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De l'Eau.

L'eau eft d'une nature de denfité qui tient le milieu entre celle de l'air & celle de la terre. Elle est le menftrue de la Nature, & le véhicule des femences. C'eft un corps volatil qui femble fuir les atteintes du feu, & s'exhale en vapeurs à la chaleur la plus légere. Il eft fufceptible de toutes les figures, & plus changeant que Prothée. L'eau eft un mercure, qui prenant tantôt la nature d'un corps terra-aqueux, tantôt celle d'un corps aqua-aérien, attire, & va chercher les vertus des chofes fupérieures & inférieures. Il devient par ce moyen le meffager des Dieux & leur médiateur; c'eft par lui que s'entretient le commerce entre le ciel & la terre.

Un phlegine onctueux eft répandu dans l'eau. (a) M. Eller l'a fort bien reconnu dans les obfervations. Une eau, dit-il, très-purifiée & trèsdégagée de toutes les parties hétérogenes, (à la maniere des Chymiftes vulgaires) peut fuffire à la végétation. Elle fournit la terre, base de la folidité des plantes: elle répand même dans elle cette partie inflammable, huileufe ou réfineufe qu'on y trouve.

Que l'on prenne une terre, après avoir été leffivée & defféchée au feu, dans laquelle on fera affuré qu'il n'y a aucune femence de plantes; qu'on l'expofe à l'air dans un vafe, & que l'on ait foin de l'arrofer d'eau de pluie, elle produira des petites plantes en grand nombre;

(a) Mém. de l'Acad. de Berlin. 1. Partie.

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preuve qu'elle eft le véhicule des femences. Comme l'eau eft d'une nature plus approchante de la nature de la premiere matiere du monde elle en devient aifément l'image. Le chaos d'où tout eft forti, étoit comme une vapeur, ou une fubftance humide, femblable à une fumée fubtile. La lumiere l'ayant raréfiée, les cieux fe formerent de la portion la plus fubtilifée; l'air, de celle qui l'étoit un peu moins; l'eau élémentaire, de celle qui étoit un peu plus grofliere; & la terre, de la plus denfe, & comme des féces (a). L'eau participant donc de la nature de l'air & de la terre, fe trouve placée au milieu. Plus légere que la terre & moins légere que l'air, elle eft toujours mêlée avec l'un & l'autre. A la moindre raréfaction elle femble abandonner la terre pour prendre la nature de l'air; eft-elle condenfée par le moindre froid, elle quitte l'air, & va fe réunir à la terre.

La nature de l'eau eft plutôt humide que froide, parce qu'elle eft plus rare & plus ouverte à la lumiere que n'eft la terre. L'eau a confervé l'humidité de la matiere premiere & du chao's : la terre en a retenu la froideur.

La ficcité eft un effet du froid comme de la chaleur, & l'humide eft le principal fujet fur lequel le chaud & le froid agiffent. Lorfque celui-ci eft vif, il condenfe, il deffeche l'humide ; nous le voyons dans la neige, la glace, la grêle: de là vient la chute des feuilles en automne. Le froid augmente-t-il, l'hiver fuccede, l'humide se

(a) Raymond Lulle, Teftam, Anc. Théor.

coagule dans les plantes, les pores fe refferrent, la tige devient foible faute de nourriture: elles fechent enfin. Si l'hiver eft rigoureux, il porte la ficcité jufques dans les racines: il attaque l'humide vital; les plantes périffent. Comment peuton dite après cela que le froid eft une qualité de l'eau, puifqu'il eft fon ennemi, & que la Nature ne fouffre pas qu'un élément agiffe fur luimême ? On parle, ce semble, un peu plus correctement, quand on dit que le froid a brûlé les plantes. Le froid & le chaud brûlent également, mais d'une maniere différente; la chaleur en dilatant, & le froid en refferrant les parties du

mixte.

Ce que l'eau nous préfente de vifible eft volatil; fon intérieur eft fixe. L'air tempere fon humidité. Ce que l'air reçoit du feu, il le communique à l'eau; celle-ci à la terre.

On peut divifer cet élément en trois parties; le pur, le plus pur & le très-pur (a); de celuici les cieux ont été faits; du plus pur l'air, & le fimplement pur eft demeuré dans fa sphere: c'eft l'eau ordinaire, qui ne forme qu'un même globe avec la terre. Ces deux élémens réunis font tout, parce qu'ils contiennent les deux autres. De leur union naît un limon, dont la Nature fe fert pour former tous les corps. Ce limon eft la matiere prochaine de toutes les générations. C'eft une efpece de chaos où les élémens font comme confondus. Notre premier pere a été formé de limon, de même que toutes les

(a) Cofmopol, de l'eau,

générations qui s'en font fuivies. Du fperme & du menftrue il fe forme un limon, & de ce limon un animal.

Dans la production des végétaux, les femences fe putréfient, & fe changent en limon avant de germer. Il fe confolide enfuite & fe raffermit en corps végétal. Dans la génération des métaux, le foufre & le mercure fe réfolvent en une eau vifqueufe, qui eft un vrai limon. La décoction coagule cette eau, la fixe plus ou moins, & il en réfulte des minéraux & des métaux. Dans l'œuvre philofophique, on forme d'abord un limon de deux fubftances ou principes, après les avoir bien purifiés. Comme les quatre élémens s'y trouvent, le feu préferve la terre de fubmerfion & de diffolution entiere: l'air entretient le feu; l'eau conferve la terre contre les atteintes violentes de ce dernier; & agiffant ainfi les uns fur les autres de concert, il en résulte un tout harmonique, qui compofe ce qu'ils appellent la pierre Philofophale & le Microcofme.

De l'Air.

L'air eft léger, & n'eft point vifible; mais il contient une matiere qui fe corporifie, qui devient fixe. Il est d'une nature moyenne entre ce qui eft au deffus & au deffous de lui; c'est pourquoi il prend facilement les qualités de les voifins. De là viennent les changemens que nous éprouvons dans la baffe région, tant du froid que de la chaleur.

L'air eft le réceptacle des femences de tout,

le crible de la Nature, par lequel les vertus & les influences des autres corps nous font tranfmises. Il pénetre tout. C'est une fumée très-subtile; le fujet propre de la lumiere & des ténebres, du jour & de la nuit; un corps toujours plein, diaphane, & le plus fufceptible des qualités étrangeres, comme le plus facile à les abandonner. Les Philofophes l'appellent efprit, quand ils traitent du grand œuvre. Il contient les efprits vitaux de tous les corps; il eft l'aliment du feu, des végétaux & des animaux, qui meurent quand on le leur fouftrait. Rien ne naîtroit dans le monde fans fa force pénétrante & altérante; & rien ne peut réfifter à fa raréfaction.

La région fupérieure de l'air, voifine de la Lune, eft pure fans être ignée, comme on l'a long-temps enfeigné dans les écoles, fur l'opinion de quelques Anciens. Sa pureté n'eft fouillée par aucune des vapeurs qui s'élevent de la

baffe.

La moyenne reçoit les exhalaifons fulfureufes les plus fubtiles, débarraffées des vapeurs groffieres. Elles y errent, & s'y allument de temps en temps par leurs mouvemens & les différens chocs qu'elles fubiffent entr'elles. Ce font les divers météores que nous y appercevons.

Dans la baffe région s'élevent & fe ramaffent les vapeurs de la terre. Elles s'y condensent par le froid, & retombent par leur propre. poids. La Nature rectifie ainfi l'eau, & la purifie pour la rendre propre à fes générations. C'est pourquoi on diftingue les eaux en fupérieures & en inférieures. Celles-ci font contigues à la terre, y

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