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En effet, comme dans Dieu, il n'y a qu'une feule nature, dans nous il n'y a qu'une feule ame. Comme dans Dieu il y a trois perfonnes; le Pere, le Fils & le Saint-Efprit; dans nous il y a trois facultés; l'entendement, la volonté & la mémoire. Comme dans Dieu, le Pere n'eft pas le Fils; le Fils n'eft pas le Pere; le Saint-Efprit n'eft ni le Pere ni le Fiis; dans nous l'entendement n'eft pas la volonté; la volonté n'eft pas la mémoire; la mémoire n'eft ni la volonté ni l'entendement. Comme dans Dieu, le Pere eft Dieu en tant qu'il engendre; le Fils, Dieu en tant qu'il eft engendré; le Saint-Efprit, Dieu en tant qu'il aime; dans nous l'entendement eft l'ame en tant qu'elle conçoit; la volonté, l'ame en tant qu'elle defire; la mémoire, l'ame en tant qu'elle fe fouvient. On pourroit porter plus loin la comparaifon; mais ceci doit fuffire pour nous faire comprendre, non pas le myftere, mais la non-répugnance du myftere de la SainteTrinité.

L'Incarna

Il fe trouve dans l'Incarnation une chofe toute contraire à ce qui fe trouve dans la Trinité. Dans tion.

Il est vrai que faint Bernard & faint Norbert blâmoient beaucoup Abailard de ce que pour expliquer la Sainte Trinité il employoit la comparaifon des trois propofitions du fyllogifme, qui n'ont toutes trois qu'une même vérité ; & ils avoient raifon de le blâmer, parce que cet héréfiarque comptoit par-là rendre ce myflere très-intelligible. Mais c'est ce que nous fommes bien éloignés de prétendre.

L'Eucha

riftie.

la Trinité il n'y a qu'une nature & il y a trois perfonnes. Dans l'Incarnation il n'y a qu'une perfonne & il y a deux natures; mais cela n'eft point contraire à la raifon. Et c'eft encore dans nousmêmes que nous trouvons une image de ce mystere, puifque nous trouvons dans nous une feule perfonne en deux natures; mais de l'union de ces deux natures il fe fait une feule perfonne qui eft l'homme.

Cette comparaison eft de faint Athanafe, ou du moins de celui qui eft l'auteur du Symbole qui porte fon nom. Sicut anima rationalis & caro eft unus homo, ita Deus & homo eft unus Chriftus. Comme l'ame raisonnable & le corps ne font qu'un feul homme, de même Dieu & l'homme ne font qu'un feul Chrift.

Venons à la divine Euchariftie. Saint Cyrille de Jerufalem employe une comparaifon pour expliquer ce myftere. C'eft celle de l'eau changée en vin aux noces de Cana (a). Le vin, dit-il, a quelqu'analogie avec le fang. Si Jefus-Chrift a pu ger l'eau en vin; pourquoi ne pourroit-il pas changer le vin en fon fang? Nous pouvons, à l'exempie de ce faint patriarche & de plufieurs autres (b),

chan

(a) Si Chriftus aquam olim convertit in vinum quod habet quamdam cum fanguine propinquitatem; credamus quòd vinum in fanguinem tranfmutavit. S. Cyrillus Hierofolymitanus in quartâ Catechæfi mystagogicâ.

(b) M. l'Evêque de Boulogne, dans fon Instruction

ufer d'une comparaifon par rapport à l'Eucharif tie. Tous les jours, par la chaleur naturelle, le pain que nous mangeons fe change en notre chair; le vin que nous buvons fe change en notre fang. Pourquoi ne pourroit-il pas se faire par la confécration un changement de la fubftance du pain & du vin dans la fubftance du corps & du fang de JesusChrift.

La réfur

rection des

Pour ce qui eft de la réfurrection des corps, dont le myflere révolte tant nos incrédules, on corps. peut trouver dans le grain de froment que l'on jette en terre, où il meurt, & d'où enfuite on le voit reffufciter en quelque forte, une comparaison qui montre la non-répugnance de notre réfurrection à nous-mêmes. Cette comparaifon eft de l'apôtre faint Paul. Vous me demandez, dit-il (a), comment les morts peuvent reffufciter? Infenfé, ne

paftorale fur l'Euchariftie, page 76, emploie la comparaifon prife des alimens qui fe changent en notre chair, & cite faint Grégoire de Nice, faint Jean Dam. M. Boffuet & M. de Marca, qui s'en font fervis avant lui. Toute la différence qu'il y trouve, c'est que la nutrition n'opere fon changement que fucceffivement, au lieu que la confécration opere le fien tout d'un coup.

(a) Sed dicet aliquis: quomodo refurgunt mortui ?.. Infipiens, tu quod feminas non vivificatur, nifi priùs moriatur. Et quod feminas, non corpus quod futurum eft, feminas, sed nudum granum ut putà tritici.......S. Paulus, 1 ad Cor. c. 15, v. 37.

Le péché Criginel.

voyez-vous pas que ce que vous femez en terre, comme un grain de froment, ou quelqu'autre grain que ce puiffe être, ne prend vie qu'après être mort? Selon cet apôtre, il en eft d'un corps humain, qui après avoir été réduit en pouffiere, reffufcitera au jour du jugement général, comme du grain de froment que l'on feme. Celui-ci enfermé dans le fein de la terre, fe diffout, fe décompofe, meurt, & c'est comme du fein de cette mort qu'il reprend une nouvelle vie. C'eft, pour ainfi dire, comme de fes cendres que non-feulement il ressuscite mais qu'il obtient une multiplication qui fert à la fubfiftance du genre humain. Pourquoi Dieu ne pourroit-il pas faire, à l'égard de nos corps, ce qu'il fait tous les jours à l'égard du grain de fro

ment?

par

Terminons ces comparaifons prifes de la nature, celle que l'on emploie en ce qui regarde le péché originel. Ce myftere eft un de ceux, peut-être même celui de tous qui cabre le plus la fiere raison de nos Déiftes. Ils ne tariffent pas fur les difficultés qu'ils font là-deffus. Si par toutes ces difficultés ils ne veulent dire autre chofe, finon que ce myftere eft incompréhenfible; nous en convenons avec eux. Pour leur montrer qu'ils doivent convenir aufi que ce myftere, tout incompréhensible M. Bergier qu'il eft, ne contrarie point la raifon, nous pourDeitme réfu- rions leur faire l'argument tiré d'un favant écrivain de nos jours qui a défendu notre Religion contre les

dans fon

té par lui-mê

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sophismes du philofophe de Genève, de maniere à faire perdre à celui-ci l'envie de lui répondre, quoiqu'il l'en ait défié plus d'une fois. Mais comme on peut le voir dans l'auteur même, je me contente de dire ici que c'eft ce dogme du péché originel qu'on peut regarder comme la clef de tout le Chriftianifme. Et c'eft pour n'avoir pas eu cette clef, que les anciens Philofophes, & d'après eux, les Manichéens, ont donné dans de fi groffieres erreurs. En effet, on peut dire que fans la connoiffance du péché originel, l'homme eft un myftere incompréhenfible, & un être dans lequel on croiroit appercevoir des contradictions les plus évidentes. Pour nous en convaincre, il ne faut. que confidérer l'homme dans fon efprit, dans fon cœur, dans

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L'efprit de l'homme eft, d'un côté, d'une pé- L'esprit. nétration fi étonnante qu'il va jufqu'à connoître des objets qui font extrêmement éloignés de lui. Il va jusqu'à prédire, à point nommé, le jour, l'heure, la minute, où commenceront & finiront telles éclipfes de lune & de foleil. Il va jufqu'à affujettir à la jufteffe de fes calculs le tems précis que les corps céleftes mettent à parcourir leur orbite; il n'y a pas jufqu'aux cometes auxquelles on ne foit enfin parvenu à affigner l'époque de leur retour (a).

(a) M. le Monnier, de l'Académie des Sciences, & le P. Pingré, bibliothécaire de fainte Genevieve, avoient

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