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fini à la création des êtres, puifqu'on ne peut concevoir une plus grande diftance que celle qui Le trouve entre l'être & le néant. Donc il a fallu que Dieu, pour franchir cette diftance, & pour tirer l'être du néant, ait fait usage d'un pouvoir fans bornes. Auffi le pouvoir de Dieu n'en a-t-il aucunes, & il eft infini comme toutes fes autres perfections.

En effet, ne falloit-il pas une puissance infinie pour tirer du néant & femer comme à pleines mains dans cette voûte azurée qui eft fufpendue au-deffus de nos têtes, une multitude innombrable de globes auprès defquels celui que nous habitons n'eft qu'un point (a)? Les aftronomes nous ap

(a) Le foleil est un million de fois plus grand que la terre, & il est éloigné de nous d'environ 33 millions de lieues; Saturne eft dix fois plus loin, c'est-à-dire, à 333 millions de lieues. Les étoiles fixes, Syrius, par exemple, eft 43700 fois plus loin de nous que le foleil. Ce n'est cependant là que le demi-diametre de cette vafte machine. Le diametre en eft le double, & la cir conférence eft un peu plus que le triple du diametre, circonférence qui renferme un nombre prodigieux de globes, une étendue immense. Avant l'invention du télef cope, on ne comptoit que 1022 étoiles; mais depuis que la providence nous a fourni ce nouveau fupplément à la foibleffe de notre vue, on en a apperçu des millions qui étoient inconnues aux anciens. Ces obfervations fur la multitude & la vaste étendue des globes célestes font

C

prennent qu'avec le fecours d'un inftrument d'optique, inventé depuis trois demi-fiecles, & qu'on nomme Télescope, ils ont ils ont découvert que l'endroit du firmament qui, dans une belle nuit, nous paroît d'une couleur blanchâtre, & que par cette raifon les anciens philofophes ont appellé la voie lacée, n'est autre chose qu'un amas d'étoiles dont l'éloignement de nous eft fi prodigieux qu'elles ne peuvent frapper notre vue que d'une lumiere confufe qui nous empêche de les diftinguer les unes des autres.

O mon Dieu, que vous êtes admirable dans vos ouvrages! & qu'aveugles font ceux qui, à de fi grands traits, refufent de reconnoître l'immensité de votre puissance! Mais fi votre puissance est infinie dans la création de ce vafte Univers, votre sagesse ne l'eft pas moins dans l'admirable rapport qui fe trouve entre les différentes parties qui le compofent. Oui, mes freres, il y a un rapport admirable entre toutes les parties de ce grand monde. Un coup d'œil fur la justesse des proportions qui fe rencontrent dans quelques-unes de celles qui tombent fous nos fens, va nous en

convaincre.

Si le foleil étoit beaucoup plus petit, ou beau

peut-être un des moyens les plus propres à nous donner au moins une légere idée de la grandeur de Dieu & de notre petiteffe.

coup plus éloigné de nous qu'il l'eft, il ne nous échaufferoit pas fuffisamment; nous ferions tranfis de froid, & il fe feroit de nos corps des efpeces de congélations, femblables à celles qui se font faites dans les endroits les plus élevés de quelques montagnes du nord (a). Si le foleil étoit beaucoup plus grand, ou beaucoup plus proche de nous, l'activité de fes rayons nous confumeroit & nous réduiroit en cendres. Qui eft-ce qui lui a donné cette jufte étendue, & qui l'a placé dans cette diftance qui tient un exact milieu entre le trop grand éloignement & la trop grande proximité? C'eft un Dieu dont la fageffe a fu proportionner tout cela à nos befoins.

Si cette terre que nous avons pour demeure étoit beaucoup plus molle qu'elle ne l'eft, qu'elle reffemblât, par exemple, à la boue ou au fable mouvant, nous y enfoncerions à chaque pas, & elle feroit inhabitable. Si au contraire elle étoit beaucoup plus dure, & qu'elle reffemblât au tuf & au rocher, nous ne pourrions pas la cultiver, & elle ne produiroit rien pour notre nourriture.

(a) Des voyageurs s'étant rifqués à franchir ces hautes montagnes, ou peut-être s'y étant égarés, furent trouvés, quarante ans après, dans la même fituation où le froid les avoit faifis. Il s'étoit fait de leur chair & de celle de leurs chevaux une espece de pétrification.

Qui eft-ce qui lui a donné ce degré de confif tance qui s'éloigne également de deux extrémités qui nous feroient fi défavorables? C'est un Dieu dont la fageffe a créé cette terre pour nous être.

utile.

Si cette même terre produifoit par-tout les chofes néceffaires ou utiles à la vie, les hommes, contents du produit de leur propre terroir, resteroient isolés & féparés les uns des autres. Point de rapport de nation à nation, prefque point de commerce de ville à ville, ou de bourgade à bourgade. Qui eft-ce qui a donné à la terre & cette heureuse fécondité qui fuffit à nourrir tous fes habitans, & cette ftérilité refpective qui les engage à ailleurs ce qu'ils ont de trop, porter afin d'y trouver ce qui leur manque C'est un Dieu dont la fageffe a créé les hommes pour vivre en fociété les uns avec les autres.

Nous pourrions faire cent obfervations femblables fur différens objets dont nous ne fommes point affectés, parce que nous les avons continuellement fous les yeux, & qui font cependant des preuves évidentes de l'admirable providence de celui qui veille au bon ordre & à la confervation de ce grand monde.

Par exemple, quelle confufion ne feroit-ce pas fi tous les hommes fe reffembloient? Le pere ne reconnoîtroit pas fon fils, & le fils méconnoîtroit fon pere. Le juge courroit rifque de condamner

que

Tinnocent pour le coupable, & d'abfoudre le coupable au lieu de l'innocent. Les concitoyens feroient fans ceffe expofés à fe méprendre dans les fréquens rapports qu'ils font obligés d'avoir les uns avec les autres. La fageffe de Dieu y a pourvu; fur cent millions d'hommes il n'y en a pas deux dont les traits du vifage foient abfolument femblables. Il en eft le fouvenir peut quelquefois confondre, quand ils font éloignés; mais rapprochez-les, vous trouverez dans celuici un certain je ne fais quoi qui n'est pas dans celui-là, & qui vous fait diftinguer parfaitement T'un de l'autre. On ne fait pas ordinairement de réflexion là-deffus; mais cela me paroît, & a paru de même à faint Auguftin, un très-grand De Civ. Dei prodige de la fageffe de Dieu, d'avoir mis dans un espace auffi étroit, une fi grande variété de combinaisons, que malgré toutes les parties que les vifages ont de communes , un front, une. bouche, deux yeux & le refte, il se trouve cependant des traits qui les diftinguent au point de ne pouvoir jamais s'y méprendre..

Quelle confufion n'arriveroit-il pas fi le jour

n'étoit pas fuivi de la nuit, & fi la nuit n'étoit pas fuivie du jour ? Si les tenébres étoient continuelles, nous ferions, comme le furent autrefois les Egyptiens, dans l'état le plus déplorable. Les objets qui nous environnent feroient pour nous, peu près, comme s'ils n'étoient pas, & quel

1.10, c. 124

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