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circonftances de l'œuvre. Ce qui contribue à confirmer l'idée de contradiction que l'on y remar que, c'est que la defcription des opérations eft fouvent la même dans l'un & dans l'autre ; mais ils ont encore raifon en cela, puifque Morien, l'un d'entr'eux, nous affure avec beaucoup d'autres Philosophes, que le fecond œuvre, qu'il appelle difpofition, eft tout femblable au premier quant aux opérations.

On doit juger des fables de la même façon. Les travaux d'Hercule pris féparément, ne font pas allufion à tous les travaux de l'œuvre; mais la conquête de la Toifon d'or le renferme dans fon entier. C'est pourquoi l'on voit reparoître plufieurs fois dans cette derniere falien des faits différens en eux-mêmes quant aux lieux & aux actions, mais qui, pris dans le fens allégorique, ne fignifient que la même chose. Les lieux par lefquels il étoit tout naturel que les Argonau. tes paffaffent pour retourner dans leur pays, n'étant plus propres à exprimer ce qu'Orphée avoit en vue, il en a feint d'autres qui n'ont jamais exifté, ou a feint qu'ils avoient paflé par des lieux connus, mais qu'il leur étoit impoffible de trouver fur leur route. Cette remarque a lieu pour les autres, comme nous le verrons dans la fuite. La propriété que Midas avoit reçu de Bacchus de changer en or tout ce qu'il touchoit, n'eft qu'une allégorie de la projection on tranfmutation des métaux en or. L'art nous fournit tous les jours dans le regne végetal des exemples de tranfmutation, qui prouve la poffibilité de celle des métaux. Ne voyons nous pas qu'un petit ail pris

fur un arbre franc, & enté fur un fauvageon, porte des fruits de la même efpece que ceux de l'arbre d'où l'oeil a été tiré ? Pourquoi l'art ne réaffiroit-il pas dans le regne minéral en fourniffant auffi l'œil métallique au fauvageon de la Nature, & en travaillant avec elle? La Nature emploie un an entier pour faire produire à un pommier des feuilles, des fleurs & des fruits. Mais fi au commencement de Décembre, avant les gélées, on coupe d'un pommier une petite branche à fruit, & que l'ayant mife dans de l'eau. dans une étuve, on la verra dans peu de jours poufler des feuilles & des fleurs. Que font les Philofophes? ils prennent une branche de leur pommier Hermétique; ils la mettent dans leur eau, & dans un lieu modérément chaud; elle leur donne des fleurs & des fruits dans fon temps. La Nature aidée de l'art abrége donc la durée de fes opérations ordinaires. Chaque regne a fes procédés; mais ceux que la Nature met en ufage pour l'un juftifient ceux de l'autre, parce qu'elle agit toujours par une voie fimple & droite; l'art doit l'imiter mais il emploie divers moyens quand il s'agit de parvenir à des buts différens.

La fable des Hefpérides eft une preuve que le Philofophe Hermétique doit confulter la Nature avant de travailler, & imiter fes procédés dans fes opérations, s'il veut, comme Hercule, réuflir à enlever les Pommes d'or. C'eft dans ce même Jardin que fut cueillie la pomme, premiere femence de la guerre de Troye. Vénus y prit auffi celles dont elle fit préfent à Hyppomene pour arrêter Atalante dans fa courfe. Nous expli

quetons cette derniere fable dans le Chapitre fuivant; & nous réfervons l'autre pour le fixieme Livre.

CHAPITRE III.

Hiftoire d'Atalante.

LA fable d'Atalante eft tellement liée avec celle du Jardin des Hefpérides, qu'elle en dépend abfolument, puifque Vénus y prit les Pommes qu'elle donna à Hyppomene. Ovide avoit fans doute appris de quelque ancien Poëte, que Vénus avoit cueilli ces Pommes dans le champ Damaféen de l'Ile de Chypre (a). L'inventeur de cette circonfiance a fait allufion à l'effet de ces pommes, puifque le nom du champ où l'on fuppofe qu'elles croiffent, fignifie, vaincre, dompter, de apa, fubigo, domo; qualité qu'ont les Pommes d'or du Jardin Philofophique; ce qui eft pris de la nature même de la chofe, comme nous le verrons ci-après.

On a varié fur les parens de cette Héroïne, les uns la difant avec Apollodore fille de Jafus, & les autres filles de Schanée, Roi d'Arcadie. Quelques Auteurs ont même fuppofé une autre Atalante, fille de Ménalion, qu'ils difent avoir été fi légere à la courfe, qu'aucun homme, quelque vigoureux qu'il fût, ne pouvoit l'atteindre.

(a) Métam. 1. 10. Fab. II.

M. l'Abbé Banier femble la diftinguer de 'celle qui aflifta à la chaffe du Sanglier de Calydon, mais les Poëtes la font communément fille de Schanée, Roi de Schyrre. Elle étoit vierge, & d'une beauté furprenante. Elle avoit réfolu de conferver fa virginité (a), parce qu'ayant confulté l'Oracle pour favoir fi elle devoit fe marier, il lui répondit qu'elle ne devoit pas fe lier avec un époux, mais qu'elle ne pourroit cependant l'éviter. Sa beauté lui attira beaucoup d'amans; mais elles les éloignoit tous par les conditions dures qu'elle impofoit à ceux qui prétendoient à l'époufer. Elle leur propofoit de difputer avec elle à la courfe, à condition qu'ils courroient fans armes; qu'elle les fuivtoit avec un javelot, & que ceux qu'elle pourroit atteindre avant d'être arrivés au but, elles les perceroit de cette arme; mais que le premier qui y arriveroit avant elle, feroit fon époux. Plufieurs le tenterent, & y périrent. Hyppomene, arriere-petit fils du Dieu des Eaux (6), frappé lui-même de la valeur connue, de la beauté d'Atalante, ne fut point rebuté par le malheur des autres pourfuivans de cette valeureuse fille. Il invoqua Vénus, & en obtint trois pommes d'or. Muni de ce fecours, il fe préfenta pour courir avec Atalante aux mêmes conditions que les autres. Comme l'amant, fuivant la convention, paffoit devant, Hyppomene en courant laila comber adroitement ces trois pommes à quelque diftance l'une de l'autre, & Atalante s'étant amufée à les ramaffer, il eut toujours l'avance, &

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arriva le premier au but. Ce ftratâgeme l'ayant ainfi rendu vainqueur, il époufa cetre Princeffe. Comme elle aimoit beaucoup la chaffe, elle prenoit fouvent cet exercice. Un jour qu'elle s'y étoit beaucoup fatiguée, elle fe fentit atteinte d'une foif violente auprès d'un Temple d'Efculape. Elle frappa un rocher, dit la fable, & en fit faillir une fource d'eau fraîche, dont elle fe défaltéra. Mais ayant dans la fuite profané avec Hyppomene un Temple de Cybele, il fut changé en Lion, & Atalante en Lionne.

Quelqu'envie que l'on puiffe avoir de regarder cette fiction comme une hiftoire véritable, toutes les circonftances ont un air fi fabuleux, que M. l'Abbé Banier lui-même s'eft contenté de rapporter ce qu'en difent divers Auteurs, fans en faire aucune application. Ceux qui trouvent dans toutes les fables des regles pour les mœurs, réuffiffent-ils mieux en difant que celle-ci est le portrait de l'avarice & de la volupté? que cette vitelle à la courfe indique l'inconftance qui ne peut être fixée que par l'appât de l'or? & que leur métamorphofe en animaux, fait voir l'abrutiffement de ceux qui fe livrent fans modération à la volupté? Quelque peu vraisemblables que foient ces explications, combien d'autres circonftances trouve-t-on dans cette fiction qui les démentent, & qui ne fauroient s'y ajufter? Mais il n'en eft aucune qui devienne difficulté dans mon fyftême.

Atalante a Schenée pour pere, ou une plante qui croît dans les marais, de axes, juncus ; elle étoit vierge & d'une beauté furprenante, fi légere

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