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nent femblables par une certaine anologie. Les extrêmes fe trouvent liés très-étroitement par un milieu infenfible, ou un noeud fecret de cet adorable ouvrier, de maniere que tout obéit de concert à la direction du Modérateur fuprême, fans que le lien des différentes parties puiffe être rompu que par celui qui en a fait l'affemblage. Hermès avoit donc raifon de dire (a) que ce qui eft en bas eft femblable à ce qui eft en haut, pour parfaire toutes les chofes admirables que nous voyons.

De la premiere matiere.

Quelques Philofophes ont fuppofé une matiere préexiftante aux élémens; mais comme ils ne la connoiffoient pas, ils n'en ont parlé que d'une maniere obfcure & très-embrouillée. Ariftote, qui paroît avoir cru le monde éternel, parle cependant d'une premiere matiere univerfelle, fans ofer néanmoins s'engager dans les détours ténébreux des idées qu'il en avoit. Il ne s'eft exprimé à cet égard que d'une maniere fort ambigue. Il la regardoit comme le principe de toutes les chofes fenfibles, & femble vouloir infinuer que les élémens fe font formés par une espece d'antipathie ou de répugnance qui fe trouvoit entre les parties de cette matiere (b). Il eût mieux philofophé s'il n'y avoit vu qu'une fympathie & un accord parfait; puifqu'on ne voit aucune con

(a) Tab. Smarag.

(b) De ortu & interitu, 1. 2. c. 1. & 2.

trariété dans les élémens mêmes, quoiqu'on penfe ordinairement que le feu eft oppofé à l'eau. On ne s'y tromperoit pas, fi l'on faifoit atten tion que cette oppofition prétendue ne vient que de l'intention de leurs qualités, & de la différence de fubtilité de leurs parties, puifqu'il n'y a point d'eau fans feu.

Thalès, Héraclite, Héfiode ont regardé l'eau comme la premiere matiere des chofes. Moyfe paroît dans la Genese (a) favorifer ce fentiment, en donnant les noms d'abyme & d'eau à cette premiere matiere; non qu'il entendît l'eau, élément que nous buvons, mais une efpece de fuinée, une vapeur humide, épaiffe & ténébreuse, qui fe condenfe dans la fuite plus ou moins felon les chofes plus ou moins compactes qu'il a plu au Créateur d'en former. Ce brouillard, cette vapeur immenfe fe concentra, s'épaiffit, ou fe raréfia en une eau univerfelle & chaotique, qui devint par-là le principe de tout pour le préfent & pour la fuite (b).

Dans fon commencement, cette eau étoit volatile, telle qu'un brouillard; la condensation en fit une matiere plus ou moins fixe. Mais quelle que puille être cette matiere, premier principe des chofes, elle fut créée dans des ténèbres trop épaiffes & trop obfcures, pour que l'efprit humain puiffe y voir clairement. L'Auteur feul de la Nature la connoît, & en vain les Théologiens & les Philofophes voudroient-ils déterminer ce qu'elle étoit.

(a) C. I.

(b) Cofmop. Tra&. 4.

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Il eft cependant très-vraisemblable que cet abyme ténébreux, ce chaos étoit une matiere aqueule ou humide, comme plus propre & plus difpofée à être atténuée, raréfiée, condensée, & fervir par ces qualités à la conftruction des Cieux & de la Terre.

L'Ecriture Sainte nomme cette maffe informe tantôt terre vuide, & tantôt eau, quoiqu'elle ne fût actuellement ni l'une ni l'autre, mais feulement en puiffance. Il feroit donc permis de conjecturer qu'elle pouvoit être à peu près comme une fumée, ou une vapeur épaiffe & ténébreufe, ftupide & fans mouvement, engourdie par une efpece de froid, & fans action; jufqu'à ce que la même parole qui créa cette vapeur, y infufa un efprit vivifiant, qui devint comme visible & palpable par les effets qu'il y produifit.

La féparation des eaux. fupérieures d'avec les inférieures, dont il eft fait mention dans la Genese, semble s'être faite par une efpece de fublimation des parties les plus fubtiles, & les plus ténues, d'avec celles qui l'étoient moins, à peu près comme dans une diftillation où les efprits montent & se féparent des parties les plus pefantes, plus terreftres, & occupent le haut du vafe, pendant que les plus groffieres demeurent au fond.

Cette opération ne put fe faire que par le fecours de cet efprit lumineux qui fut infufé dans cette maffe. Car la lumiere eft un efprit igné, qui, en agiffant fur cette vapeur, & dans elle, rendit quelques parties plus pefantes en les condenfant, & devenues opaques par leur adhésion

plus étroite; cet efprit les chaffa vers la région inférieure, où elles confervent les tenebres dans lefquelles elles étoient premierement enfevelies. Les parties plus ténues, & devenues homogenes de plus en plus par l'uniformité de leur ténuité & de leur pureté, furent élevées & pouffées vers la région fupérieure, où moins condenfées elles. laifferent un paffage plus libre à la lumiere qui s'y manifefta dans toute fa fplendeur.

Ce qui prouve que l'abyme ténébreux, le chaos, ou la premiere matiere du monde, étoit une maffe aqueufe & humide, c'est qu'outre les raifons que nous avons rapportées, nous en avons une preuve affez palpable fous nos yeux. Le propre de l'eau eft de couler, de fluer tant que la chaleur l'anime & l'entretient dans fon état de fluidité. La continuité des corps, l'adhésion de leurs parries eft due à l'humeur aqueufe. Elle est comme la colle ou la foudure qui réunit & lie les parties élémentaires des corps. Tant qu'elle n'en eft point féparée entierement, ils confervent la folidité de leur maffe. Mais fi le feu vient à échauffer ces corps au delà du degré néceffaire pour leur confervation dans leur maniere d'être actuelle, il chaffe, raréfie cette humeur, la fair évaporer, & le corps fe réduit en fe réduit en poudre, parce que le lien qui en réuniffoit les parties n'y eft plus. La chaleur eft le moyen & l'inftrument que le feu emploie dans fes opérations; il produir même par fon, moyen deux effets qui paroiffent oppofés, mais qui font très-conformes aux loix de la Nature, & qui nous repréfentent ce qui s'eft paffé dans le débrouillement du chaos. Eu

féparant la partie la plus ténue & la plus humide de la plus terreftre, la chaleur raréfie la premiere, & condenfe la feconde. Ainfi par là féparation des hétérogenes fe fait la réunion des homogenes.

Nous ne voyons en effet dans le monde qu'une eau plus ou moins condenfée. Entre le Ciel & la Terre, tout eft fumée, brouillards, vapeurs pouffés du centre & de l'intérieur de la terre, & élevée au deffus de fa circonférence dans la partie que nous appelons air. La foibleffe des organes de nos fens ne nous permet pas de voir les vapeurs fubtiles ou émanations des corps céleftes, que nous nommons influences, & fe mêlent avec les vapeurs qui fe fubliment des corps fublunaires. Il faut que les yeux de l'efprit viennent au fecours de la foibleffe des yeux du corps.

Én tout temps les corps tranfpirent une vapeur fubtile, qui fe manifefte plus clairement en Eté. L'air échauffé fublime les eaux en vapeurs, les pompe, les attire à lui. Lorfqu'après une pluie les rayons du Soleil dardent fur la terre, on la voit fumer & s'exaler en vapeurs. Ces vapeurs voltigent dans l'air en forme de brouillards, lorfqu'elles ne s'élevent pas beaucoup au deffus de la fuperficie de la terre: mais quand elles montent jufqu'à la moyenne région, on les voit courir ça & là fous la forme de nuées. Alors elles fe réfolvent en pluie, en neige, en grêle, &c. & tombent pour retourner à leur origine.

L'ouvrier le fent à fa grande incommodité quand il travaille avec action. L'homme oifif

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