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vir de monument aux hommes. Beau monument, bien propre à rappeler le fouvenir d'un fiecle

d'or!

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N'eft-il pas furprenant qu'un tel paradoxe n'ait pas fait ouvrir les yeux aux Anciens, & que tous foient convenus d'attribuer un âge d'or au regne de Saturne? M. l'Abbé Banier le donne à celui de Janus, qui regna conjointement avec Saturne. « Ce Prince, dit ce Mythologue (a), adoucit la férocité de leurs mœurs, les raffembla dans » les villes & dans les villages, leur donna des loix, & fous fon regne, fes fujets jouirent d'un bonheur qu'ils ne connoiffoient pas ce qui » fit regarder le temps où il avoit régné comme » un temps heureux, & un fiecle d'or. » Mais il n'y a pas moins de difficultés en prenant les chofes de ce côté là. Il n'eft même pas poffible. de faire vivre Saturne avec Janus. Les temps ne s'y accordent point du tout. Théophile d'Antio che nous affure, fur l'autorité de Tallus (b) que Chronos, appelé Saturne par les Latins vivoit trois cents vingt-un ans avant la prife de Troye; ce qui, en admettant le calcul des Hiftoriens mêmes, fuppoferoit plus d'un fiecle & demi entre lui & Janus. D'où il faudroit conclure, ou qué Saturne n'alla jamais en Italie ou qu'il y alla long-temps avant le regne de Janus. Toute l'Antiquité attefte cependant la contemporanéité de ces deux Princes. On pourroit fuppofer, dit M. l'Abbé Banier avec quelques autres, qu'il s'agit d'un autre Saturne, & que celui qui

(a) Loc. cit.

(b) Lib. 3. adv. Ant.

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étoit contemporain de Janus, étoit Stercès, pere de Picus, qui après fon apothéofe fut nommé Saturne. Mais ces Auteurs ne font pas attention, que Janus ne partagea pas fa couronne avec Stercès; que la fable dit que Janus regnoit déja, lorfque Saturne vint en Italie. On ne peut donc le dire de Stercès, puifqu'il régna avant Janus. Ce Saturne même qui, fuivant Virgile (a), raffembla ces hommes fauvages, cette race indocile, difperfée fur les montagnes, qui leur donna des loix, & qui appella cette terre latium, parce qu'il s'y étoit caché, pour éviter la fureur de fon fils ne peut-être Stercès, pere de Picus, puifque celuici étoit dans un âge fort tendre, lorfque fon pere mourut. Il l'entendoit donc de Saturne, pere de Jupiter.

Puifqu'il n'eft pas poffible de concilier tout cela, il eft naturel de penfer que l'inventeur de cette fable n'avoit pas l'hiftoire en vue, mais quelqu'allégorie, dont les Hiftoriens n'ont pas foupçonné le fans. Non, Saturne, Janus, Jupiter n'ont jamais régné; parce que pour regner, il faut être homme, & tous ces Dieux dont nous parlons n'exifterent jamais que dans l'efprit des

(a) Primus ab æthereo venit Saturnus Olympo,
Arma Jovis fugiens, & regnis exul ademptis:
Is genus indocile, ac difperfum montibus altis
Compofuit, legefque dedit; latiumque vocari
Maluit, his quoniam latuiffet tutus in oris,
Aureaque ut perhibent, illo fub Rege fuêre
Sæcula, fic placida populos in pace regebat.
#neid. 1. 8,

inventeurs de ces fables, que la plupart des Peuples regardoient comme hiftoires réelles, parce que leur amour propre s'en trouvoit extrêmement flatté. Il leur étoit infiniment glorieux d'avoirdes Dieux pour les premiers de leurs ancêtres, eu pour Rois, ou enfin pour fondateurs de leurs villes. Chaque Peuple s'en flattoit à l'envi, & fe croyoir fupérieur aux autres, à proportion de la grandeur du Dieu, & de fon antiquité. Il faut donc chercher d'autres raifons qui aient fait douner au prétendu regne de Saturne le nom de fiecle ou d'âge d'or. J'en trouve plus d'une dans l'Art Hermétique, où ces Philofophes appellent regne de Saturne le temps que dure la noirceur, parce qu'ils nomment Saturne cette même noirceur; c'est-à-dire, lorfque la matiere Hermétique mife dans le vafe, eft devenue comme de la poix fondue. Cette noirceur étant aufli, comme ils le difent, l'entrée, la poite & la clef de l'œuvre elle représente Janus, qui regne par conséquent conjointement avec Saturne. On a cherché &. l'on cherchera long-temps encore la raifon qui faifoit ouvrir la porte du Temple de Janus, lorfqu'il s'agiffoit de déclarer la guerre, & qu'on la fermoir à la paix. Un Philofophe Hermétique la trouve plus fimplement que tous ces Mythologues. La voici. La noirceur eft une fuite de la diffolution; la diffolution eft la clef & la porte de l'œuvre. Elle ne peut fe faire que par la guerre qui s'éleve entre le fixe & le volatil, & par les combats qui fe donnent entr'eux. Janus étant cette porte, il étoit tout naturel qu'on ouviît celle du Temple qui lui étoit confacré, poar

annoncer une guerre déclarée. Tant que la guerre duroit, elle demeuroit ouverte, & on la fermoir à la paix, parce que cette guerre du fixe & du volatil dure jufqu'à ce que la matiere foit abfolument devenue toute fixe. La paix fe fait alors. C'est pourquoi la Tourbe dit, fac pacem inter inimicos, & opus completum eft. Les Philofophes ont même dit figurativement, ouvrir, délier, pour dire diffoudre; & fermer, lier, pour dire fixer. Macrobe dit que les Anciens prenoient Janus pour le Soleil. Ceux qui entendoient mal cette dénomination, l'attribuoient au Soleil céleste qui regle les faifons; au lieu qu'il falloit l'entendre du Soleil Philofophique; & c'eft une des raisons qui fit appeler fon regne fiecle d'or.

Pendant la noirceur dont nous avons parlé, ou le regne de Saturne, l'ame de l'or, fuivant les Philofophes, fe joint avec le mercure; & ils appellent en conféquence ce Saturne, le tombeau du Roi, ou du Soleil. C'eft alors que commence le regne des Dieux, parce que Saturne en eft regardé comme le pere; c'eft donc en effet l'âge d'or, puifque cette matiere devenue noire contient en elle le principe aurifique, & l'or des Sages. L'Artifte fe trouve d'ailleurs dans le cas des fujets de Janus & de Saturne; dès que la noirceur à paru, il eft hors d'embarras & d'inquiétude. Jufques-là il avoit travaillé fans relâche, & toujours incertain de la réuffite. Peut-être avoitil erré dans les bois, les forêts, & fur les montagnes, c'eft-a-dire, travaillé fur différentes matieres peu propres à cet Art; peut-être même avoit-il erré près de deux cents fois en travaillant

comme Pontanus (a) fur la vraie matiere. Il commence alors à fentir une joie, une fatisfaction & une véritable tranquillité, parce qu'il voit fes efpérances fondées fur une bafe folide. Ne feroit-ce donc pas un âge vraiment d'or, dans le fens même d'Ovide, où l'homme vivroit content, & le cœur & l'efprit pleins de fatisfaction?

CHAPITRE VII.
Des Pluies d'or.

Les Poëtes ont fouvent parlé des pluies d'or
& quelques Auteurs Payens ont eu la foi-
bleffe de rapporter comme vrai, qu'il tomba une
pluie d'or à Rhodes, lorfque le Soleil y coucha
avec Vénus. On pardonneroit cela aux Poëtes;
mais que Strabon nous dife (b) qu'il plut de l'or
à Rhodes, lorfque Minerve naquit du cerveau
de Jupiter, on ne fauroit la lui paffer. Plufieurs
Auteurs nous affurent à la vérité, qu'en tel ou
tel temps il plut des pierres, du fang, ou quelque
liqueur qui lui reffembloit, des infectes. Bien
des gens protestent même encore aujourd'hui
avoir vu pleuvoir des petites grenouilles; qu'elles
tomboient en abondance fur leurs chapeaux, mê-
lées avec une pluie d'orange; qu'ils en avoient
vu une fi grande quantité, que la terre en étoit
prefque couverte. Sans entrer dans la recherche
des caufes phyfiques de tels phénomenes, & fans
(a) Epift.
(8) Liv. 14.

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