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maux, fuivant leurs organes. De là vient la conformité qui fe remarque dans un très-grand nombre des actions des hommes & des bêtes. Dieu s'en fert comme d'un inftrument au moyen duquel les animaux voient, goûtent, flairent, entendent. II l'a conftitué fous fes ordres le guide de leurs actions. Il le fpécifie dans chacun d'eux felon la différente fpécification qu'il lui a plu de donner à leurs organes. De là la différence de leurs caracteres, & leurs manieres d'agir différentes, mais néanmoins toujours uniformes quant à chacun en particulier, prenant toujours le même chemin pour parvenir au même but, quand il ne s'y trouve pas d'obstacles.

Cet efprit, que l'on appelle ordinairement inftinet, quand il s'agit des animaux, déterminé & prefque abfolument fpécifié dans chaque ani mal, ne l'eft pas dans l'homme, parce que celui de l'homme eft l'abrégé & la quinteffence de tous les efprits des animaux. Auffi P'homme n'at-il pas un caractere particulier qui lui foit propre, comme l'a chaque animal. Tout chien eft fidele; tout agneau eft doux; tout lion eft hardi entreprenant; tout chat eft traître, fenfuel, mais l'homme eft tout enfemble, fidele, indifcret, traître, gourmand, fobre, doux, furieux, hardi, timide, courageux; les circonftances ou la raison décident toujours de ce qu'il eft à chaque inftant de la vie, & l'on ne voit jamais dans aucun animal ces variétés que l'on trouve dans l'homme, parce qu'il poffede lui feul le germe de tout cela. Chaque homme le verroit développer, & le réduiroit de puiffance cn acte comme les ani

maux, toutes les fois que l'occafion s'en préfente, fi cet efprit n'étoit fubordonné à une autre fubftance fort fupérieure à la fienne. L'ame, purement fpirituelle, tient les rênes: elle le guide & le conduit dans toutes les actions réfléchies. Quelquefois il ne lui laiffe pas le temps de donner fes ordres, & d'exercer fon empire. Il agit de lui-même; il met les refforts du corps en mouvement, & l'homme alors fait des actions purement animales. Telles font celles que l'on appelle premier mouvement, & celles que l'on fait fans réflexion, comme aller, venir, manger, lorfqu'on a la tête pleine de quelque affaire férieufe qui l'occupe toute entiere.

L'animal obéit toujours infailliblement à fon penchant naturel, parce qu'il tend uniquement

la confervation de fon être mortel & paffager, dans laquelle gît tout fon bonheur & fa félicité. Mais l'homme ne fuit pas toujours cette pente, parce que, s'il eft porté à conferver ce qu'il y a en lui de mortel, il fent auffi un autre penchant qui le porte à travailler pour la félicité de fa partie immortelle, à laquelle il eft très-perfuadé qu'il doit la préférence.

Dieu a donc créé l'homme à fon image, & l'a formé comme l'abrégé de tous fes ouvrages, & le plus parfait des êtres corporels. On l'appelle avec raifon Microcofme. Il eft le centre où tout aboutit: il renferme la quinteffence de tout l'Univers, Il participe aux vertus & aux proprié tés de tous les individus. Il a la fixité des métaux & des minéraux, la végétabilité des plantes, la faculté fenfitive des animaux, & de plus

par

une ame intelligente & immortelle. Le Créateur a renfermé dans lui, comme dans une boëte de Pandore, tous les dons & les vertus des chofes fupérieures & inférieures. Il finit fon ouvrage de la création la formation de l'homme, parce qu'il falloit créer tout l'Univers en grand, avant d'en faire l'abrégé. Et comme l'Etre fuprêmé n'ayant point eu de commencement, étoit néan moins le commencement de tout, il voulut mertre le fceau à fon ouvrage par un individu, qui, ne pouvant être fans commencement fût au moins fans fin comme lui-même.

Que l'homme ne deshonore donc point le modele dont il eft l'image. Il doit penfer qu'il n'a pas été fait pour vivre feulement fuivant fon animalité, mais fuivant fon humanité proprement dite. Qu'il boive, qu'il mange; mais qu'il prie, qu'il modere fes paffions, qu'il travaille pour la vie éternelle; c'eft en quoi il différera des animaux, & fera proprement homme.

Le corps de l'homme eft fujet à l'altération & à la diffolution entiere, comme les autres mixtes. L'action de la chaleur produit ce changement dans la manière d'être de tous les individus fublunaires, parce que leur maffe étant un compofe de parties plus offieres, moins pures, moins liées, & plus hétérogenes entr'elles que des Aftres ou des Planetes, elle eft plus fufcepti-, ble des effets de la raréfaction.

Cette altération eft dans fon progrès une vraie corruption qui fe fait fucceffivement, & qui par degrés difpofe à une nouvelle génération, ou nouvelle maniere d'être ; car l'harmonie de l'Uni

vers confifte dans une diverfe & graduće information de la matiere qui le constitue.

,

Ce changement de formes n'arrive qu'aux corps de ce bas monde. La caufe n'eft pas, comme plufieurs l'ont penfé, la contrariété ou l'oppofition des qualités de la matiere, mais fa propre effence ténébreuse & purement paffive, qui n'ayant pas d'elle-même de quoi fe donner une forme permanente, eft obligée de recevoir ces formes différentes & paffageres du principe qui l'anime, toujours felon la détermination qu'il a plu à Dieu de donner aux genres & aux efpeces.

Pour fuppléer à ce défaut originel de la matiere, dont le corps même de l'homme a été formé, Dieu mit Adam dans le Paradis terreftre, afin qu'il pût combattre & vaincre cette caducité par l'ufage du fruit de l'arbre de vie, dont il fut privé en punition de fa défobéiffance, & condamné à fubir le fort des autres individus que Dieu n'avoit pas favorifés de ce fecours.

La premiere matiere dont tout a été fait, celle qui fert de bafe à tous les mixtes femble avoir été tellement fondue & identifiée dans eux, après qu'elle eut reçu fa forme de la lumiere, qu'on ne fauroit l'en féparer fans les détruire. La Nature nous a laiffé un échantillon de cette masse confufe & informe, dans cette eau feche, qui ne mouille point, que l'on voit fortir des montagnes, ou qui s'exhale de quelques lacs, imprégnée de la femence des chofes, & qui s'évapore à la moindre chaleur. Cette eau feche est celle qui fait la base du grand œuvre, suivant

tous les Philofophes. Qui fauroit marier cette matiere toute volatile avec fon mâle, en extraire les élémens, & les féparer philofophiquement, pourroit fe flatter, dit d'Efpagnet (a), d'avoir en fa poffeffion le plus précieux fecret de la Nature, & même l'abrégé de l'effence des cieux.

Des Elémens.

La Nature n'employa donc dès le commencement que deux principes fimples, dont tout ce qui exifte fut formé; favoir, la matiere premiere paffive, & l'argent lumineux qui lui donna la forme. Les élémens fortirent de leur action, comme principes fecondaires, du mélange defquels fe forma une matiere feconde, fujette aux viciffitudes de la génération & de la corruption.

En vain s'imaginera t-on pouvoir, par le fecours de l'art Chymique, acquérir & féparer les élémens abfolument fimples & diftincts les uns des autres. L'efprit humain ne les connoît même pas. Ceux à qui le vulgaire donne le nom d'éléરે mens, ne font point réellement fimples & homogenes ils font tellement mêlés & unis enfemble, qu'ils font inféparables..

Les corps fenfibles de la terre, de l'eau, de l'air, , qui dans leurs fpheres font réellement diftincts, ne font pas les premiers & fimples élémens que la Nature emploie dans fes diverfes générations. Ils femblent n'être que la matrice des autres. Les élémens fimples font impercep

(a) Enchirid. Phyf. reftit. can. 49.

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