Imágenes de páginas
PDF
EPUB

duquel nous vivons, & qui peut remédier à nos maux, que vient cette espérance en Dieu qui fait que dans les malheurs inopinés, & contre lesquels on ne trouve point de reffource parmi les hommes, on s'écrie indélibérément : Mon Dieu. Ce qui a fait dire à Tertullien, que l'ame de l'homApologéti me eft comme naturellement Chrétienne : Deus que, c. 17. bonus; hæc omnium vox eft: ô teftimonium animæ naturaliter Chriftiana!

P. 228.

C'est ce que nous montre encore un trait de l'Hiftoire de l'Eglife. Il eft rapporté d'abord par Eutique, Eutique, un des fucceffeurs de faint Marc l'évangélite, dans le patriarchat d'Alexandrie, & d'après M. de Tillemont, Tillemont, & par Dom Calmet. Le voici.

Bollandus, lui le Bollandus, par

P. 46.

. 2, p. 901.

D. Cal

re facrée &

par pere

Saint Marc, après avoir, comme le dit Baro

met, hiftoi- nius, écrit fon Evangile en latin pour les Chréprofane. tiens de Rome qui l'en avoient prié, & avec l'approbation, peut-être même fous la dictée du prince des Apôtres, dont il étoit le difciple, traduifit fon propre Evangile de latin en grec, afin d'aller, par l'ordre de fon maître, porter la foi dans le vafte pays de l'Egypte. Il se rendit à Alexandrie qui en étoit la capitale. Arrivé dans cette ville, il entra chez un artifan nommé Anien , pour lui demander un fervice dont il avoit besoin (a). Celui-ci, travaillant de fon

(4) Un des fouliers de faint Marc s'étant rompu à

métier

métier à faire ce que cet étranger lui demandoit, fe perça la main de part en part, & tout d'un coup, par la violence de la douleur il s'écria: Mon Dieu.

L'homme apoftolique prit occafion de ces deux mots prononcés par l'ouvrier, pour lui annoncer

la foi. Vous avez raifon, lui dit-il, de dire: Mon Dieu, & non pas Mes Dieux; car il n'y a qu'un feul Dieu; & c'eft ce Dieu tout-puiffant que je viens vous faire connoître. Alors, pour lui prou ver par des effets la toute-puiffance de cet Etre fuprême, faint Marc fit pour guérir la plaje de cet homme, ce que Jefus-Chrift avoit fait pour guérir l'aveugle-né. Il cracha à terre, fit de la boue avec fa falive, appliqua cette boue fur la bleffure qui fe referma auffi-tôt, & remit Anien en état de travailler comme auparavant.

[ocr errors]

Celui-ci, touché d'un miracle fi évident, fe fit inftruire de la loi de Jefus-Chrift & reçut le faint baptême. Dans la fuite, faint Marc l'or donna prêtre. Quelques années après, il l'éleva à l'épifcopat, & Anien ayant fuccédé au faint Evangélifte dans le gouvernement de l'église d'Alexandrie, eut, comme on croit, le bonheur qu'a

l'entrée de la ville; ce Saint entra chez un favetier nommé Anien, pour le prier de le lui raccommoder. Ce fut en travaillant à ce foulier, qu'Anien ie perça la main avec fon alêne.

D

voit eu fon maître, de figner fa foi de son sang; & de mériter comme lui la couronne du marty→ re. Le Martyrologe Romain en fait mention au vingt-cinquiéme d'Avril. Voilà le fait. Mais ce qui vient à la matiere dont nous parlons, c'est ce cri indélibéré d'un homme qui reffent une grande douleur: Mon Dieu, cri qui n'étant point l'effet de la réflexion, ne peut venir que de l'efpérance en Dieu que nous avons tous comme naturellement au fond de nos cœurs.

Au reste cette espérance n'eft pas la feule affection de notre ame qui décele la connoiffance de Dieu, imprimée au - dedans de nous. Il y a de plus la crainte de Dieu. Cette crainte eft fi vive & fi profondément gravée dans le cœur de l'homme, qu'il en reçoit les atteintes quelquefois même malgré lui.

Qu'un homme ait commis en fecret quelque crime, un meurtre, par exemple, mais un meurtre dont il est bien sûr qu'on ne peut ne peut fournir aucune preuve contre lui. A peine l'action eft-elle commife qu'il rougit de honte, & fe dit à luimême: Mclheureux, qu'as-tu fait ? Mais qui estce qui le trouble cet homme? Perfonne ne l'a vu. Il est bien affuré qu'aucun mortel ne lui en fera jamais le moindre reproche, & que la justice humaine n'en peut avoir la plus légere connoiffan ce. D'où peut donc lui venir ce trouble, cette agitation, ce remords? C'eft de la juftice divine. Il

Tent qu'il y a un Dieu, & que ce Dieu qui a été le témoin de fon forfait, ne peut manquer d'en

être un jour le vengeur. Voilà ce qui caufe malgré lui fon inquiétude.

On parvient quelquefois, il eft vrai, à force de crimes, à étouffer en partie le cri de la confcience, & à l'affaiblir notablement; affoibliffement qui eft une punition que le pécheur endurci ne mérite que trop. Cependant, quelqu'effort qu'il faffle pour faire taire entiérement cette confcience allarmée, il eft rare qu'il en puiffe venir à bout. Il réuffira bien, fur-tout dans certains moments où la fureur de la paffion le tranfporte, à l'empêcher de jetter les hauts cris. Mais il ne l'empêchera guère de gémir, au moins de tems en tems, & de foupirer fur le trifte état où elle se trouve. Or, d'où vient cette voix? Elle ne vient pas de l'homme même, puifqu'il l'entend malgré qu'il en ait. Elle vient donc d'un Dieu qui, pour le détourner du mal, lui a imprimé au fond du cœur la crainte de fa juftice.

Concluons de ce que nous venons de dire, que puifqu'il y a naturellement au fond de notre ame l'idée de Dieu, l'efpérance en Dieu, la crainte de Dieu, il faut néceffairement qu'il y ait un Dieu qui y a imprimé tout cela. C'est le fentiment intime de cette idée de Dieu, de cette efpérance en Dieu, de cette crainte de Dieu, qui a fait dire à un des plus beaux génies du dernier

Bruyere.

M. de la fiecle: Je fens qu'il y a un Dieu. Je ne fens point qu'il n'y en a pas. Je m'en tiens-là, & je crois que Dieu exifte. S'il eft des hommes qui ne le croyent pas, il s'enfuit feulement que dans le moral comme dans le phyfique il y a des monfires.

Oui, Seigneur, ceux qui ne croyent pas votre exiftence, malgré toutes les preuves que vous nous en donnez, font de véritables monftres. Tirezles, ô mon Dieu, d'un aveuglement fi pitoyable. & ne permettez pas que nous ayons jamais nous→ mêmes le malheur d'y tomber. Vous avez fait vos créatures comme autant de degrés pour nous élever vers vous. C'eft l'ufage que nous en voulons faire. Un coup-d'œil fur les brillans objets que nous voyons dans les cieux, un coup-d'œil fur le confentement unanime de toutes les Nations de la terre, & fur-tout un coup-d'œil fur ce que nous fentons au-dedans de nous-mêmes, nous fortifiera dans la foi de votre exiftence, après laquelle nous espérons avoir le bonheur de jouir de la vue de votre effence dans le ciel pendant toute l'éternité bienheureufe. Ainfi foit-il.

« AnteriorContinuar »