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fait raisonner fur les principes du monde, fa formation & celles des êtres qui le compofent; c'eft fans doute parce que, fi l'on en croit les difciples d'Hermès, cette matiere eft la même dont tout eft fait dans le monde. C'eft un refte de cette masse premiere & informe, qui fut le principe de tout (a). C'est le plus précieux don de la Nature, & un abrégé de la quinteffence célefte. Elien (b) difoit en conféquence, que quoique Silene ne fût pas au nombre des Dieux, il étoit cependant d'une nature fupérieure à celle de l'homme. C'eft-à-dire, en bon françois, qu'on devoit le regarder comme un être auffi imaginaire que les Dieux de la fable, & que les Nymphes dont Héfiode (c) dit que tous les Satyres font fortis.

Enfin Midas fe défait du pouvoir incommode de changer tout en or, & le communique au Pactole en fe lavant dans fes eaux. C'eft précis fément ce qui arrive à la pierre des Philofophes, lorfqu'il s'agit de la multiplier. On eft alors obligé de la mettre dans l'eau mercurielle, où le Roi

(a) Antiquæ illius maffæ confufæ, feu materiæ primæ fpecimen aliquod nobis natura reliquit in aquâ ficcâ non madefaciente, quæ ex terræ vomicis, aut etiam lacubus fcaturiens, multiplici rerum femine prægnans effluit, tota calore etiam leviffimo volatilis ; ex quâ cum fuo mafculo copulatâ qui intrinfeca ele

menta eruere, & ingeniosè feparare, ac iterum conjungerenoverit, pretiofiffimum naturæ & artis arcanum imò cœleftis effentia compendium adeptum fe jacet. D'Espagnet, Ench. Phyf. reftit. Can. 49.

12.

(b) Variar. Hift. 1. 3. c.

(c) Théog.

du

pays, dit Trévisan (a), doit se baigner. Là, il dépouille fa rebe de drap de fin or. Et cette fontaine donne enfuite à fes freres cette robe, & fa chair fanguine & vermeille, pour qu'ils deviennent comme lui. Cette eau mercurielle eft véritablement une eau pactole, puifqu'elle doit fe coaguler en partie, & devenir or Philofophi

que.

CHAPITRE VI.

De l'âge d'or.

Τουτ Tour eft embarras, tout est difficulté, & tout préfente aux Mythologues un labyrinthe dont ils ne fauroient fe tirer quand il s'agit de rapporter à l'hiftoire ce que les Auteurs nous ont tranfmis fur les temps fabuleux. Il n'en eft pas un feul qui n'attribue l'âge d'or au regne de Saturne; mais quand il faut déterminer & l'endroit où ce Dieu a régné, & l'époque de ce regne, & les raifons qui ont pu engager à le faire nommer le Siecle d'or, on ne fait plus comment s'y prendre. On auroit bien plutôt fait d'avouer que toutes ces prétendues hiftoires ne font que des fictions; mais on veut y trouver de la réalité, comme s'il intéreffoit beaucoup de juftifier aujourd'hui le trop de crédulité de la plupart des Anciens. Et l'on ne fait pas attention qu'en s'é

(a) Philof, des Métaux, 4. part.

tayant de l'autorité de plufieurs d'entr'eux, que l'on tient même pour fufpects, on prouve aux Lecteurs qu'on ne mérite pas d'être cru davantage. Si l'on avoit pour garans des Auteurs contemporains, ou qui euffent du moins travaillé d'après des monumens affurés, & dont l'authenticité fût bien avérée, on pourroit les en croire; mais on convient que toutes ces hiftoires nous viennent des Poëtes, qui ont imité les fictions Egyptiennes. On fait que ces Poëtes ont prefque tout puifé dans leur imagination, & que les Hiftoriens n'ont parlé de ces temps là que d'après eux. Hérodote, le plus ancien que nous connoiffions, n'a écrit que plus de 400 ans après Homere, & celui-ci long-temps après Orphée, Lin, &c. Aucun de ceux-ci ne dit avoir vu ce qu'il rapporte, ailleurs que dans fon imagination. Leurs defcriptions mêmes font abfolument poëtiques. Celle qu'Ovide nous fait (a) du fiecle d'or, eft plutôt un portrait d'un Paradis terreftre, & de gens qui l'auroient habité, que d'un temps poftérieur au Déluge, & d'une terre fujette aux variations des faifons. On obfervoit alors, dit-il, les regles » de la bonne foi & de la juftice, fans y être » contraint par les loix. La crainte n'étoit point » le motif qui faifoit agir les hommes: on ne » connoiffoit point encore les fupplices. Dans

cet heureux fiecle, il ne falloit point graver » fur l'airain ces loix menaçantes, qui ont fervi » dans la fuite de frein à la licence. On ne

voyoit point en ce temps-là de criminels trem

(a) Meram, 1. 1. Fab. 3.

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bler en préfence de leurs Juges: la fécurité où » l'on vivoit, n'étoit pas l'effet de l'autorité que » donnent les loix. Les arbres tirés des forêts, » n'avoient point encore été tranfportés dans un » monde qui leur étoit inconnu : l'homme n'ha»bitoit que la terre où il avoit pris naiffance » & ne fe fervoit point de vaiffeaux pour s'expofer à la fureur des flots. Les villes fans murailles ni foffés étoient un afyle affuré. Les » trompettes, les cafques, l'épée étoient des cho»fes qu'on ne connoiffoit pas encore, & le foldat étoit inutile pour affurer aux citoyens une » vie douce & tranquille. La terre, fans être » déchirée par la charrue, fourniffoit toutes » fortes de fruits; & fes habitans, fatisfaits des » alimens qu'elle leur préfentoit fans être culti "vée, fe nourriffoient de fruits fauvages, ou du gland qui tomboit des chênes. Le Printems. regnoit toute l'année : les doux zéphyrs ani» moient de leur chaleur les fleurs qui naiffoient » de la terre : les moiffons fe fuccédoient fans. qu'il fût befoin de labourer ni de femer. On voyoit de toutes parts couler des ruiffeaux de lait & de nectar; & le miel fortoit en abondance du creux des chênes & des aurres ar» bres. >>

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دو

Vouloir admettre avec Ovide un temps où les hommes aient vécu de la maniere que nous yenons de le rapporter, c'eft fe repaître de chimeres, & d'êtres de raifon. Mais quoique ce Poëte l'ait dépeint tel qu'il devoit être pour un fiecle. d'or, ce portrait n'eft pas du goût de M. l'Abbé Banier. Des gens qui auroient vécu de cette

maniere, auroient été, selon lui (a), des gens qui menoient une vie fauvage, fans loix & prefque fans religion. Janus fe préfente, il les assemble, leur donne des loix; le bonheur de la vie fe manifeste, on voit naître un fiecle d'or. La crainte, la contrainte qu'occafionnent des loix menaçantes avoient paru à Ovide contraires au bonheur de la vie. Elles font une fource de félicité pour M, l'Abbé Banier. Mais enfin quelles raifons peuvent avoir eu les Anciens pour attribuer au regne de Saturne, la vie d'un fiecle d'or? Jamais regné ne fut fouillé de plus de vices; les guerres, le carnage, les crimes de toutes efpeces inonderent la terre pendant tout ce temps-là. Saturne ne monta fur le trône, qu'en en chaffant fon pere, après l'avoir mutilé. Que fit Jupiter de plus que Saturne, pour avoir mérité qu'on ne donnât pas à fon regne le nom d'âge d'or? Jupiter le traita à la vérité précisément & de la même maniere que Saturne, avoit traité fon pere. Jupiter étoit un adultere, un homicide, un inceftueux, &c. Mais Saturne valoit-il davantage? N'avoit-il pas auffi épousé fa four Rhée? N'eut-il pas Philyre pour concubine, fans compter les autres? Vit-on un Roi plus inhumain que celui qui dévore fes propres enfans? Il eft vrai qu'il ne dévora pas Jupiter; mais il y alloit à la bonne foi, & l'on ne doit pas lui en favoir gré : on lui préfenta un caillou; il l'avala, & ne pouvant le digérer, il le rendit. Cette pierre, suivant Héfiode, fut placée fur le Mont Hélicon, pour fer

(a) Mythol. T. II. p. 110.

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