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placé sur une société financière dite du « Clergé de France », fortement accréditée.

On sait que depuis 1708, l'évêque Pierre de Langle avait introduit à Boulogne quelques membres de cet Institut, qui s'y installèrent au grand contentement de la population. Jacques Abot de la Cocherie, subdélégué de l'Intendance et Marguerite Duquesne, veuve du notaire Anselme Hache, avaient aidé de leurs deniers à leur fonctionnement. Les constructions furent édifiées au moyen de quêtes ou dons volontaires, et l'Echevinage prit la charge du traitement de ces modestes instituteurs.

Le nombre de classes était depuis longtemps fort restreint, et les élèves abondaient. On songea bientôt à en créer deux nouvelles pour les enfants pauvres de la marine. Pour y parvenir Mgr de Pressy offrit de contribuer à cette fondation par un versement de 4.000 livres. L'offre fut acceptée et en 1775, les mayeur et échevins signaient le contrat d'acquisition d'une propriété de la rue du Vivier, pour y élever l'école supplémentaire. Ces deux classes ne tardèrent pas, à leur tour, à être trop petites et le nombre de frères insuffisant.

Charles Battut, imprimeur et libraire, qui à ce double titre était resté en contact continuel avec l'enseignement, dont il avait vécu, avait été à même de constater cette insuffisance de l'école de la Beurrière, et c'est pour y remédier qu'il laissait, après lui, dans ce but, une somme relativement importante, dont le revenu représentait la dépense de deux autres frères pour le groupe en question.

Des difficultés s'élevèrent lors de l'acceptation du legs. Le supérieur général de l'Institut des Frères déclarait que cette opération était contraire aux statuts de son Ordre et pensait que les fonds devaient être remis à la municipalité qui déjà subvenait au salaire

des autres membres de la Communauté. A la suite d'un arrêt du Parlement du 12 décembre 1781, notre échevinage finit par partager cet avis et prit possession de la donation en litige.

Un autre obstacle se présentait. Comme condition de la fondation, la Communauté devait faire à perpétuité des prières pour le défunt, mais celle-là n'héritant pas en somme, la charge ne devait pas lui incomber. Après bien des pourparlers, d'accord avec les deux sœurs du testateur (Marie-Jeanne Battut, restée fille, et Marie Barbe, épouse de Gaspard Haigneré, marchand orfèvre à la haute-ville), et avec l'approbation de l'évêque, il fut décidé que ces prières seraient dites par les enfants mêmes qui bénéficiaient les premiers de la situation nouvelle.

Tout se trouva ainsi arrangé et réglé pour le mieux !

II

Les plus anciens des Battut, de Boulogne, n'étaient pas seulement des imprimeurs, mais au besoin ils devenaient des graveurs sur bois. Nous allons le dé

montrer.

Bien souvent il fallait suppléer au matériel incomplet de l'époque et aux difficultés de se procurer certains accessoires du métier de typographe. D'ailleurs c'était inopinément qu'on s'apercevait parfois d'un manquant qu'on n'avait pas pensé faire venir et dont il fallait user à l'instant. L'intelligence du patron (c'était un Battut) permettait de parer à tout. Il s'agissait de petites choses, il est vrai; mais il y a un commencement à tout. Après avoir acquis le tour de main, Pierre Battut s'essaya à des travaux plus importants, à de petits clichés, par exemple, destinés à orner ses publications. On en voit la preuve dans plusieurs productions boulonnaises du vieux temps, et il convient de les signaler.

La planche la plus utile et dont on devait faire un grand usage dans les divers imprimés de notre Municipalité, étaient naturellement les Armoiries du Comté et de la Ville de Boulogne. On les y rencontre, en effet, soit isolées, soit accolées avec une couronne comtale les surmontant, et comme pendentif deux branches croisées de lauriers avec la lettre L (initiale du souverain) que surmonte la couronne royale. Plus tard il y eut des clichés différents de même provenance.

Une fois, on eut l'occasion de reproduire les Armes de la Ville de Calais : c'était pour l'édition de ses Coutumes de 1674.

Pour les impressions religieuses, fort nombreuses, émanant de l'Evêché de Boulogne, on se servait des armoiries des prélats qui détenaient le siège. Il y en avait de plusieurs grandeurs, selon le format des ouvrages. Aussi parfois des en-tête de page, ou des lettres ornées pour le commencement des chapitres.

A chaque succession d'évêque, il fallait forcément changer de clichés. C'est ainsi qu'on a conservé les armes des Henriau, des Devise et des de Pressy. Pour Pierre de Langle, un dissident, il faisait imprimer au dehors ses écrits jansénistes.

Quelquefois c'étaient de petites images saintes pour les livres de prières. L'importante collection de M. Arthur de Rosny en possède quelques-unes. Mais le plus curieux spécimen de planche sur bois est une gravure de grande dimension (0,20 sur 0,30) sortant des presses des Battut, et il ne saurait y avoir le moindre doute à cet égard, puisque l'auteur l'a signée ainsi : « P. Battut fc. »

Cette planche gravée a été exécutée pour la Confrérie de la Charité de Saint-Pierre. Sous un portique, entouré d'une couronne de fleurs et de feuillage, audessous d'un cartouche qui porte l'inscription: CHARITAS, se trouvent en pied et nimbés deux personnages. A droite Saint Pierre avec ses clefs, et à gauche la Vierge portant sur un bras l'Enfant Jésus et de l'autre main un cœur enflammé. Les traits sont grossiers et rappellent bien les dessins de la fin du xvII® siècle, époque où vivait Pierre Battut, premier du

nom.

Le tout est assez fruste, et on y voit encore les trous

qui servaient à retenir la planche sur la presse à imprimer. Ce bois a son histoire. Nous l'avons tous connu dans la boutique du libraire François Battut (rue des Vieillards) qui descendait en ligne directe des anciens imprimeurs du nom. Après sa mort, il devint la propriété de son fils qui l'emporta à Paris. Nous étant mis en communication avec ce dernier, il nous avait promis d'envoyer la planche originale pour la faire tirer par la Société Académique, mais la mort en a empêché la réalisation. Malheureusement cette relique avait disparu au moment de l'inventaire après décès un parent qui habite Boulogne, auquel nous l'avions signalée, nous a donné l'assurance de sa perte à tout jamais. Sa reproduction n'en a que plus d'intérêt pour nous.

Cette grande image n'était pas unique, car nous en connaissons une autre du même genre, sur un format un peu plus grand et qui a dû paraitre après. En bas se trouve une formule imprimée qui marque qu'elle était destinée à une confrérie identique dans la ville de Desvres. Quoique non signée, on peut affirmer que ce deuxième spécimen sort du même atelier.

Il nous reste à parler de l'impression du plain-chant, qui nécessitait de petits clichés d'un genre à part.

Primitivement toute la musique sacrée, qui a eu, on le conçoit, la priorité sur la profane, était entièrement gravée sur bois, d'une seule pièce. Ce n'est que vers 1525 que Pierre Hautan, qui était à la fois graveur, fondeur et imprimeur, commença les premiers caractères mobiles pour la musique : la note et la portée d'une seule pièce en concurrence sur des planches de bois. Les notes étaient toujours carrées, et ce n'est qu'à la fin du XVIe siècle que Robert Gran

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