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que les opérations de la Nature. Mais quoique, tracée par cette même Nature, elle est peu fréquentée; & ceux mêmes qui y paffent fe font un devoir jaloux de cacher leurs traces avec des ronces & des épines. On n'y marche qu'à travers Fobfcurité des fables & des énigmes ; il est trèsdifficile de ne pas s'égarer, fi un Ange tutélaire ne porte le flambeau devant nous.

Il faut donc connoître la Nature avant que de se mettre en devoir de l'imiter, & d'entreprendre de perfectionner ce qu'elle a laiffé dans le chemin de la perfection. L'étude de la Physique nous donne cette connoiffance; non de cette Phyfique des Ecoles, qui n'apprend que la fpéculation, & qui ne meuble la mémoire que de termes plus obfcurs, & moins intelligibles. la que chofe même que l'on veut expliquer. Phyfique, qui prétendant nous définir clairement un corps, nous dit que c'est un compofé de points ou de parties; de points qui menés d'un endroit à un autre formeront des lignes; ces lignes rapprochées, une furface; de-là l'étendue & les autres dimenfions. De la réunion des parties réfultera un corps, & de leur défunion, la divifibilité à l'infini, ou, fi l'on veut, à l'indéfini. Enfin, tant d'autres raifonnemens de cette efpece, peu capables de fatisfaire un efprit curieux de parvenir à une connoiffance palpable & pratique des individus qui compofent ce vafte Univers. C'eft à la Phyfique Chymique qu'il faut avoir recours. Elle est une science pratique, fondée fur une théorie, dont l'expérience prouve la vérité. Mais cette expérience eft malheureufement i rare, que

bien des gens en prennent occafion de douter de fon existence.

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En vain des Auteurs, gens d'efprit, de génie, & très-favans dans d'autres parties, ont-ils voulu inventer des fyftêmes, pour nous repréfenter, par une defcription fleurie, la formation & la naiffance du monde L'un s'eft embarraffé dans des tourbillons, dont le mouvement trop rapide l'a emporté il s'eft perdu avec eux. Sa premiere matiere, divifée en matiere fubtile, rameufe & globuleufe, ne nous a laiffé qu'une vaine matiere à raifonnemens fubtils, fans nous apprendre ce que l'effence des corps. c'eft que Un autre, non moins ingénieux, s'eft avifé de foumettre tout au calcul, & a imaginé une attraction réciproque, qui pourroit tout au plus nous aider à rendre raifon du mouvement actuel des corps, fans nous donner aucune lumiere fur les principes dont ils font compofés. Il fentoit très-bien que c'étoit faire revivre, fous un nouveau nom, les qualités occultes des Péripatéticiens, bannies de l'école depuis long-temps; auffi n'a-t-il débité fon attraction que comme une conjecture, que fes fectateurs fe font fait un devoir de foutenir comme une chose réelle.

La tête du troisieme, frappée du même coup dont fa prétendue comete heurta le Soleil, a laiffé prendre à fes idées des routes auffi peu régulieres que celles qu'il fixe aux planetes formées, felon lui, des parties féparées par ce choc du corps igné de l'Aftre qui préfide au jour.

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Les imaginations d'un Telliamed, & celles

d'autres Ecrivains femblables font des rêveries qui ne méritent que du mépris ou de l'indignation. Tous ceux enfin qui ont voulu s'écarter de ce que Moyfe nous a laiffé dans la Genese, se font perdus dans leurs vains raifonnemens.

Qu'on ne nous dise pas que Moyfe n'a voulu faire que des Chrétiens, & non des Philofophes. Inftruit par la révélation de l'Auteur même de la Nature; verfé d'ailleurs très-parfaitement dans toutes les fciences des Egyptiens, les plus inftruits & les plus éclairés dans toutes celles que nous cultivons, qui, mieux que lui, étoit en état de nous apprendre quelque chofe de certain fur l'hiftoire de l'Univers?

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Son fyftême, il eft vrai, eft très-propre à faire des Chrétiens; mais cette qualité, qui manque à la plupart des autres, eft elle donc incompatible avec la vérité? Tout y annonce la grandeur, la toute-puiffance, & la fageffe du Créateur; mais tout en même temps y manifeste à nos yeux la créature telle qu'elle eft. Dieu parla, & tout fut fait, dixit, & facta funt (a). C'étoit affez pour des Chrétiens, mais ce n'étoit pas affez pour des Philofophes. Moyfe ajoute d'où ce monde a été tiré; quel ordre il a plu à l'Etre fuprême de mettre dans la formation de chaque regne de la Nature. Il fait plus : il déclare pofitivement quel eft le principe de tout ce qui exifte, & ce qui donne la vie & le mouvement à chaque individu. Pouvoit-il en dire davantage en fi peu de paroles? Exigeroit-on de lui qu'il eût décrit l'anatomie de toutes les parties de ces (a) Gen, I.

individus ?

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individus? & quand il l'auroit fait, s'en feroiton mieux rapporté à lui? On veut examiner on le veut, parce qu'on doute: on doute par ignorance; & fur un tel fondement, quel fyftême peut-on élever, qui ne tombe bientôt en ruine?

Le Sage ne pouvoit mieux défigner cette efpece d'Architectes, ces fabricateurs de fyftêmes, qu'en difant que Dieu a livré l'Univers à leurs vains raisonnemens (a). Difons mieux: il n'est perfonne verfé dans la fcience de la Nature, qui ne reconnoiffe Moyfe pour un homme infpiré de Dieu, pour un grand Philofophe, & un vrai Phyficien. Il a décrit la création du monde & de l'homme avec autant de vérité, que s'il y avoit affifté en perfonne. Mais avouons en même temps que fes écrits font fi fublimes, qu'ils ne font pas à la portée de tout le monde; & que ceux qui le combattent, ne le font que parce qu'ils ne l'entendent pas, que les ténebres de leur ignorance les aveuglent, & que leurs fyftêmes ne font que des délires mal combinés d'une tête bouffie de vanité, & malade de trop de préfomption.

Rien de plus fimple que la Phyfique. Son objet, quoique très-compofé aux yeux des ignorans, n'a qu'un feul principe, mais divifé en parties les unes plus fubtiles que les autres. Les différentes proportions employées dans le mélange, la réunion & les combinaifons des parties plus fubtiles avec celles qui le font moins, forment

(a) Ecclef. c. 3. V. II.

1. Partie.

D

tous les individus de la Nature. Et comme ces combinaifons font prefque infinies, le nombre des mixtes l'eft auffi.

Dieu est un Etre éternel, une unité infinie, principe radical de tout fon effence est une immenfe lumiere, fa puiffance une toute- puiffance, fon defir un bien parfait, fa volonté abfolue un ouvrage accompli. A qui voudroit en favoir davantage, il ne refte que l'étonnement, l'admiration, le filence, & un abyme impénérable de gloire.

Avant la création il étoit comme replié en lui-même & fe fuffifoit. Dans la création il accoucha, pour ainsi dire, & mit au jour ce grand ouvrage qu'il avoit conçu de toute éternité. 11 fe développa par une extenfion manifefte de luimême, & rendit actuellement matériel ce monde idéal, comme s'il eût voulu rendre palpable l'image de fa Divinité. C'eft ce qu'Hermès a voulu nous faire entendre lorfqu'il dit que Dieu changea de forme; qu'alors le monde fut manifefté & changé en lumiere (a). Il paroît vraifemblable que les Anciens entendoient quelque chofe d'approchant, par la naiffance de Pallas, fortie du cerveau de Jupiter avec le fecours de Vulcalá ou de la lumiere.

Non moins fage dans fes combinaisons que puiffant dans fes opérations, le Créateur a mis un fi bel ordre dans la maffe organique de l'Univers, que les chofes fupérieures font mêlées fans confufion avec les inférieures, & devien

(a) Pymand. c. 1.

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