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trouve aucune qui n'ait point de Dieu. J'ai trouvé, dit Jules - Céfar, des pays qui ont des coutumes bien différentes des nôtres ; mais je n'en ai point trouvé qui ne reconnussent qu'il y a une Divinité. Il n'y a point, dit Séneque, de nation fi barbare, qui ne reconnoiffe qu'on doit adorer des Dieux. Nulla gens adeò extra le- Seneca epift ges pofita ut non Deos credat. Nous pourrions. ajouter à tout cela le témoignage de Cicéron, de Macrobe, de Pline & d'une foule d'autres écrivains de Rome, encore payenne, qui attestent exactement la même chose.

Quelques voyageurs, il eft vrai, ont rapporté qu'ils avoient trouvé des Sauvages parmi lesquels on n'appercevoit aucune connoiffance de la Divinité. Mais, outre qu'on ne doit pas toujours compter fur la fincérité des voyageurs, ceux mêmes qui ont eu deffein d'être vrais dans leur narration ont pu très-aisément se tromper fur cet article, & cela pour plufieurs raifons. La premiere, c'est que de tels obfervateurs ordinairement ne s'intéreffent que très - peu à de femblables recherches. Enfuite c'eft que contens de parcourir les côtes de ces pays qu'ils ne connoifloient pas, ils ne pénétroient pas dans le fein des terres, & ne pouvoient guère fe mettre au fait de ce qui s'y paffoit. Enfin, c'est qu'en fuppofant même qu'ils ont pénétré plus avant, comme ils n'entendoient pas la langue de ces Sauvages, & que ceux-ci n'entendoient pas la leur,

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il est difficile.

que les uns & les autres ayent eu entr'eux des rapports affez intimes pour que les premiers ayent pu apprendre tout ce qui regardoit le culte des feconds. Auffi quelques-uns de ces faiseurs de relations, après de nouvelles découvertes, ont-ils eu la bonne foi de convenir qu'ils s'étoient trompés, & que ces peuples, qui leur avoient d'abord paru ne rendre aucun culte à la Divinité, lui en rendoient un (a).

D'ailleurs, fur quoi fondés, quelques-uns de ces voyageurs ont-ils penfé de la forte? Sur la groffiéreté de ces Sauvages qui leur paroiffoient n'avoir rien d'humain que la figure. Or, quand cette groffiéreté feroit auffi grande & auffi géné rale parmi eux qu'on le fuppofe, il s'enfuivroit, tout au plus, qu'il y auroit des peuples d'imbécilles. Mais comme le défaut de connoiffance de Dieu, dans les imbécilles qui vivent au milieu denous, ne prouve rien contre la connoiffance que nous avons de la Divinité; s'il y avoit (ce que nous n'accordons pas) des nations compofées d'imbécilles, l'ignorance où elles feroient de l'exiftence d'un Dieu ne prouveroit rien par rapport aux autres peuples. Plufieurs de ces peuples, il eft vrai fe trompent en regardant comme Dieux

.

(a) Voyez un livre intitulé: Moeurs des Américains, tom. 1, p. 99. On y montre que de tout tems ces Sau vages ont rendu un culte à la Divinité.

des objets qui ne le font pas ; mais ils conviennent tous qu'il faut en adorer un.

Or là-deffus je demande d'où peuvent venir dans tous les peuples des idées fi générales? viendroient elles des préjugés? Non. Les préjugés font nationaux, & ces idées font univerfelles. D'ailleurs, les préjugés favorifent les paffions, & l'exiftence de Dieu les combat. Viendroient-elles de l'éducation? Cela prouveroit que tous les hommes ont reçu de leurs peres la connoiffance de l'Etre fuprême, ce qui ajouteroit l'universalité des tems à celle des lieux. D'où viennent-elles donc? Ah! mes freres, elles ne peuvent venir que du fouverain Etre lui-même qui les imprime généralement à tous les hommes. Et c'eft-là un troifiéme genre de preuves qui démontre invinciblement l'existence de Dieu.

2°. Preuve

métaphyl

N'en doutons pas, Chrétiens, que ce confentement unanime de toutes les Nations de l'Uni- que. vers fur l'existence de l'Etre fuprême ne vienne de ce que cette existence eft comme gravée au - dedans de nous. C'est ce qu'enfeigne le Prophete-roi lorfqu'il dit, en parlant à Dieu d'une maniere figurée & métaphorique: Seigneur, votre lumiere. eft comme un cachet, comme un fceau, dont les traits font imprimés dans la fubftance de notre ame. Signatum eft fuper nos lumen vultus tui, Domine. Cette expreffion de David eft admirable. Expliquons- la plus en détail, afin d'en

Gen. 1,

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mieux pénétrer le fens. Quand on appofe un cachet fur de la cire molle, les traits qui font gravés dans celui-là fe trouvent en relief dans celleci. Voilà l'idée du pfalmifte; il fe représente Dieu qui, en créant l'homme, imprime au fond de fa fubftance les traits de la Divinité; car c'est ce que fignifie le terme fignatum, & c'est en cela spécialement que nous avons été faits à l'image de Dieu. Creavit Dominus hominem ad imaginem fuam.

L'idée de Dieu eft donc comme innée avec nous; & il me femble que quand je ne verrois ni le ciel, ni les aftres qui y brillent, ni la terre, ni les autres hommes qui l'habitent, la feule idée que j'ai de mon exiftence fuffiroit pour me démontrer l'existence de l'Etre fuprême. Et voici comme je raifonnerois.

Je fuis. Je n'ai cependant pas toujours été. Il y a beaucoup moins d'un fiecle que je n'étois pas. Qui eft-ce qui m'a donné l'existence? Ce n'eft pas moi. On ne peut pas fe donner l'exiftence avant que d'exifter. Ce ne font pas mes parens. Je ne leur fuis redevable que pour le corps, mais ils n'ont pas pu me donner une ame. Et quand cela feroit, il faudroit toujours remonter à un premier homme qui n'auroit pas pu fe la donner à lui-même. C'eft donc un autre être qui m'a donné l'existence. Or, cet être qui m'a tiré du néant a un pouvoir infini, puifqu'il en

faut un pour faire que ce qui n'existe pas exifte. Un être qui a un pouvoir infini eft Dieu; donc il y a un Dieu.

J'exifte. Mais comment exiftai-je? Je ne fuis pas un pur efprit. Je fens que je fuis fujet à bien des miferes dont un pur efprit n'eft pas fufceptible. Je ne fuis pas non plus un pur corps. Je penfe, je juge, je raifonne, & un pur corps ne fauroit faire tout cela. Je fuis donc composé d'un efprit & d'un corps. Mais qui Mais qui a uni ensemble deux fubftances fi difparates? Ce n'est pas mon efprit qui s'est uni à mon corps. Il fouffre trop de cette union pour en avoir fait le choix. Ce n'eft pas non plus mon corps qui s'eft uni à mon efprit; il n'eft pas capable de choifir. Il y a donc un autre être qui a uni intimement ensemble les deux fubftances qui me compofent, pour en faire un feul individu. Or, un être qui a pu unir fi étroitement deux êtres fi oppofés, a un pouvoir infini. Un être qui a un pouvoir infini eft Dieu. Donc il y a un Dieu.

Je fouffre. Je voudrois cependant bien ne pas fouffrir; car la fouffrance eft une affection (que l'ame éprouve malgré elle. Donc je ne fuis pas indépendant. Donc il y a au-deffus de moi un être qui peut remédier à mes fouffrances. Donc il y a un Dieu.

Et c'eft, mes freres, de cette idée que nous avons tous d'un Etre fuprême dans la dépendance

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