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dit (a) auffi qu'on ne peut venir à bout du Dragon Philofophique qu'en ie baignant dans l'eau. C'est cette eau limpide que Médée donna à Jason.

Mais ce n'eft pas allez d'avoir tué le Dragon; des Taureaux fe préfentent auffi en vomiffant du feu; il faut les domptet par le même moyen, & les mettre fous le joug. J'ai affez expliqué dans le chapitre d'Apis ce qu'on doit entendre par les Taureaux c'est à-dire, la véritable matiere primordiale de l'œuvre; c'eft avec ces animaux qu'il faut labourer le champ Philofophique, & y jeter la femence préparée qui y convient. Jafon ufa du même ftratagême pour venir à bout du Dragon & des Taureaux, mais le principal moyen qu'il employa fut de fe munir de la médaille du Soleil & de la Lune. Avec ce pantacule, on eft fûr de réutlit. C'eft dans les opérations précédentes qu'on le trouve ; & il n'eft rien dont les Philofophes faffent plus de mention que de ces deux luminaires.

A peine les dents du Dragon font-elles en terre, qu'il en fort des hommes armés qui s'entretuent. C'eft-à-dire, qu'auffi-tôt que la femence aurifique eft mife fur fa terre, les natures fixes & volatiles agilent l'une fur l'autre; il fe fait une fermentation occafionnée par la matiere fixée en pierre; le combat s'engage; les vapeurs montent & defcendent, jufqu'à ce que tout fe préci

primitur ex puriffimis ejus partibus; quod protinus in ovum Philofophorum pofitum tandiu ab igne variatur, dum varii colores ceffent in

candore fixo ; & tandem purpureo diademate infans coronetur.

(a) Can. 50.

pite, & qu'il en résulte une fubftance fixe & permanente, dont la poffeffion procure celle de la Toifon d'or. Virgile parle de ces Taureaux (a)

en ces termes :

Hac loca non Tauri fpirantes naribus ignem
Invertere, fatis immanis dentibus hydri,
Nec galeis, denfifque virum, feges horruit haftis.

Les uns difent que cette Toifon étoit blanche; les autres de couleur de pourpre; mais la Fable nous apprend qu'elle avoit été dorée par Mercure, avant qu'elle fût fufpendue dans la forêt de Mars. Elle avoit par conféquent paffé de la couleur blanche à la jaune, puis à la couleur de rouille, & enfin à la couleur de pourpre. Mercure l'avoit dorée, puifque la couleur citrine qui fe trouve intermédiaire entre la blanche & la rouillée, eft un effet du mercure.

Il eft à propos de faire remarquer avec Apollonius (b), que Médée & Ariadne, l'une & l'autre petites-filles du Soleil, fourniffent à Théfée & à Jafon les moyens de vaincre les monftres contre lefquels ils veulent combattre. La reffemblance qui fe trouve entre les expéditions de ces deux Princes, prouve bien que ces deux fictions furent imaginées en vue du même objet. Ils s'embarquent tous deux avec quelques compagnons; Théfée arrivé trouve un monftre à combattre, le Minota ire; Jafon a aufli des

(a) Georg 2.

(b) Argonaut. 1. 3. v. 996.

Taureaux à vaincre. Théfée, pour parvenir au Minotaure, eft obligé de paller par tous les détours d'un labyrinthe toujours en danger d'y périr; Jafon a une route à faire non moins difficile, à travers des écueils & des ennemis. Ariadne fe prend d'amour pour Théfée, & contre les intérêts de fon propte pere, fournit à fon amant les moyens de fortir victorieux des dangers auxquels il doit s'expofer; Médée fe trouve dans le même cas; & dans une femblable circonstance, elle procure à Jafon tout ce qu'il lui faut pour vaincre; Ariadne quitte fon pere, fa patrie, & s'enfuit avec Théfée, qui l'abandonne enfuite dans l'Ile de Naxo, pour époufer Phédre, dont il eut Hippolyte & Démophoon, après avoir eu, felon quelques Auteurs, Enopion & Staphilus d'Ariadne. Médée fe fauve auffi avec Jafon, qui en ayant eu deux enfans, la laila pour prendre Créufe. Les enfans des uns & des autres péritent miférablement comme leurs meres; Théfée mou rut précipité du haut d'un rocher dans la mer; Jafon périt fous les ruines de la Navire Argo. Médée abandonnée de Jafon époufa Egée, Ariadne Bacchus. I eft enfin vifible que ces deux fictions ne font qu'une même chofe expliquée par des allégories, dont on a voulu varier les circonftances pour en faire deux différentes hiftoires. Si les Mythologues vouloient fe donner la peine de réfléchir fur cette reflemblance, pourroientils s'empêcher d'ouvrir les yeux fur leur erreur; & fe donneroient-ils tant de peines pour rappor ter à l'hiftoire, ce qui n'eft palpablement qu'une fiction toute pure? Ce ne font pas les deux feules

fables qui aient un rapport immédiat; celle de Cadmus ne reffemble pas moins à celle de Jafon. Même Dragon qu'il faut faire périr, mêmes dents qu'il faut femer, mêmes hommes armés qui en naiffent & s'entretuent: là eft un Taureau que Cadmus fuit; ici des Taureaux que Jason combat. Si l'on vouloit enfin rapprocher toutes les Fables anciennes, on verroit fans peine que j'ai raifon de les réduire toutes à un même principe, parce qu'elles n'ont réellement qu'un même objet.

Retour des Argonautes.

Les Auteurs font encore moins d'accord fur la route que les Argonautes tinrent pour retourner en Grece, qu'ils le font fur les autres circonftances de cette expédition; auffi n'eft-ce pas à de fimples Hiftoriens, ou à des Poëtes qui ne font pas au fait de la Philofophie Hermétique, à décrire ce qui fe paffe dans le progrès des opérations de cet Art.

Hérodote (a) n'en fait pas un affez long détail, pour que M. l'Abbé Banier puiffe dire (6) avec raifon que cet Hiftorien fournit feul de quoi rectifier la relation des autres; on pourroit feulement conjecturer de ce qu'il en dit ? que les Argonautes fuivirent en s'en retournant à peu près la même route qu'ils avoient tenue en allant. Hécatée de Millet veut que du fleuve Phafis ces Héros foient paffés dans l'Océan, de là dans le Nil, enfuite dans la mer de Tyrrhene, ou Mé(5) T. III. p. 242.

(a) L. 4.

diterranée, & enfin dans leur pays. Arthémidore d'Ephefe réfute cet Auteur, & apporte pour preuve que le Phafis ne communique point à l'Océan. Timagete, Timée & plufieurs autres foutiennent que les Argonautes ont paffé par tous les endroits cités par Orphée, Apollonius de Rhodes, &c. parce qu'ils prétendent que de leur temps on trouvoit encore dans ces lieux des monumens qui atteftoient ce påflage. Comme fi de tels monumens, imaginés fans doute fur les relations mêmes, ou cités par ces Poëtes, parce qu'ils venoient à propos aux circonftances qu'ils inféroient dans leurs fictions, pouvoient rendre poffible ce qui ne l'eft

pas.

Orphée fait parcourir aux Argonautes les côtes Orientales de l'Afie, traverser le Bofphore Cimmérien, les Palus Méotides, puis un détroit qui n'exifta jamais, par lequel ils entrerent après neuf jours dans l'Océan feptentrional; de là ils arriverent à l'Ifle Peucefte, connue du Pilote Ancée; puis à celle de Circé, enfuite aux colonnes d'Hercule, rentrerent dans la Méditerranée, côtoyerent la Sicile, éviterent Scylia & Carybde, par le fecours de Thétis, qui s'intéreffoit pour la vie de Pélée fon époux, aborderent au pays des Phéaciens, après avoir été fauvés des Syrenes par l'é loquence d'Orphée; au fortir de là ils furent jetés fur les Syrtes d'Afrique, defquels un Triton les garantit moyennant un trépied. Enfin ils gagnerent le cap Malée, & puis la Theffalie.

Il femble qu'Orphée ait voulu déclarer ouvertement que fa relation étoit abfolument feinte, par le peu de vraisemblance qu'il y a mis; mais

Apollonius

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