les Mémoires de l'Académie des Belles-Lettres, regarde ce fait comme fi conftant, qu'on ne peut, dit-il (a), le détacher de l'hiftoire ancienne de la Grece, fans renverfer presque toutes les généalogies de ce temps-là. Nous avons un Poëme là-deffus fous le nom d'Orphée; mais Voffius prétend que ce Poëte n'en eft pas l'Auteur, & que ce Poëme n'eft pas plus ancien que Pififtrate (b). On l'attribue à Onomacrite, & l'on dit qu'il fut com-pofé vers la 55. Olympiade.. Il pourroit bien fe faire que cet Onomacrite n'en fût pas l'Auteur mais feulement le reftaurateur, où qu'il en eût recueilli tous les fragmens difperfés, comme Ariftarque ceux d'Homere. Apollonius de Rhodes en compofa un fur la même matiere vers le temps des premiers Prolomées. Pindare en fait un affez long détail dans la quatrieme Olympique, & dans la troifieme Ifthmique; beaucoup d'autres Poëtes font de fréquentes allufions à cette conquête. Mais ce qui prouve l'antiquité de cette fable, c'eft qu'Homere en dit deux mots dans le douzieme Livre de l'Odyflée. M. l'Abbé Banier trouve une erreur dans cet endroit de ce dernier Poëte, & dit qu'il fait parler Circé de certaines roches errantes comme fituées fur le détroit qui fépare la Sicile de l'Italie, & qu'elles font en effet à l'entrée du Pont-Euxin. Pour ajufter cette expédition aux idées de M. l'Abbé Banier, ces

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(4) Mytholog. T. III. P. 198.

(b) Quæ verò nunc Orphei nomen ferunt, non

de

funt antiquiora Pifistrati temporibus. Voffius Poëtis Græcis & Latinis,

cap. 9.

roches ne fauroient à la vérité fe trouver au lieu marqué dans Homere; mais j'aurois cru qu'il étoit plus à propos de chercher les moyens d'accorder M. l'abbé Banier avec Homere, que d'accufer ce Poëte d'erreur, pour éluder les difficultés que cet endroit faifoit naître. Il est aifé de se tirer d'embarras quand on a recours à de femblables reffources. Homere avoit fans doute fes raisons pour placer là ces roches errantes; car la plupart des erreurs que l'on trouve dans ce Poëte, & dans les autres inventeurs des fables, femblent y être mises avec affectation, comme pour indiquer à la postérité que ce font des fictions pures qu'ils débitent, & non de véritables hiftoires. Les lieux que l'on fait parcourir aux Argonautes, les endroits où on les fait aborder font fi éloignés de la route qu'ils auroient dû & pu tenir ; il y a même une impoffibilité fi manifefte qu'ils aient tenu celle dont Orphée parle, qu'on voit clairement que l'intention de ce Poëte n'étoit que de raconter une fable.

Les difficultés qui fe préfentent en foule à un Mythologue qui veut trouver une véritable hiftoite dans cette fiction, n'ont pas rebuté la plupart des Savans. Euftathe (a) parmi les Anciens, l'a regardé comme une expédition militaire, laquelle, outre l'objet de la Toifon d'or, c'eftà-dire, felon lui, le recouvrement des biens que Phryxus avoit emportés dans la Colchide, avoit encore d'autres motifs, comme celui de trafiquer fur les côtes du Pont-Euxin, & d'y établir quel

(a) Sur le vers 686 de Denys Perigete.

ques colonies pour en affurer le commerce. Ceux qui ont voulu ramener la plupart des Fables anciennes à l'Hiftoire fainte,(comme le P. Thomaffin & M. Huet, fe font imaginés y voir l'hiftoire d'Abraham, d'Agar & de Sara, de Moyfe & de Jofué. En fuivant de pareilles idées, il n'eft point de fables, fi palpablement fables qu'elles foient, qu'on ne puiffey faire venir.

Euftathe, pour accréditer fon fentiment, dit qu'il y avoit un nombre de vaiffeaux réunis en une flotte, dont la Navire Argo en étoit comme l'Amiral; mais que les Poëtes n'ont parlé que d'un feul vaiffeau, & n'ont nommé que les feuls chefs de cette expédition. Je ne pense pas qu'on en croie cet Auteur fur fa parole, puifqu'il n'en a d'autre garant que la raifon de convenance, qui exigeoit que les chofes fuffent ainfi pour que fon fentiment pût fe foutenir. M. l'Abbé Banier, qui fuit affez bien Eutathe dans ce genre de preuves, décide hardiment que cette expédition n'est point le mystere du grand œuvre. A-t-il pro noncé avec connoiffance de caufe? avoit-il lu les Philofophes? avoit-il même du grand œuvre l'idée qu'il faut en avoir ? Je répondrois bien qu'il n'en connoiffoit que le nom, mais nullement les principes.

Pour donner une idée jufte de cette fiction, il faudroit prendre la chofe dès fon origine, expliquer comment cette prétendue Toifon d'or fut portée dans la Colchide, & faire toute l'histoire d'Athamas, d'Ino, de Nephelé, d'Hellé & de Phryxus, de Léarque & de Mélicerte; mais

me nous aurons occafion d'en parler dans le

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