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qui paroît y conduire plus promptement, fans vouloir fe donner la peine de s'inftruire suffisamment du vrai chemin par lequel on y arrive. On marche donc, on avance, on fe croit au bout; mais comme on a marché en aveugle, on y trouve un précipice, on y tombe. On croit alors cacher la honte de fa chûte, en difant que ce prétendu but n'eft qu'une ombre qu'on ne peut embraffer; on traite fes guides de perfides; on vient enfin à nier jufqu'à la poffibilité même d'un effet, parce qu'on en ignore les causes. Quoi! parce que les plus grands Naturaliftes ont perdu leurs veilles & leurs travaux à vouloir découvrir quels procédés la Nature emploie pour former & organifer le fœtus dans le fein de fa mere, pour faire germer & croître une plante, pour former les métaux dans la terre, auroit-on bonne grace à nier le fait? regarderoit-on comme fenfé un homme dont l'ignorance feroit le fondement de fa négative? On ne daigneroit même pas faire les frais de la moindre preuve pour l'en convaincre.

Mais des gens favans, des Artiftes éclairés & habiles ont étudié toute leur vie, & ont travaillé fans ceffe pour y parvenir; ils font morts à la peine qu'en conclure? que la chose n'est pas réelle? non. Depuis environ l'an 55o de la fondation de Rome, jufqu'à nos jours, les plus habiles gens avoient travaillé à imiter le fameux miroir ardent d'Archimede, avec lequel il brûla les vaiffeaux des Romains dans le port de Syracufe; on n'avoit pu réuffit, on traitoit le fait d'hiftoire inventée à plaifir, c'étoit une fable, & la fabrique même du miroir étoit impoffible. M.

de Buffon s'avife de prendre un chemin plus fimple que ceux qui l'avoient précédé ; il en vient à bout, on eft furpris, on avoue enfin que chofe eft poffible.

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Concluons donc avec plus de raifon, que ces favans, ces habiles Artiftes faifoient trop de fond fur leurs prétendues connoiffances. Au lieu de fuivre les voies droites, fimples & unies de la Nature, ils lui fuppofoient des fubtilités qu'elle n'eut jamais. L'Art Hermétique eft, difent les Philofophes, un mystere caché à ceux qui fe fient trop en leur propre favoir : c'est un don de Dieu, qui jette un oeil favorable & propice fur ceux qui font humbles, qui le craignent, qui mettent toute leur confiance en lui, & qui, comme Salomon, lui demandent avec inftance & perfévérance cette fageffe, qui tient à fa droite la fanté (a), & les richeffes à fa gauche; cette fageffe que les Philofophes préferent à tous les honneurs, às les royaumes du monde, parce qu'elle est l'arbre de vie à ceux qui la poffedent (b).

Tous les Philofophes Hermétiques difent que quoique le grand Euvre foit une chose naturelle, & dans fa matiere, & dans fes opérations, il s'y passe cependant des chofes fi furprenantes, qu'elles élevent infiniment l'efprit de l'homme vers l'Auteur de fon être, qu'elles manifestent sa fageffe & fa gloire, qu'elles font beaucoup au deffus de l'intelligence humaine, & que ceux-là feuls les comprennent, à qui Dieu daigne ouvrir

(a) Proverb. 3. v. 16. (b) Ibid. v. 18.

les yeux. La preuve en eft affez évidente les par bévues & le peu de réuffite de tous ces Artistes fameux dans la Chymie vulgaire, qui, malgré toute leur adrefle dans la main-d'œuvre, malgré toute leur prétendue fcience de la Nature, ont perdu leurs peines, leur argent, & fouvent leur fanté dans la recherche de ce tréfor ineftimable.

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Combien de Beccher, de Homberg, de Boherrave, de Geofroy & tant d'autres favans Chymistes ont par leurs travaux infatigables forcé la Nature à leur découvrir quelques-uns de fes fecrets! Malgré toute leur attention à épier fes procédés, a analyfer fes productions, pour la prendre fur le fait, ils ont prefque toujours échoué, parce qu'ils étoient les tyrans de cette Nature & non fes véritables imitateurs. Affez éclairés dans la Chymie vulgaire, & affez inftruits de fes procédés, mais aveugles dans la Chymie Hermétique, & entraînés par l'ufage, ils ont élevé des fourneaux fublimatoires (a) calcinatoires, diftillatoires; ils ont employé une infinité de vafes & de creufets inconnus à la fimple Nature; ils ont appellé à leur fecours le fratricide du feu na→ turel; comment avec des procédés fi violens auroient-ils réuff? Ils font abfolument éloignés de ceux que fuivent les Philofophes Hermétiques. Si nous en croyons le Préfident d'Espagnet (b), «les Chymiftes vulgaires fe font accoutumés in» fenfiblement à s'éloigner de la voie fimple de » la Nature, par leurs fublimations, leurs diftil

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(a) Novum lumen Chemicum. Tract. 1.

(b) Arcan. Herm. Philofophiæ opus. Canone 6.

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lations, leurs folutions, leurs congélations, » leurs coagulations, par leurs différentes extrac tions d'efprits & de teintures, & par quantité d'autres opérations plus fubtiles qu'utiles. Ils font tombés dans des erreurs, qui ont été une fuite les unes des autres; ils font devenus les bourreaux de cette Nature. Leur fubtilité trop » laborieufe, loin d'ouvrir leurs yeux à la lu» miere de la vérité, pour voir les voies de la Nature, y a été un obftacle, qui l'a empêchée » de venir jufqu'à eux. Ils s'en font éloignés de plus en plus. La feule efpérance qui leur refte » eft dans un guide fidele, qui diffipe les ténebres de leur efprit, & leur faffe voir le foleil » dans toute fa pureté.

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» Avec un génie pénétrant, un efprit ferme » & patient, un ardent défir de la Philofophie, » une grande connoiffance de la véritable Phy

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fique, un cœur pur, des moeurs integres, un » fincere amour de Dieu & du prochain, tout » homme, quelque ignorant qu'il foit dans la » pratique de la Chymie vulgaire, peut avec confiance entreprendre de devenir Philofophe » imitateur de la Nature.

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» Si Hermès, le vrai pere des Philofophes, dit le Cofmopolite (a), fi le fubtil Geber, le profond Raymond Lulle, & tant d'autres » vrais & célebres Chymiftes revenoient fur la » terre, nos Chymiftes vulgaires non feulement

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ne voudroient pas les regarder comme leurs » maîtres, mais ils croiroient leur faire beau

(a) Nov. lum, Chem, Tract. I.

» coup de graces & d'honneur de les avouer » pour leurs difciples. Il eft vrai qu'ils ne fau»roient pas faire toutes ces diftillations, ces » circulations, ces calcinations, ces fublima» tions, enfin toutes ces opérations innombra»bles que les Chymiftes ont imaginées pour avoir » mal entendu les livres des Philofophes. »

Tous les vrais Adeptes parlent fur le même ton, & s'ils difent vrai, fans prendre tant de peines, fans employer tant de vales, fans consumer tant de charbons, fans ruiner sa bourse & fa fanté on peut travailler de concert avec la Nature, qui, aidée, se prêtera aux défirs de l'Artiste, & lui ouvrira libéralement fes tréfors. Il apprendra d'elle, non pas à détruire les corps qu'elle produit, mais comment, avec quoi elle les compofe, & en quoi ils fe réfolvent. Elle leur montrera cette matiere, ce chaos que l'Etre fuprême a développé, pour en former l'Univers. Ils verront la Nature comme dans un miroir, dont la réflexion leur manifeftera la fageffe infinie du Créateur qui la dirige & la conduit dans toutes fes opérations par une voie fimple & unique, qui fait tout le myftere du grand œuvre.

Mais cette chofe appelée pierre Philofophale, Médecine univerfelle, Médecine dorée, existet-elle autant en réalité qu'en spéculation? Comment, depuis tant de fiecles, un fi grand nombre de perfonnes, que le Ciel fembloit avoir favorifés d'une fcience & d'une fageffe fupérieure à celles du refte des hommes, l'ont-ils cherchée en vain? Mais d'un autre côté tant d'Hiftoriens dignes de foi, tant de favans hommes en ont attesté l'exif

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