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19.

le fyftême des tolérans, voilà ce qui doit fuffire pour en faire voir toute l'abfurdité.

Nos philofophes ont beau, pour juftifier ce systême, alléguer la douceur & l'humanité qu'ils fou¬ tiennent en être le principe: car c'eft-là leur raifonnement; n'eft- il pas, difent-ils, bien plus doux & plus humain de vivre en paix avec tout le monde & de laiffer chacun penfer fur la Religion comme bon lui femble, que de fe croire avec orgueil les feuls qui penfent là-deffus comme il faut, & de damner tous ceux qui ne penfent pas comme nous?

Rien n'eft fi facile que de montrer à ces tolérans fi doux, fi humains, fi pacifiques, que leur douceur, leur humanité, leur amour de la paix ne font que de fauffes vertus, dès-là qu'elles font appuyées fur le menfonge. Et c'est ce que nous enfeigne un Prophete, qui ne veut point que nous féparions la Zach. 8, paix de la vérité: veritatem & pacem diligite, nous dit-il, aimez la paix, pourvu qu'elle ait la vérité pour fondement.

Ces Meffieurs, en nous parlant de la tolérance, nous difent les plus belles chofes fur la douceur & fur l'amour qui doit regner parmi les hommes. Mais nous n'avions pas befoin des leçons qu'ils nous donnent là-deffus. L'Evangile nous fournit en une feule page plus d'inftructions fur la douceur, fur la concorde, fur la charité fraternelle qu'il ne s'en trouve dans tous les écrits de ces prôMatt,neurs de l'humanité. Apprenez de moi, dit Jefus¬

Christ, que je fuis doux & humble de cœur, ai-
mez-vous les uns les autres ,
comme je vous ai
aimés. Aimez vos ennemis, & faites du bien à
ceux qui vous font du mal. Voilà ce que nous ap-
prend l'Evangile, & c'eft dans cet Evangile même
que nos tolérans ont puifé leurs plus brillantes ré-
flexions fur la douceur. C'eft à l'éducation chré-
tienne que plufieurs d'entr'eux ont reçue dans leurs
premieres années, qu'ils font redevables de ces ma-
ximes qu'ils employent aujourd'hui contre la Reli-
gion qui les leur a apprises.

Joan. 1

Matt. 5:

Nous convenons avec eux qu'il faut avoir de la douceur pour tous les hommes; mais nous foutenons que cette douceur ne doit pas aller jusqu'à appeller bien ce qui est mal, jusqu'à dire véritable ce qu'on fait être faux; jufqu'à professer comme un dogme de foi ce qui eft manifeftement une erreur. Que l'on conferve la paix avec ceux mêmes qui en ont plus d'éloignement; c'eft le confeil & l'exemple que nous a donné le Roi-Prophete, & que cem, eram panotre divin Sauveur a plus d'une fois renouvellé cificus, Pl dans l'Evangile; mais cet amour de la paix n'autorife que la tolérance civile, & non pas la tolérance eccléfiaftique; ce font deux chofes bien différentes.

Je vivrois en paix avec un Juif, avec un Turc, avec tout homme enfin, de quelque Religion qu'il put être, difent affez fouvent les partifans de la tolérance; & ils le difent, en infultant au Chriftia

Cum his qui

oderunt pa

119.

Tolérance civile.

Tolérance

eccléfialti

que.

nifme, comme à une Religion qui bannit les vertus fociales, & qui ignore les regles que prefcrit l'humanité. Mais c'eft en vain qu'ils s'applaudiffent de pofféder exclufivement une cordialité qui nous est commune avec eux. Il n'eft point de bon Chrétien qui ne puiffe & qui ne doive dire la même chofe, pendant qu'il ne s'agira que de la tolérance

civile.

y a

Je me trouve dans un pays où il des Juifs; des Turcs, des Proteftans, ou toute autre efpecede gens d'une Religion différente de la mienne. Je converferai avec eux, s'il en eft befoin. Je leur rendrai même service, fi l'occafion s'en préfente, parce qu'ils font hommes comme moi, & que la différence de Religion ne doit rien prendre fur les droits de l'humanité. Voilà une tolérance civile, mais je me donnerai bien de garde d'aller avec les Juifs dans leur Synagogue, avec les Turcs dans leur Mosquée, avec les Proteftans dans leur prêche; & je me donnerai plus de garde encore de blasphêmer Jesus-Chrift avec les premiers, de le renier avec les feconds, de parler contre l'Eglife Romaine avec les troifiémes. Ce feroit-là une tolérance eccléfiaftique, une tolérance religieufe, une tolérance que je ne pourrois me permettre fans renoncer ouvertement au Chriftianifme ou à la Catholicité.

que

En effet, des-là que je fuis Chrétien, je crois
Jefus-Chrift eft le vrai, Meffie, &

par

confé

quent, je ne puis pas en attendre un autre avec les Juifs. Dès-là que je fuis Chrétien, je crois que Jefus-Chrift eft le propre fils de Dieu; & par conLéquent, je ne puis pas le regarder comme un pur homme avec les Turcs. Dès-là que je fuis Catholique, je crois que l'Eglife Romaine eft la vraie époufe de Jefus - Chrift, & par conféquent je ne puis pas la nommer une proftituée avec les Luthériens & les Calviniftes. Ce feroit-là, fur un même objet, dire le oui & le non, défendre le pour & le contre, foutenir formellement deux propofitions contradictoires. Ce feroit-là, en un mot, commettre une véritable apoftafie. Crime dont fe rend coupable tout Chrétien qui fe déclare pour la tolérance eccléfiaftique.

Je dis tout Chrétien; car on comprend que ce n'eft pas ici feulement aux Déiftes que je parle ; mais aux Chrétiens tolérans. Et c'eft pour les détourner de l'être que je vais leur montrer que Jefus Chrift a été intolérant, que les Apôtres ont été intolérans, que les Saints Peres ont été intolérans,

que les conciles généraux ont été intolérans. Ceci demande du détail. Entrons-y, & prouvons chacune de ces propofitions en particulier.

Oui, Chrétiens tolérans, vous qui par une fauffe douceur, & par une bonté d'ame mal entendue, regardez l'intolérance en fait de Religion comme un vice, vous allez directement contre la doctrine & la conduite de Jefus - Chrift, des Apô

Jefus-Chrift a été intolé

rant.

Luc. 6.

tres, des Saints Peres & de toute l'Eglife. Il ne faut qu'une légere teinture de l'Evangile & de l'Hiftoire Eccléfiaftique pour s'en convaincre.

Jesus-Christ a été intolérant. Quiconque ne croira pas à ma doctrine, dit-il au chapitre XVIe de faint Marc, fera condamné: Qui non crediderit, condemnabitur. Si vous avez une difpute avec votre frere, dit-il encore au chapitre XVIIIe de faint Matthieu, après l'avoir repris d'abord en particulier, & l'avoir enfuite averti devant deux témoins, dites-le à l'Eglife; mais s'il n'écoute pas. l'Eglife, regardez-le comme un payen & un publicain: Si autem Ecclefiam non audierit, fit tibi ficut Ethnicus & Publicanus. Ce divin Sauveur pouvoit-il plus expreffément enfeigner l'intolérance? Il ne s'en tint pas-là. Il joignit la conduite à la doctrine. Après avoir déclaré qu'il donneroit fon corps

à

manger & fon fang à boire dans le Sacrement de l'Eucharifie qu'il promettoit d'inftituer; il vit que cela faifoit murmurer, non feulement les groffiers habitans de Capharnaum, mais plufieurs même de fes Difciples qui quitterent fa compagnie, & qui ne voulurent plus depuis ce tems aller à fa fuite. Il aima mieux les voir l'abandonner & fe féparer de lui que de tolérer dans fon école des Difciples fi peu dociles aux inftructions de leur

maître.

Et ne dites pas que Jefus Chrift nous a défendu de condamner perfonne, fi nous ne voulons pas

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