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tibles & infenfibles, jufqu'à ce que leur réunion conftitue une matiere denfe, que nous appelons corps, à laquelle fe joignent les élémens groffiers comme parties intégrantes. Ex infenfibilibus namque omnia confiteare principiis conftare (a). Les élémens qui conftituent notre globe font trop cruds, impurs & indigeftes pour former une parfaite génération. Mal à propos auffi les Chymiftes & les Phyficiens leur attribuent-ils les propriétés des vrais élémens principes. Ceux-ci font comme l'ame des mixtes; ceux-là n'en font mixtes; ceux-là n'en font que les corps. L'art ignore les premiers, & travailleroit en vain à y reduire les mixtes: c'eft l'ouvrage de la Nature feule.

Sur ces principes les anciens Philofophes dif tinguerent les élémens en trois feulement, & feignirent l'Univers gouverné par trois freres, enfans de Saturne, qu'ils dirent fils du ciel & de la terre. Les Egyptiens, chez qui les anciens Philofophes Grecs avoient puifé leur Philofo phie, regardoient Vulcain comme pere de Sa turne, fi nous en croyons Diodore de Sicile. C'eft fans doute la raifon qui put les déterminer â ne pas mettre le feu au nombre des élémens. Mais comme ils fuppofoient que le feu de la Nature, principe du feu élémentaire, avoit fa fource dans le Ciel, ils en donnerent l'empire à Jupiter; & pour fceptre & marque diftinctive, ils l'armerent d'une foudre à trois pointes, & lui affocierent pour femme fa four Junon, qu'ils feignirent préfider à l'air. Neptune fut conftitué fur la mer, & Pluton fur les enfers. Les Poëtes (a) Lucret. lib. 2.

adopterent ces idées des Philofophes, qui connoiffant parfaitement la Nature, jugerent à propos de la diftinguer feulement en trois, perfuadés que les accidens, qui diftinguent la balle région de l'air de la fupérieure, ne fourniffoient pas une raifon fuffifante pour en faire une diftinction réelle. Ils n'y remarquoient qu'une différence de fec & d'humide, de chaud & de froid mariés ensemble; ce qui leur fit imaginer les deux fexes dans le même élément.

que

Chacun des trois freres avoit un fceptre à trois pointes pour marque de fon empire, & pour donner à entendre que chaque élément, tel nous le voyons, eft un compofé des trois. Ils étoient proprement freres, puifqu'ils étoient fortis du même principe, fils du ciel & de la terre, c'est-à-dire, la premiere matiere animée dont tout a été fait.

Pluton eft appelé le Dieu des richesses & le Maître des enfers, parce que la terre est la source des richeffes, & que rien ne tourmente les hommes comme la foif des richeffes & l'ambition.

Il n'eft pas plus difficile d'appliquer le refte de la Fable à la Phyfique. Plufieurs Auteurs fe font exercés fur cette matiere, & ont comme démontré que les Anciens ne fe propofoient que d'inftruire par l'invention de ces Fables. Les Philofophes Hermétiques, qui fe flattent d'être les rais difciples & les imitateurs de la Nature firent une double application de ces principes vojant dans les procédés & les progrès du grand œuvre les opérations de la Nature, comme dans un miroir; ils ne diftinguerent plus les uns des

per

autres, & les expliquerent de la même maniere. Ils comparerent alors tout ce qui fe palle dans l'œuvre aux progrès fucceffifs de la création de l'Univers, par une certaine analogie qu'ils crurent y remarquer. Eft-il furprenant que toutes leurs fictions aient eu ces deux chofes pour objet? Si l'on y faifoit réflexion, on ne trouveroit pas tant de ridicule dans leurs Fables. S'ils fonnifioient tout, c'étoit pour rendre leurs idées plus fenfibles; & l'on reconnoîtroit bientôt que les actions ridicules & licencieufes qu'ils attribuoient à ces prétendus Dieux, n'étoient que les opérations de la Nature, que nous voyons tous les jours fans y faire affez d'attention. Voulant ne s'expliquer que par allégories, pouvoientils fuppofer les chofes autrement faites & par d'autres acteurs? Notre ignorance dans la Phyfique ne nous donne-t-elle point le fot privilége de nous moquer d'eux, & de leur imputer le ridicule, qu'ils feroient peut-être aifément retomber fur nous s'ils étoient fur la terre, pour s'expliquer dans le goût du fiecle préfent?

L'analyse des mixtes ne nous donne que le fec & l'humide; d'où l'on doit conclure qu'il n'y a que deux élémens fenfibles dans le compofé des corps; favoir, la terre & l'eau. Mais la même expérience nous montre que les deux autres y font cachés. L'air eft trop fubtil pour frapper nos yeux: l'ouie & le toucher font les feuls fens qui nous démontrent fon existence. Quant au feu de la Nature, il eft impossible à l'art de le manifefter autrement que par fes effets.

De la Terre.

La terre eft froide de fa nature, parce qu'elle participe plus de la premiere matiere opaque & ténébreufe. Cette froideur en fait le corps le plus pefant, comme le plus denfe; & cette denfité la rend moins pénétrable à la lumiere, qui eft le principe de la chaleur. Elle a été créée au milieu des eaux, avec lefquelles elle est toujours mêlée; & le Créateur femble ne l'avoir rendue aride dans fa fuperficie, que pour la rendre pre au féjour des végétaux & des animaux.

pro

Le Créateur a fait la terre fpongieuse, afin que l'air, l'eau & le feu y euffent un accès plus libre, & que le feu interne, qui lui fut infufé par l'efprit de Dieu avant la formation du So leil (a), pût du centre à la fuperficie pouffer par fes pores pores les vertus des élémens, & exhaler es vapeurs humides qui corrompent les femences des chofes par une légere putréfaction, & les préparent à la génération. Čes femences ainfi difpofées reçoivent alors la chaleur céleste & vivifiante, l'attirent même par un amour magnétique; le germe fe développé, & la femence produit fon fruit.

·

La chaleur propre au fein de la terre n'eft I propre qu'à la corruption. Son humidité l'affoiblit, & ne fauroit rien produire, fi elle n'est aisée de la chaleur célefte, pure & fans mélange, qui mene à la génération, en excitant l'action du feu interne, en le développant, en le dilaCofmop. Tra&.

tant, & en le tirant, pour ainsi dire, du centre des femences, où il eft comme engourdi & caché. Ces deux chaleurs, par leur homogénéité, travaillent de concert à la génération & à la confervation des mixtes.

Tout froid eft contraire à la génération. Lorfqu'une matiere eft de cette nature, elle devient paffive, & n'y eft propre qu'autant qu'elle eft aidée & corrigée par un fecours étranger. L'Auteur de la Nature voulant que la terre fût la matrice des mixtes, l'échauffe en conféquence continuellement par la chaleur des feux célettes & central, & y joint la nature humide de l'eau; afin qu'aidée des deux principes de la génération, le chaud & l'humide, elle ne foit pas ftérile, & devienne le vase où fe font toutes le générations (a). On dit, par cette raifon, que la terre

contient les autres élémens.

Elle peut être divifée en terre pure & terre impure. La premiere eft la bafe de tous les mixtes, & produit tout par le mélange de l'eau & l'action du feu. La feconde eft comme l'habit de la premiere; elle entre comme partie intégrante dans la compofition des individus. La pure eft animée d'un feu qui vivifie les mixtes, & les conferve dans leur maniere d'être, autant de temps que le froid de l'impure ne le domine point, ou qu'il n'eft point trop excité & tyrannisé par le feu artificiel & élémentaire fon fratricide.. Ce qui eft vifible dans la terre eft fixe, & ce qui eft invifible eft volatil,

(4) Cofinop. ibid.

De

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