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08-9-38 JA

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PRE FAC E.

LA
A Philofophie confidérée en général a pris
naiffance avec le monde, parce que de tout
temps les hommes ont penfé, réfléchi, médité
de tout temps le grand fpectacle de l'Univers
á du les frapper d'admiration, & piquer leur
curiofité naturelle. Né pour la fociété, l'homme
a cherché les moyens d'y vivre avec agrément
& fatisfaction; le bon fens, l'humanité, la
modeftie, la politeffe des mœurs, l'amour de
cette fociété, ont donc dû être les objets de
fon attention. Mais quelqu'admirable, quelque
frappant qu'ait été pour lui le fpectacle de l'U-
nivers, quelqu'avantage qu'il ait cru pouvoir tirer
de la fociété, toutes ces chofes n'étoient pas lui.
Ne dut-il pas fentir, en fe repliant fur lui-même,
que la confervation de fon être propre, n'étoit
pas un objet moins intéreffant; & penferoit-on
qu'il fe foit oublié, pour ne s'occuper que de
ce qui étoit autour de lui? Sujet à tant de vicif-
fitudes, en but à tant de maux; fait d'ailleurs
pour jouir de tout ce qui l'environne, il a fans
doute cherché les moyens de prévenir ou de
guérir ces maladies, pour conferver plus long-
temps une vie toujours prête à lui échapper. Il
apas fallu méditer beaucoup pour conce-
voir & le convaincre que le principe qui conf
titue fon corps & qui l'entretient, étoit auffi
celui qui devoit le conferver dans fa maniere

ne lui

:

d'être. L'appétit naturel des alimens le lui indiquoit affez mais il s'apperçut bientôt que ces alimens,au ffi périffables que lui, à caufe du mélange des parties hétérogenes qui les conftituent, portoient dans fon intérieur un principe de mort avec le principe de vie. Il fallut donc raifonner fur les êtres de l'Univers, méditer long-temps pour découvrir ce fruit de vie, capable de conduire l'homme prefqu'à l'immortalité.

Ce n'étoit pas affez d'avoir apperçu ce tréfor à travers l'enveloppe qui le couvre & le cache aux yeux du commun. Pour faire de ce fruit l'ufage qu'on fe propofoit, il étoit indifpenfable de le débarraffer de fon écorce, & de l'avoir dans toute la pureté primitive. On fuivit la Nature de près; on épia les procédés qu'elle emploie dans la formation des individus, & dans leur deftruction. Non-feulement on connut que ce fruit de vie étoit la bafe de toutes fes générations, mais que tout le réfolvoir enfin en fes propres principes.

On fe mit donc en devoir d'imiter la Nature; & fous un tel guide pouvoit-on ne pas réuffir ? à quelle étendue de connoiffances cette découverte ne conduifit-elle pas ? Quels prodiges n'étoiton pas en état d'exécuter, quand on voyoit la Nature comme dans un miroir, & qu'on l'avoit à Les ordres?

Peut-on douter que le defir de trouver un remede à tous les maux qui affligent l'humanité, &

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d'é

d'étendre, s'il étoit poffible, les bornes prefcrites à la durée de la vie, n'ait été le premier objet des ardentes recherches des hommes, & n'ait formé les premiers Philofophes? Sa découverte dut flatter infiniment fon inventeur, & lui faire rendre de grandes actions de graces à la Divinité pour une faveur fi fignalée. Mais il dut penfer en même temps que Dieu n'ayant pas donné cette connoiffance à tous les hommes, il ne vouloit pas fans doute qu'elle fût divulguée. Il fallut donc n'en faire participans que quelques amis; auffi Hermès Trifmégifte, ou trois fois grand, le premier de tous les Philofophes connu avec diftinction ne le communiqua-t-il qu'à des gens lite, à des perfonnes dont il avoit éprouvé la prudence & la difcrétion. Ceux-ci en firent part à d'autres de la même trempe, & cette découverte fe répandit dans tout l'Univers. On vit les Druides chez les Gaulois, les Gymnofophiftes dans les Indes, les Mages en Perfe, les Chaldéens en Affyrie, Homere, Talès, Orphée Pythagore, & plufieurs autres Philofophes de la Grece avoir une conformité de principes, & une connoiffance prefqu'égale des plus rares fecrets de la Nature. Mais cette connoiffance privilégiée demeura toujours renfermée dans un cercle trèsétroit de perfonnes, & l'on ne communiqua au refte du monde que des rayons de cette fource

abondante de lumiere.

Cet agent, cette bafe de la Nature une fois connue, il ne fut pas difficile de l'employer fuivant les circonftances des temps & l'exigence des

cas. Les métaux, les pierres précieuses entrerent dans les arrangemens de la fociété, les uns par le befoin qu'on en eut, les autres pour la commodité & l'agrément. Mais comme ces derniers acquirent un prix par leur beauté & leur éclat, & devinrent précieux par leur rareté, on fit ufage de fes connoiffances Philofophiques pour les multiplier. On tranfmua les métaux imparfaits en or & en argent, on fabriqua des pierres précicufes, & l'on garda le fecret de ces tranfmutations avec le même fcrupule que celui de la panacée univerfelle, tant parce qu'on ne pouvoit dévoiler l'un fans faire connoître l'autre, que parce qu'on fentoit parfaitement qu'il réfulteroit de fa divulgation, des inconvéniens infinis pour la fociété.

Mais comment pouvoir fe communiquer d'âges en âges ces fecrets admirables, & les tenir en même temps cachés au Public? Le faire par tradition orale, c'eût été risquer d'en abolir jufqu'au fouvenir; la mémoire eft un meuble trop fragile pour qu'on puiffe s'y fier. Les traditions de cette efpece s'obcurciffent à mefute qu'elles s'éloignent de leur fource, au point qu'il eft impoffible de débrouiller le chaos ténébreux, où l'objet & la matiere de ces traditions fe trouvent enfevelis. Confier ces fecrets à des tablettes en langues & en caracteres familiers, c'étoit s'expofer à les voir publics par la négligence de ceux qui auroient pu les perdre, ou par l'indifcrétion de ceux qui auroient pu les voler. Bien plus, il falloit ôter jufqu'au moindre foupçon, finon de l'existence,

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