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SONNET

A L'OCCASION

DE LA GOUTTE DONT HENRI-LE-GRAND FUT ATTAQUÉ

AU MOIS DE JANVIER 1609.

Quoi donc c'est un arrêt qui n'épargne personne,
Que rien n'est ici-bas heureux parfaitement,
Et qu'on ne peut au monde avoir contentement,
Qu'un funeste malheur aussitôt n'empoisonne ?

La santé de mon prince en la guerre étoit bonne,
Il vivoit aux combats comme en son élément;
Depuis que dans la paix il règne absolument,
Tous les jours la douleur quelque atteinte lui donne.

Dieux, à qui nous devons ce miracle des rois,
Qui du bruit de sa gloire et de ses justes lois
Invite à l'adorer tous les yeux de la terre;

Puisque seul, après vous, il est notre soutien,
Quelques malheureux fruits que produise la guerre,-
N'ayons jamais la paix, et qu'il se porte bien !

STANCES

DE LA RENOMMÉE AU ROI HENRI-LE GRAND,

DANS LE BALLET DE LA REINE

DANSÉ AU MOIS DE MARS 1609.

Pleine de langues et de voix,
O Ro, le miracle des rois,
Je viens de voir toute la terre,
Et publier en ses deux bouts
Que pour la paix ni pour la guerre
Il n'est rien de pareil à vous.

Par ce bruit je vous ai donné
Un renom qui n'est terminé
Ni de fleuve, ni de montagne ;
Et par lui j'ai fait désirer
A la troupe que j'accompagne
De vous voir et vous adorer.

Ce sont douze rares beautés,
Qui de si dignes qualités
Tirent un cœur à leur service,
Que leur souhaiter plus d'appas,

C'est vouloir avec injustice

Ce que les cieux ne peuvent pas.

L'Orient, qui de leurs aïeux
Sait les titres ambitieux,

Donne à leur sang un avantage
Qu'on ne leur peut faire quitter,
Sans être issu du parentage,
Ou de vous, ou de Jupiter.

Tout ce qu'à façonner un corps
Nature assemble de trésors

Est en elles sans artifice;
Et la force de leurs esprits,
D'où jamais n'approche le vice,
Fait encore accroître leur prix.

Elles souffrent bien que l'Amour
Par elles fasse chaque jour
Nouvelles preuves de ses charmes;
Mais sitôt qu'il les veut toucher,
Il reconnoît qu'il n'a point d'armes
Qu'elles ne fassent reboucher.

Loin des vaines impressions
De toutes folles passions,
La vertu leur apprend à vivre,
Et dans la cour leur fait des lois
Que Diane auroit peine à suivre,
Au plus grand silence des bois.

Une reine qui les conduit

De tant de merveilles reluit,

Que le soleil qui tout surmonte, Quand même il est plus flamboyant, S'il étoit sensible à la honte,

Se cacheroit en la voyant.

Aussi le temps a beau courir,
Je la ferai toujours fleurir
Au rang des choses éternelles,
Et, non moins que les immortels,
Tant que mon dos aura des ailes,
Son image aura des autels.

Grand Roi, faites-leur bon accueil;
Louez leur magnanime orgueil
Que vous seul avez fait ployable,
Et vous acquérez sagement,
Atin de me rendre croyable,
La faveur de leur jugement.

Jusqu'ici vos faits glorieux
Peuvent avoir des envieux;

Mais quelles ames si farouches

Oseront douter de ma foi,

Quand on verra leurs belles bouches

Les raconter avecque moi?

STANCES 1

POUR HENRI-LE-GRAND, SOUS LE NOM D'ALCANDRE

AU SUJET DE L'ABSENCE DE LA PRINCESSE DE CONDÉ 2,

SOUS LE NOM D'ORANTHE.

1609.

Donc cette merveille des cieux,
Parce qu'elle est chère à mes yeux,

En sera toujours éloignée,
Et mon impatiente amour,
Par tant de larmes témoignée,
N'obtiendra jamais son retour!

Mes vœux donc ne servent de rien !

Les dieux, ennemis de mon bien,

Il y a d'excellentes choses dans cette pièce et dans les deux autres. Les vers qu'il a faits pour les amours d'autrui valent mieux que ceux où il chante les siens; mais tout cela est encore bien froid. On ne s'échauffe pas de la chaleur d'un autre, et il n'avait jamais aimé lui-même. Je n'aime point à voir sa lyre devenir l'entremetteuse du roi et de plusieurs particuliers. A. CHENIER.

2. Charlotte-Marguerite de Montmorency, femme de Henri de Bourbon, premier prince du sang, et fille du dernier connétable de Montmorency. Comme Henri IV en était amoureux, M. le prince avait quitté la cour, qui se tenait alors à Fontainebleau, pour se retirer à Moret avec la princesse.

ÉDIT.

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