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fi nous fommes quelquefois indifpenfablement obligés de nous en fervir, nous les expliquerons fi clairement qu'ils feront à la portée des moins intelligens de notre auditoire.

La raifon n'en eft pas difficile à comprendre. Comme c'eft fur-tout par les faits que nous prouvons la Religion Chrétienne; des preuves de cette efpece font bien plus à la portée des fimples fideles. Tel homme ne pourra pas fuivre un raifonnement un peu métaphysiquè, qui fuivra trèsbien un fait. Pourquoi? c'eft que pour un fait il ne faut que des yeux. C'est un fait que le pays que nous habitons étoit idolâtre il y a quinze cens ans. C'est encore un fait qu'aujourd'hui il est Chrétien. Or, comment a-t-il paffé de l'idolâtrie qu'il profeffoit alors, au Chriftianisme qu'il profeffe aujourd'hui ? par un troifiéme fait, qui eft la prédication des Apôtres & des hommes apoftoliques, qui les ont fuivis. Tout cela eft fenfible; tout cela fe comprend fans une extrême plication d'efprit; & ce qui eft encore plus avantageux, c'est que tout cela fe retient plus aifément que les raifonnements fubtils.

ap

On a entendu un fermon qui étoit une longue fuite de raifonnements les plus fublimes. On fort de l'Eglife en s'écriant: Le beau Difcours. Quelqu'un qui n'y étoit pas demande ce qu'a dit le prédicateur; la plupart ne répondront autre chofe, finon qu'il a bien prêché. Au lieu que par

de moyen des faits, un enfant de dix à onze ans (cela s'eft vu) rapportera dans fa famille une grande partie de ce qui a fait le fujet de la prédication. Ce fera donc, encore une fois, par l'énoncé des faits que nous établirons les preuves du Chriftianifme. Mais quand je dis l'énoncé des faits, ce n'eft pas avec l'exclufion de tout raifonnement. Les perfonnes inftruites qui fuivront ces Conférences s'appercevront que leur enfemble fera comme une chaîne de vérités qui, femblables à des anneaux enlacés les uns dans les autres, fe tiennent toutes, & se prêtent des forces mutuelles. Ce fera, depuis le premier Difcours jufqu'au dernier, un feul raifonnement; mais un raifonnement facile, un raifonnement à la portée de tout le monde. Et c'est l'avis que donne faint Auguf- L.4 de Dic tin à ceux qui annoncent la divine parole. Il faut parler, dit-il, de maniere à, être entendu des moins intelligens de l'auditoire, & ne pas dire des chofes qui ne foient comprifes que par les favans. La raifon qu'il en apporte, c'eft que les favans comprendront très-bien ce qui fera dit pour les fimples; au lieu que les fimples les fimples ne comprendroient pas ce qui ne feroit qu'à la portée des favans. Comme nous nous devons encore plus aux premiers qu'aux feconds, nous fuivrons cette méthode, & nous efpérons qu'elle leur fera utile en les fortifiant de plus en plus dans leur

croyance.

trinâ chriftia

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414, par le P. Craflet.

Elle le pourra être encore, en leur fourniffant des réponses aux objections qu'on entend quelquefois fortir de la bouche des incrédules. Une des objections bannales que ces impies font affez fouvent pour éteindre le flambeau de la foi dans les Chrétiens, c'est que les miniftres mêmes de la Religion ne la croyent pas intérieurement.

Pour répondre à ce sarcasme, je ne voudrois Tom. 1, p. autre chofe que le trait qui fe lit dans l'histoire du Japon. Le voici : Un missionnaire, qui fe nommoit Organtin, annonça l'Evangile à un roi de ce pays, appellé Nobuzangua. Celui-ci, après avoir entendu l'homme apoftolique pendant quelque tems, le fit venir dans fon palais, & lui parlant feul à feul, lui fit cette question: Croyezvous intérieurement la Religion que vous nous préchez? Le miffionnaire avant de répondre pria le roi de faire quatre pas, & de s'approcher d'un globe de géographie qu'il avoit dans fon appartement. Mon prince, lui dit-il, en montrant du doigt l'endroit de l'Europe d'où il étoit parti, & parcourant les lieux qu'il avoit traversés pour fe rendre au Japon, voilà mon pays natal, & la route que j'ai faite pour venir ici. Vous comprenez combien de périls j'ai courus dans un fi long trajet. Je demande maintenant à votre majesté fi elle croit que j'aye perdu l'efprit. Non, dit le roi, vous me paroiffez même en avoir beaucoup. Prince, répliqua le missionnaire, il faudroit

que

fi

je fuffe le plus extravagant de tous les hommes, je m'étois arraché, comme j'ai fait, aux délices de ma patrie, en m'expofant aux dangers de mille morts, & cela afin d'annoncer à des peuples que je ne connoiffois pas, une Religion que je croirois être fauffe.

Le roi qui avoit beaucoup de jugement, comprit la réponse du miffionnaire, & ajouta : Savez-vous pourquoi je vous ai fait cette queftion? C'est que je l'ai faite à nos prêtres. Je leur ai demandé s'ils étoient convaincus de la vérité de ce qu'ils nous difoient; ils m'ont avoué qu'ils n'en croyoient pas le premier mot. J'ai pensé qu'il en pouvoit être de même de vous. Prince, repartit le pieux miniftre, il y a une extrême différence entre vos prêtres & ceux de la Religion Chrétienne. On n'a jamais vu les bonzes du Japon quitter les avantages de leur patrie, & faire plus de fix mille lieues pour aller en Europe apprendre aux Chrétiens à adorer les idoles; au lieu qu'on voit tous les jours des prêtres Chrétiens s'expofer à perdre la vie pour la propagation du Chriftianifme.

En effet, mes freres, ce que le miffionnaire difoit de lui-même à ce prince idolâtre, on peut le dire de plufieurs milliers d'ouvriers évangéliques, foit prêtres, foit religieux, qui, depuis plus de 200 ans que la porte des Indes leur eft Quverte, ont couru des dangers infinis pour por

ter la foi dans un pays où plufieurs d'entr'eux ont trouvé une mort cruelle, à laquelle ils s'étcient attendus. Et on dira que ces grands hommes ne croyoient pas intérieurement leur Religion.

Mais laiffant-là les Indes & le Japon, contentons-nous de jetter les yeux fur les miniftres que Dieu a fixés dans notre Europe. Il est vrai qu'ils n'y courent pas d'auffi grands rifques qu'en ont courus ceux qui ont arrofé de leur fang la Chine & le Tonquin, le Bréfil & le Canada; mais combien y en a-t-il qui arrofent leur pays natal de leurs fueurs', & qui confacrent leur tems, leur fanté, leur vie aux pénibles exercices du miniftere? Combien de prélats qui fe donnant tout entiers aux foins de leurs diocèfes & aux fatigues inféparables des vifites, ne négligent rien pour la confervation du précieux tréfor de la foi? Combien de pafteurs fubalternes qui fe livrent à des travaux continuels pour le gouvernement de leurs paroiffes, & qui vont, à toute heure du jour & de la nuit, quelquefois dans des faifons très-rigoureufes, adminiftrer les facremens en des lieux fort éloignés de leurs demeures? Combien de fimples prêtres qui, fans y être obligés à titre de juftice, fe livrent affidument par une charité toute pure, à la pénible fonction du tribunal de la pénitence? Et on dira que tous ces hommes ne font pas perfuadés de leur Religion? Ah! mes freres, je fuis sûr que les calomniateurs mê

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