Imágenes de páginas
PDF
EPUB

CONFÉRENCE SECONDE,

Contre les Déifies.

L'EXISTENCE D'UNE RELIGION
RÉVÉLÉE.

Dicentes fe effe fapientes, ftulti facti funt.
En fe difant fages, ils font devenus infenfés.

Ad Rom. c. I, v. 22.

[ocr errors]

NOUS ous l'avons dit dans la Conférence précédente, après un célébre écrivain du dernier fiecle, que les Athées font de vrais monftres. Mais comme les monftres font rares, les Athées ne font pas communs. Auffi font-ils, par cette raison, les moins dangereux de tous les incrédules. Ils le font encore par la précaution qu'ils prennent ordinairement pour cacher leur impiété. Comme ils n'ignorent pas que les loix civiles puniffent de mort ceux qui font profeffion publique d'athéifme, il y va de leur intérêt de ne pas pafler pour ce qu'ils font.

Le fameux Vanini (a) n'eft pas le feul qui

(a) Lucillo Vanini, né en 1585 dans la terre d'Otrente en Italie, fut brûlé par arrêt du parlement de Toulouse, du 9 Avril 1619, pour caufe d'athéisme. Il mourut impénitent. Il avoit été aumônier du maréchal de Ballompierre,

ait payé par la peine du feu la liberté qu'il fe donna à cet égard. Dans notre France le nommé Dolet fubit le même fupplice pour la même caufe (a). Ainfi, effrayés par ces exemples, les Athées fe donnent affez communément bien de garde de publier leur fentiment fur l'existence de Dieu. Et c'est, comme nous venons de le dire, ce qui les rend beaucoup moins féduifans.

Les plus dangereux de tous les incrédules, & ceux qui font plus de mal aujourd'hui dans le royaume, font les Déiftes. Ils fe regardent comme les feuls fages, comme les feuls êtres penfans, comme les feuls qui fachent faire un légitime ufage de leur raifon. Voilà bien le premier carac tere des philofophes dont parle faint Paul: Dicentes fe effe fapientes. Mais le fecond ne leur convient pas moins que le premier: Stulti faci funt. Ils ont montré par leur conduite, par leurs dif cours, par leurs écrits, qu'ils font devenus infenfés.

(a) Etienne Dolet fut brûlé à Paris pour le même crime, le 3 Août 1540. On dit de lui, que paffant par la place Maubert pour aller à la Greve, il dit, en croyant appercevoir dans le peuple des fentimens de compaffion pour lui,

Non dolet ipfe Dolet; fed pia turba dolet;

& le prêtre qui l'accompagnoit lui répondit fur le champ a

Non pia turba dolet; fed dolet ipfe Dolet.

Que quelques-uns d'entr'eux foient des poëtes célébres, des orateurs éloquens, des géometres profonds; nous ne leur difputerons point ces brillantes qualités. Mais nous dirons qu'on peut être tout cela, & être en même tems de fort mauvais philofophes, & encore plus de fort mauvais théologiens. Que ces Meffieurs nous donnent des leçons de littérature, ou qu'ils faffent des découvertes dans la ́physique, à la bonne heure. Mais qu'ils attaquent la religion de leurs peres; mais qu'ils s'efforcent de la faire perdre à ceux qui la confervent; mais qu'ils traitent de petit génie & d'homme fuperftitieux quiconque ne penfe pas comme eux fur cet article ; nous dirons d'eux ce que faint Paul difoit des philofophes de fon tems, qu'avec leur prétendue fageffe, ils ont donné dans le comble de l'extravagance: Dicentes fe effe fapientes, ftulti facti funt. Avant d'entrer en matiere, implorons les lumieres de l'Esprit Saint par l'entremise de Marie: Ave Maria.

QUAND je parle ici des Déiftes, je n'entends point fous ce nom les fectateurs de Spinofa. Ceux qui fuivent les fentimens de cet impie font plutôt des Athées que de véritables Déiftes. En effet, le Dieu qu'ils admettent eft une chimere, & non pas un Dieu. Dans le fyftême des Spinofistes, Dieu n'est autre chofe que la collection de tous les êtres. C'est-à-dire que le ciel & les aftres

Les Spino?

fiftes.

la terre & fes habitans, la mer & fes poiffons compofent la divinité, dont chacun de ces objets fait une partie. Quoi de plus ridicule? La divinité eft effentiellement un être fimple & qui exclut toute compofition. Si elle avoit des parties, on pourroit la concevoir plus ou moins grande par l'addition ou le retranchement d'une des parties qui la compofent, & par conféquent elle ne feroit infinie.

pas

D'ailleurs, qu'est-ce qu'un Dieu qui feroit tout à la fois matiere & efprit, heureux & miférable, faint & impie? Qu'est-ce qu'un Dieu qui feroit affis fur le trône, couronné du diadême, revêtu de la pourpre avec les fouverains, & qui feroit en même-tems enfermé dans un cachot, chargé de chaînes & expirant fur un échafaud avec les criminels? De femblables idées font encore plus de pitié que d'horreur. C'eft nier un Dieu que d'en admettre un de cette efpece. Ces impies font donc de vrais Athées. Mais, comme nous avons fuffisamment parlé des Athées, parlons des Déiftes proprement dits.

Ceux-ci font partagés en deux claffes. Les premiers admettent un Dieu qui n'exige des hommes aucune religion. Les feconds en admettent un qui veut une religion, mais qui ne veut qu'une religion purement naturelle. Examinons les uns & les autres. Commençons par les premiers; nous vien drons enfuite aux feconds,

Les Déiftes de la premiere efpece regardent Dieu comme un être trop élevé au- deffus de tes. nous pour s'intéreffer à ce qui fe paffe dans le monde, & qui, par conféquent, fe met fort peu en peine qu'on ait de la religion ou qu'on n'en ait pas. Il y avoit de ces fortes d'impies dès le tems du roi prophete. Il les dépeint dans un de fes pfeaumes, comme des gens qui irritent Dieu, en difant au fond de leur cœur qu'il ne prendra pas garde à leur conduite, & qu'il ne leur en fera pas rendre compte : Irritavit impius Dominum dixit enim in corde fuo, non requiret.

Ceux d'aujourd'hui tiennent à peu près le même langage. Et voici le raifonnement de ces prétendus efprits-forts. Dieu, difent-ils, eft trop élevé au-deffus de nous pour s'intéreffer à ce qui nous regarde. Infini dans tous fes attributs, & enfermé dans fa propre grandeur, il est trop indépendant de ce que font les hommes, pour y prendre part. Ainfi qu'on le méprife, ou qu'on l'eftime; qu'on l'infulte, ou qu'on l'honore; qu'on le haïffe, ou qu'on l'aime, tout cela lui eft égal, parce que tout cela ne peut donner la moindre atteinte à l'immuable tranquillité de fon être.

Y eut-il jamais un plus criminel abus de la raison, que de s'en fervir à juftifier la plus déraifonnable de toutes les conduites? Est-il poffible, â mon Dieu, que ces infenfés portent la fureux

Les Théif

Pfal. 10 7.13.

« AnteriorContinuar »