Imágenes de páginas
PDF
EPUB

113

CONFÉRENCE QUATRIÈME,

Contre les Partisans de la Tolérance
religieufe.

IL N'Y A QU'UNE SEULE RELIGION.

Unus Dominus; una fides; unum baptifma.
Il n'y a qu'un Dieu, qu'une foi, qu'un baptême.
Ad Eph. c. 4, V. 5«

NON, mes chers auditeurs, il n'y a qu'un Dieu, & conféquemment il n'y a & il ne peut y avoir qu'une foi, qu'un baptême, qu'une Religion. La raifon en eft évidente; c'eft que Dieu eft la vérité même, & que la vérité étant effentiellement une, elle ne peut fe trouver dans deux Religions qui fe combattent. Or, la Religion Chrétienne combat toutes les autres Religions, & toutes les autres Religions combattent réciproquement la Religion Chrétienne. Si donc celle-ci eft la véritable, il faut nécessairement que toutes les autres foient fauffes.

Qu'ils font donc inconféquents ceux qui, regardant notre Religion comme la meilleure, ne laiffent pas de regarder les autres comme pouvant être bonnes! C'est-là le fyftême des tolérans, Systê

H

me (a) qui prend malheureusement beaucoup aujourd'hui. Il n'eft pas rare de trouver des hommes qui fe font gloire de leur indifférence pour toutes fortes de Religions. Comme ils font Catholiques à Paris; ils feroient, s'il le falloit, Luthériens à Aufbourg, Calviniftes à Genève, Juifs à Amsterdam; & des gens qui tiennent fi peu à leur Religion feroient, fi leur intérêt temporel le demandoit, Mufulmans à Conftantinople, Idolâtres à Cango

zuma.

On voit, difent-ils, tant de Religions, qu'on ne fait à quoi fe fixer. Le meilleur parti ne feroit-il point celui de n'en prendre aucun ? Pourquoi ne pas embraffer la Religion du pays où l'on se trouve? Nous prétendons être dans la bonne Religion; mais ceux qui en fuivent une autre le prétendent auffi. Pourquoi aurions - nous raifon plutôt qu'eux ? Mes freres, ceux qui raisonnent de la forte ont renoncé au Chriftianifme, & ce n'eft pas être véritablement fidele que de ne pas regarder la Religion de Jefus Chrift comme la feule qui puiffe nous conduire à Dieu. C'eft la preuve de cette pro

(a) M. de Marmontel, au chap. XV de fon livre intitulé Bélifaire, fait dire à fon héros qu'il defire de fortir de ce monde, pour être avec Titus, Trajan, Antonin. Or, ces princes étoient idolâtres. Que penfer de la religion d'un homme qui met des idolâtres dans le ciel ? M. de Voltaire a compofé un livre entier en faveur du Tolérantisme.

pofition qui va faire le fujet de ce difcours. Ave Maria.

LA Religion Chrétienne, difent quelques-uns, a de grands avantages: fublimité dans fa doctrine, pureté dans fa morale, dignité dans fon cuite. Tout cela s'y trouve réuni; mais il faut avouer auffi qu'elle a un grand défaut, c'eft qu'elle eft la plus intolérante de toutes les Religions.

Ah mes freres, ce qu'on appelle ici un défaut n'en eft point un. Il eft vrai que la Religion Chré tienne eft intolérante; mais elle doit l'être, & fi, par impoffible, elle ne l'étoit pas, elle ne feroit plus la Religion du vrai Dieu. Pourquoi ? c'est que, comme nous l'avons déja dit, Dieu eft la vérité même, & que la vérité étant effentiellement une, elle ne peut fe trouver dans deux Religions dont l'une dit expreffément la contradictoire de ce que dit l'autre.

Si toutes les Religions prétendent être bonnes, avec les mêmes prétentions, elles n'ont pas, à beaucoup près, les mêmes titres. Et il eft très-aifé de diftinguer la Religion véritable d'avec les fauffes. La premiere a des caracteres de divinité qui ne conviennent qu'à elle feule ; & un de ces caracteres est cette intolérance même qu'on nous reproche. En effet fi la Religion Chrétienne n'étoit pas intolérante, l'incrédule regarderoit avec raison sa tolérance comme une preuve de fa fauffeté. Si vous

[blocks in formation]

étiez sûrs, nous diroit-il, que vous êtes dans la vraie Religion, vous ne tourneriez pas ainfi à tout vent de doctrine. Mais puifque vous admettez des Religions qui combattent la vôtre, c'est une marque évidente que vous ne favez à quoi vous en tenir. Il raisonneroit juste ; & nous n'aurions rien à lui répliquer. Nous ferions obligés de convenir que le Chriftianifme feroit l'ouvrage de l'impofture, puifque pour fe foutenir avec des Religions qui lui font contraires, il les admettroit dans fon fein. Mais comme cette Religion n'a que Dieu pour auteur, elle n'a pas befoin de ces moyens pour fe maintenir. Inflexible dans fa conduite & dans fes maximes, elle rejette avec horreur tout culte & tout enfeignement qui lui eft étranger.

Lorfque dans un congrès différens monarques envoyent leurs plénipotentiaires pour y foutenir les droits refpectifs de leurs couronnes, ils leur donnent pouvoir de céder une chofe afin d'en obtenir une autre, de se relâcher fur certaines prétentions, afin d'engager leurs concurrens à fe relâcher auffi de leur côté. C'eft ce que font en effet ces négociateurs. Cédez-nous telle province, difent-ils, & nous vous céderons telle autre. Rendez-nous cette place que vous nous avez prife, & nous vous rendrons celle dont nous fommes devenus les maîtres. Pourquoi ces miniftres d'Etat en agiffent-ils ainfi ? C'eft qu'il ne s'agit que d'intérêts humains, & que les rois, au nom defquels ils parlent, leur permet,

tent de confentir à perdre quelque chose, afin de ne pas perdre le tout.

Mais quand il s'agit des intérêts de Dieu, quand il est question des oracles émanés de la bouche de celui qui est le roi du ciel & de la terre; on ne doit pas s'attendre à de femblables accommodemens. On ne peut pas, pour ainfi dire, céder un pouce de terrein. Il faut admettre toutes les parties de fa Religion, ou n'en admettre aucune. Or, une des parties de la Religion Chrétienne eft de croire qu'elle seule eft la véritable, & par conféquent, d'exclure abfolument toutes les autres.

Perfuadons-nous donc bien, mes chers auditeurs, que d'être indifférent à toutes les Religions, c'est exactement n'en avoir point. Car dès-là que ces Religions font oppofées entr'elles, il faut néceffairement qu'il y en ait de fauffes. Or, être prêt à les profeffer toutes, c'eft être prêt à reconnoître publiquement comme vrai, ce qu'on croit intérieurement être faux. Quoi de plus contraire à la fincérité dont on doit ufer dans le commerce de la vie?

Ce font cependant là les principes du philofophe de Genève. Principes d'où il fuit que pour me conformer à la police des nations, je puis & je dois adorer Jefus Chrift en France, le renier en Turquie & le blafphémer dans une Synagogue. Il fuit même de plus que je puis & que je dois profeffer l'idolâtrie dans les pays où elle eft admife. Voilà où conduir

« AnteriorContinuar »